Des vêtements tendances à bas prix, une garde robe sans cesse renouvelée, des promotions à perte de vue…mais à quel prix ?
Il y a quelques jours, un des géants de la fast fashion, PrettyLittleThing, a vu son défilé être perturbé par des manifestants luttant contre le travail forcé dont est accusé le géant britannique. Mais cette marque de fast-fashion n’est pas la seule à être pointé du doigt pour ses dérives. Voulant à tout prix surfer sur les vagues du secteur du luxe, en plagiant grossièrement ses codes ainsi que le travail de jeunes créateurs, l’impact néfaste de la fast fashion se reflète tout autant dans la sphère éthique qu’environnementale. En 2021 Arte épinglait déjà les failles de ce secteur dans un documentaires choc. Parmi les acteurs de cette industrie, Zara, Boohoo, Fashion Nova, ou encore SHEIN, qui n’hésitent pas à faire appel à des influenceuses et stars pour promouvoir les vêtements et accessoires de ces marques bien ancrées dans le paysage de la Gen Z. Une cible à la recherche de pièces bon marché et d’une garde robe renouvelée à l’infini.
Il suffit d’ouvrir l’application Tik Tok pour se rendre compte de l’omniprésence de ces dernières : le hashtag #shein a été visionné plus de 22,3 milliards de fois tandis que celui de #fashionnova compte 3,2 milliards de vues et #plthaul 173,5 millions. Alors à l’heure de l’expansion pernicieuse de l’industrie de la fast fashion, voici une liste de 9 faits et statistiques qui vous feront sûrement reculer devant cette robe en polyester à 10 euros.
1 – Les salaires misérables
Selon le site Fashion Checker, 93 % des marques interrogées sont dans l’incapacité de payer un salaire décent aux travailleur.euses de l’habillement. À l’heure où les grandes enseignes de mode ultra rapide basent leur chaînes de production dans des pays en voie de développement, tels que l’Inde, l’Indonésie ou le Bangladesh, les salaires perçus par les employé(e)s d’usines ne leur permettent pas de vivre convenablement sur le plan de la santé, de l’éducation ou encore de la nutrition. Dans un rapport publié en novembre dernier par l’ONG Public Eye, une heure de travail au sein d’une usine SHEIN en Chine équivaut à un revenu compris entre 1 et 2 euros. Dans un autre usine mais toujours de la même marque, les employées sont payées à l’article sans salaire de base ni de primes d’heures supplémentaires. En Angleterre les ouvriers Boohoo serait payé 3,50 livres de l’heure, soit quasiment trois fois moins que le minimum légal, réévalué à 9,50 livres de l’heure en octobre 2021.
2 – Les conditions de travail
Du côté des travailleur.euses, l’utilisation des produits chimiques et notamment de pesticides a également un impact sur les conditions de travail. Le coton étant l’un des tissus les plus utilisés dans l’industrie de la mode à bas prix, plus d’un quart des pesticides utilisés dans le monde servent à cultiver ce matériau conventionnel selon le rapport de McKinsey, représentant ainsi une menace importante pour la santé et le bien-être des travailleurs agricoles. Après avoir interrogé des employé(e)s d’une des usines de SHEIN basée en Chine, l’ONG Public Eye constatait une moyenne de plus de 75 heures de travail hebdomadaire avec seulement un jour de congé par mois. Ces conditions accablantes s’ajoutent au manque de sécurité des ouvriers, les usines de la mode rapide étant pour la plupart dangereuses pour ces derniers sans un accès incendie par exemple. Parmi les preuves les plus frappantes, l’effondrement d’un immeuble abritant 6 usines textiles à Dacca au Bangladesh en 2013, provoquant la mort de 1135 personnes.
3 – Le degré de pollution inquiétant
Ce n’est plus un secret, l’industrie de la mode fait amplement partie des plus polluantes dans le monde : « La production de vêtements est la troisième plus grande industrie manufacturière après les industries automobile et technologique. La production de textiles contribue davantage au changement climatique que l’aviation internationale et le transport maritime réunis. », détaille un rapport publié par Le Comité Spécial de l’Audit Environnemental en 2019. Pas étonnant lorsqu’on sait que le modèle économique de la fast fashion repose sur une formule simple : toujours plus de marge + moins de coûts de production.
Du côté des produits polluants utilisés lors de la production, le magazine Forbes établissait en 2015 un bilan inquiétant : « Près de 70 millions de barils de pétrole sont utilisés chaque année pour fabriquer la fibre de polyester dans le monde, qui est maintenant la fibre la plus utilisée dans nos vêtements. », écrivait le site spécialisé dans la finance. Tout en sachant que cette dernière met plus de 200 ans à se décomposer. Outre la quantité de pétrole utilisée, le polyester résultant, un des matériaux le plus utilisé dans la mode rapide et composé de plastique, contribue fortement à la pollution des océans : 20 à 35 % des flux de microplastiques dans ces derniers proviennent de l’industrie de la mode selon la revue The State of Fashion de McKinsey publiée en 2020.
