La gloire du luxe britannique prend l’eau et voici pourquoi.
Le calvaire de Burberry continue, titre le média spécialisé Agefi. Qu’est-ce qui a mal tourné chez Burberry, la seule marque de luxe britannique d’envergure mondiale ?, surenchérit Skynews. Est-ce que Burberry a la mauvaise stratégie ?, se questionne Business of Fashion. Un temps fleuron de l’industrie du luxe britannique, la célèbre marque au tartan prend l’eau. Ironique pour un label qui s’est fait connaitre pour ses imperméables anti-pluie. Si pendant longtemps Burberry a protégé ses clients du mauvais temps (britannique), l’entreprise semble avoir oublié de se mettre à l’abri de la crise que traverse le luxe. Confirmant l’adage ‘les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés’.
Le honte du luxe sur le marché chinois
Si pendant de longues années il faisait bon de flamber en Chine, et de montrer tous ses objets de luxe, la nouvelle politique du président chinois Xi Jinping se centre davantage sur “la prospérité commune”. Depuis 2021 l’homme d’état a décidé de faire la chasse au bling-bling pour afficher, en façade, moins d’inégalités sociales. Ainsi, plusieurs influenceurs ultra-riches, habitués à faire valoir leur richesse sur les réseaux sociaux, ont vu leurs comptes fermés par l’autorité de régulation d’internet chinoise. Symbole d’un consumérisme à l’occidentale, la consommation de produits de luxe doit donc se faire, soit en douce, soit de manière moins ostentatoire. D’où l’arrivée de la tendance dans la mode du Quiet Luxury, traduit par le Luxe Discret. On peut s’habiller cher, mais faut faire en sorte que ça ne se voit pas. C’est inné quoi.
Ce revirement politique en Chine explique en partie la crise que traverse actuellement le luxe, qui compte en grande majorité sur ses ventes dans le pays pour grossir son chiffre d’affaires. Burberry, qui depuis plusieurs années a choisi de se présenter comme le luxe de la classe moyenne, se retrouve face à la polarisation actuelle du secteur. En effet, si la Chine demande à ses riches d’être plus discrets, elle ne leur demande pas pour autant d’arrêter d’acheter. C’est ainsi que Chanel a augmenté les prix de ses sacs, visant donc la crème des ultra-riches, tout comme Hermès qui voit son chiffre d’affaires augmenté malgré la crise. Pour les autres, qui depuis des années ont opté pour une stratégie de démocratisation du luxe, les comptes ne sont pas bons.
Si mauvais même, que Burberry a changé de PDG cet été, nommant l’Américain Joshua Schulman (anciennement chez Jimmy Choo, Coach et Michael Kors) en remplacement de Jonathan Akeroyd arrivé il y a à peine deux ans et demi. Il laisse un bilan peu reluisant avec un chiffre d’affaires qui a chuté de 22% au cours du premier trimestre écoulé. En Amérique et en Asie, les ventes ont chuté de 23 %. En Europe, en Afrique et au Moyen-Orient, la baisse est de 16 %, détaille le média spécialisé retail detail. Des chiffres qui pousseraient Burberry à devoir couper dans ses effectifs, comme le laisse entendre la presse britannique cet été. Des centaines de postes pourraient être supprimés. Le tout après un plan social déjà réalisé en 2020.
Une image de marque trop malmenée ?
Depuis 2022, après le départ de leur designer phare, Riccardo Tisci qui sera resté à peine cinq ans au sein de la maison britannique, Burberry tente de redéfinir ses codes esthétiques. En nommant Daniel Lee, un anglais à la place d’un italien, et qui a fait ses classes chez Bottega Venetta de 2018 à 2021. Peau neuve donc pour la marque qui efface tout le contenu de ses réseaux en 2023, présentant dans la foulée une remasterisation d’un logo datant de 1901 : le « Chevalier équestre » (ou « Equestrian Knight Design »). Il avait été complètement retiré de l’identité de marque en 2018, au profit du monogramme « TB » (pour Thomas Burberry). Autant de changements qui ont participé à créer la confusion chez le public. Qu’importe les multi-changements, le nouveau CEO tentera de faire rayonner le Modern British Luxury, concept annoncé par son prédécesseur dans une lettre aux actionnaires.
Si l’expéditeur ne fait plus partie de l’enseigne, espérons que les destinataires seront eux, aux rendez-vous de cette missive, et que le pigeon voyageur ira jusqu’en Chine. Pas si sûr quand on apprend qu’en ce début septembre, Burberry a été rétrogradé en Bourse. Après 15 ans sur le FTSE 100, indice vedette de Londres, l’ancien fleuron britannique sera désormais classé sur le FTSE 250, moins prestigieux. Quand il pleut à Londres, il pleut des cordes visiblement.
9 septembre 2024