Boudée en 2017 par une partie du monde de la mode, la First Lady semble désormais en odeur de sainteté dans une industrie du luxe à la peine.
Bernard Arnault patron de LVMH était très bien placé lors de l’investiture de Donald Trump ce lundi 20 janvier à Washington. À ses côtés sa fille Delphine Arnault, CEO de Dior et son fils Alexandre Arnault, numéro deux de Tiffany & Co, racheté en 2021 par LVMH. Le trio était installé dans le carré or, réservé aux personnalités politiques, comme le souligne Le Monde. De quoi s’interroger sur les liens qui unissent les deux hommes d’affaires qui se connaissent depuis plus de quarante ans. Et si Melania Trump avait été boudée voir même boycottée par certains designers internationaux lors du premier mandat de son mari, huit ans plus tard, la First Lady ne semble plus être une paria pour l’industrie. (Le couple ne l’avait jamais été d’ailleurs pour LVMH).
La tendance Trad Wife
« Je n’ai aucun intérêt à habiller Melania Trump », assumait le designer Marc Jacobs dans les colonnes de la presse mode en novembre 2016. « Personnellement, je préfère mettre mon énergie à aider ceux qui seront blessés par Trump et ses partisans », poursuivait-il. Une position opposée à Ralph Lauren qui n’avait pas rechigné en 2017 à habiller la First Lady. Un parti pris qui avait valu à la marque une campagne de boycott sur les réseaux sociaux.
Mais en sera t-il de même huit ans après les premiers pas de Melania Trump à la Maison Blanche ? Pas sûr, comme le souligne la version US de Vogue qui note un « revirement vers le conservatisme en Amérique, notamment dans la culture des jeunes et des grandes entreprises technologiques ». Mentionnant au passage la popularité de l’esthétique « trad wife », tendance qui prône un retour au modèle des années 50, avec mari qui travaille et femme à la maison. Ajoutez à cela le soutien à Trump des grands patrons des réseaux sociaux, comme Mark Zuckerberg et Elon Musk et vous obtiendrez la recette magique du marketing. Pourquoi bouder le clan Trump quand celui-ci pourrait faire fructifier votre chiffre d’affaires ?
Il faut dire que le luxe doit partir à la recherche de nouveaux clients. Avec un marché chinois qui a plombé les résultats de LVMH et Kering, le luxe a perdu quelque 50 millions de consommateurs l’année dernière. Plongeant même Burberry dans le rouge.
Make America Fashion Great Again
Melania Trump boudée par la mode en 2017, a largement compris l’impact de ses tenues. Preuve en est, le look qu’elle s’est choisie pour l’investiture de son mari ce 20 janvier. Si lors du premier mandat de Trump elle s’était essayée à une reproduction d’un look de Jackie Kennedy dans une silhouette bleu layette signée Ralph Lauren, pour ce second round, l’ambiance est toute autre. En Adam Lippes – un créateur américain bien moins connu -, la première Dame est apparue le visage dissimulé derrière un chapeau à large bord (imaginé par un autre américain, Eric Javits), dans un manteau sombre sur une chemise boutonnée jusqu’au cou. De quoi alimenter les médias sur les théories qui ont poussé la First Lady à porter une tenue digne d’un enterrement. De quoi assurer, aussi, un maximum de couverture médiatique au très jeune créateur, américain.
@gma Fashion stylist Joe Zee says first lady Melania Trump’s original inauguration hat was destroyed during transport and hat designer Eric Javits had to quickly make a new one. #melaniatrump #firstlady #fashion ♬ original sound – Good Morning America
Avoir le privilège d’habiller la femme la plus puissante des États-Unis le jour de l’investiture de son mari représente donc une occasion en or pour les designers du pays. Choisi par le styliste de Melania Trump, Adam Lippes a sélectionné pour la Première Dame un manteau en laine bleu marine austère. Un choix étonnant quand on sait qu’il est de coutume pour la femme du Président de porter une tenue vive, afin de contraster avec le sérieux de son mari. Étonnant également quand on connait l’identité du créateur chargé de choisir cette tenue, qui avait déjà habillé Jill Biden en 2021. Moins connu que Ralph Lauren, Lippes est surtout célèbre pour ses réinterprétations des vêtements de sport américains, particulièrement appréciés par les habitants des États-Unis depuis une dizaine d’années.
Un esprit patriotique et populaire à la fois désiré par les équipes de Trump, et souligné par Adam Lippes lui-même qui a tenu à rappeler dans un communiqué que « la tenue de Mme Trump a été créée par certains des meilleurs artisans d’Amérique« . De quoi faire echo à la volonté du nouveau Président des États-Unis qui souhaite instaurer une hausse universelle de 10 à 20% sur les importations et notamment l’habillement.
(Faire) parler à travers ses vêtements
Lors de son premier passage à la Maison Blanche, Melania avait utilisé la mode pour faire passer des messages, elle dont on entend rarement la voix. On se rappelle notamment de sa veste “I really don’t care” portée lors d’une visite d’un centre pour enfants migrants en 2018 ou du casque colonial blanc lors d’un safari au Kenya la même année. Des fashion-faux pas qui, pour Omarosa Manigault Newman, ancienne conseillère de Donald Trump et autrice de An Insider’s Account of the Trump White House, n’en sont pas vraiment : “Ce n’est pas toujours évident, mais rien n’est accidentel chez elle. Ses révoltes vestimentaires semblent toutes avoir un objectif précis : faire payer son mari.” La principale intéressée s’en expliquera plus tard. La veste « I really don’t care » était une réponse à ceux qui jugent ses tenues. Quitte à paraitre déconnectée.
De véritables coups médiatiques qui intéressent les créateurs qui, au-delà des positions ultra-conservatrices de Donald Trump, flairent le bon filon chez Melania qui leur assure une pub hors-pair, sans jamais avoir besoin de parler. “Il est intéressant de noter que les maisons de luxe européennes sont de plus en plus nombreuses à lui proposer de l’habiller, car elles voient cela comme une opportunité de stimuler les ventes et de se faire de la publicité gratuite”, a d’ailleurs précisé le styliste de la femme de Donald Trump depuis 8 ans, Hervé Pierre.
(Plus) une victime de la fashion police
L’industrie de la mode a, depuis les premiers pas de Donald Trump en politique, toujours été ambivalente quant à la manière d’habiller les personnes associées à son administration. Anna Wintour en tête de lice qui a toujours refusé de faire figurer Melania Trump sur la couverture de Vogue, contrairement aux autres FLOTUS.
Peut-être est-ce pour cela que, lors du premier mandat de son époux, Melania Trump s’était majoritairement tournée vers des créateurs européens, Christian Dior, Dolce & Gabbana et Alexander McQueen en tête de file. Ce qui a souvent desservi les discours ultra-patriotiques de son mari, qui n’a cessé de scander son projet “Make America Great Again”. Un projet qui passe par le soutien économique des acteurs locaux, que Melania a boudé. Ou plutôt, qui ont boudé Melania. Même en 2025 ?
21 janvier 2024