4 – La surconsommation et le gaspillage de masse
Un autre problème majeur découlant de la fast fashion n’est autre que le gaspillage de masse. Si le marché de la seconde-main a le vent en poupe, force est de constater qu’elle n’est pas encore leader du secteur de l’habillement. Il suffit d’ouvrir les réseaux sociaux pour tomber sur des #Haul, ces guides en vidéo initiés par les marques auprès d’influenceuses. Un publicité gratuite en échange de pièces des nouvelles collections. « Une jeune femme sur trois, le plus grand segment de consommateurs, considère que les vêtements portés une ou deux fois sont vieux », constatait The Guardian en 2019. Résultat ? Une perte à hauteur de plus de 500 milliards de dollars en raison de la sous-utilisation des vêtements et du manque de recyclage, selon un rapport de la fondation Ellen MacAthur datant de 2017.
En France, l’Agence de la Transition Écologiques estime à près de 1,7 milliards d’euros la valeur au détail des invendus soit 4,1% du chiffre d’affaires du secteur. Dans ce lot d’invendus, 5% étaient détruits soit près de 20 000 tonnes d’articles de mode. En moyenne, un français jette 12 kg de vêtements, de chaussures et de linge de maison chaque année, comme l’estimait Le Figaro en 2021. Un constat qui résulte du comportement des consommateurs de fast fashion, abordant ces vêtements achetés à bas prix comme des pièces de court terme, non réparables ou recyclables, plutôt que des investissements de long terme. Depuis 2022, la France interdit la destruction de vêtements invendus par les marques.
5 – Les produits chimiques dangereux pour la santé de l’acheteur
En 2018, la Commission de la sécurité des produits de consommation aux États-Unis publiait une liste des principaux produits chimiques utilisés dans la fabrication de vêtements à moindre coûts, essentiellement en provenance de Chine. Parmi eux, les NFE et les phtalates, pertubateurs hormonaux et endocriniens, les formaldéhydes, causant des nausées et irritations de la peau, ou encore le plomb. Ce dernier faisait par ailleurs l’objet d’une étude canadienne menée par la plateforme Marketplace. Et le constat est sans appel : les scientifiques ont découvert qu’une veste pour enfants en bas âge, achetée chez SHEIN, contenait près de 20 fois la quantité de plomb que les normes canadiennes considèrent comme sans danger pour les enfants. Un sac à main rouge, provenant également de SHEIN, contenait quant à lui plus de cinq fois le seuil autorisé. À noter que le plomb peut avoir des effets néfastes sur le cerveau, le cœur, les reins et le système reproducteur.
6 – Les inégalités de genres
68% des marques de fast fashion ne maintiennent pas l’égalité des sexes dans les sites de production selon le rapport publié par Ethical Fashion en 2019. Parmi le nombre total faisant état de la main d’oeuvre de l’industrie textile dans le monde, 80% sont des femmes comme le souligne Fashion Checker. Une part importante directement liée aux conditions déplorables qui sévissent dans le milieu. « Les femmes peuvent être traitées comme des marionnettes tandis qu’on ne se permet pas de traiter les hommes de la même manière. Les gérants n’écoutent pas nos revendications mais celles des hommes doivent être traitées avec considération. Cela fait que peu d’hommes sont employés. », déclarait une travailleuse bangladaise au site tenu par Clean Clothes Campaign. Outre les inégalités de salaires ancrées dans le paysage depuis un certain temps, les travailleuses doivent également faire face aux violences verbales, physiques et sexuelles.
7 – Le greenwashing
Enfin, le greenwashing ou comment se racheter une conscience écologique à renfort de coups marketings, est un des outils préférés des géants de la fast fashion. L’enjeu environnemental intéresse la Gen Z, pourtant pleine de contradictions. Certaines enseignes de fast fashion ont mis en place des programmes de recyclage qui offrent aux clients une remise en magasin en échange de leurs vêtements usagés. Selon le magazine Peppermint, moins de 11 % des marques mettent en place des stratégies de recyclage pour leurs articles. Autre levier de communication pour les acteurs du secteur : l’utilisation de tissus « biologiques ». Poudre aux yeux quand on sait qu’un tote bag, accessoire imaginé comme alternative au sac plastique, doit être utilisé 7000 fois pour compenser l’impact global de sa production, et jusqu’à 20 000 fois s’il est en coton bio.
8 – Le plagiat de petits créateurs
La photo ci-dessus parlera d’elle-même. SHEIN est très souvent accusé de plagiat par des petites créateurs qui retrouvent leurs créations originales recopiées et vendues à moindres coûts sur l’eshop de la marque chinoise. Maison Cléo, marque française, en faisait récemment l’expérience. Le compte Instagram @dupes.shein répertorie les plagiats par centaine sur son compte.
Conclusion
Si vous souhaitez consommer durablement et de façon éthique, plusieurs choix s’offrent à vous. La première consiste à ne plus jeter mais plutôt réparer, réutiliser, donner ou revendre sur Vinted, Depop ou Vestiaire Collectif. La deuxième consiste à acheter moins, à privilégier la qualité à la quantité et à ainsi consacrer un plus grand budget aux pièces de jeunes créateurs ou aux nombreuses friperies françaises que nous vous avons dénichées sur Instagram.
22 février 2022