Au fait c’est quoi la différence entre la mode et la hype ?

Pas uniquement réservée à une élite, la hype touche même désormais vos mères ou grand-mères. Entretien avec trois insiders pour comprendre comment la mode tente de se mettre à l’heure de la hype. Et vice-versa ?

Crédit photo : Pete Casta

Si la pandémie semble avoir ralenti la hype, quasi orpheline de ses drops auparavant abondants, à l’heure où le streetwear fait figure presque de figure du passé dans la mode, comme le prédisait Virgil Abloh qui annonçait même il y a quelques mois la mort de cette tendance, qu’en est-il vraiment de la hype ? Que se cache t-il dans ce mot désormais sur toutes les lèvres ? Qui fait la hype, comment nait-elle et surtout peut-elle être le miroir de la mode ? Tentative de réponse avec des acteurs du milieu qui l’observe, la nourrisse parfois, ou la rejète d’autres jours. Entretien avec Guillaume Salmon, ancien attaché presse pour colette et fondateur de l’agence TACT (et) conseiller mode du PSG, Alexandre Pauwels, ancien journaliste d’HYPEBEAST France et rédacteur pour StockX et le Site de la Sneaker, et enfin Pascale Savary, associée de David Bellion dans l’agence Super Vision Office, agence créative pluridisciplinaire à la croisée du sport de la culture et du lifestyle et éditrice de Sport Etude magazine.

ANCRÉ : Avant on se demandait quelle était la différence entre le style et la mode. Il y a un nouveau dénominateur dans cette équation depuis quelques années : la hype. Comment définissez-vous ce terme pour commencer ? 

Alexandre Pauwels : La hype est à rapprocher de la tendance. Mais ce n’est pas une tendance comme on l’entend au sens « mode » du terme, je décrirais la hype comme une tendance de consommation très forte envers un produit donné.

Pascale Savary : Si la mode se démode et le style jamais pour paraphraser, la hype est un condensé des deux, c’est un style très éphémère lié à la désidérabilité, à l’exclusivité, au petit comité et qui se démode assez rapidement, c’est une tendance très fulgurante, qui revient à chaque nouveau drop, nouvelle collab.

Guillaume Salmon : Je dirais que la hype c’est comme le buzz, c’est éphémère, rapide, succinct. C’est un coup de projecteur à un moment donné sur une marque, un produit, un designer ou un lieu. 

 « L’industrie a masculinisé la désidérabilité des produits, là ou avant on avait l’image de l’accro au shopping via une Carrie Bradshaw, les points de références aujourd’hui sont autant les rappeurs, les joueurs de foot. »

Pascale Savary
Supreme, marque préférée des hypebeast
Crédit photo : Supreme

De quand date la hype et comment naît-elle ? 

AP : Dans la mesure où un média comme HYPEBEAST est apparu en 2005, c’est légèrement antérieur. Mais pas tant que ça, puisque ce mot je le vois lié aux sneakers, et que les premières paires « hype » datent à peu près du même moment – je pense notamment à la SB Dunk Pigeon qui avait créé des émeutes à NY en 2005. Cela dit on constate que des comportements liés à la hype, donc des désirs d’achats très forts et concentrés vers un type de produits, sont encore antérieurs à ça. À l’époque on ne parlait pas de hype, mais on s’est pas mal buté aux USA pour des paires de baskets ou des blousons comme la Double Goose, dès la fin des années 80. Quant à savoir comment elle naît, je dirais qu’elle découle de stratégies marketing de marques. Qui vont pour exciter le désir de consommation du public, qui caractérise la hype, jouer de collaborations avec d’autres marques ou avec des personnalités de premier plan décrites comme exclusives et limitées – manière de dire, « c’est maintenant ou jamais ». Les médias qui vont relayer ces partenariats, mais aussi et surtout les réseaux sociaux dont le pouvoir est encore plus grand, en seront les leviers.

PS : Il y a toujours eu je pense ceux que l’on appelait les branchés, les gens « in », dans la vibe, il y a toujours eu un groupuscule de précurseurs vu comme bizarre, underground puis terriblement tendance et donc hype. Ces groupes sont liés à l’univers musical, artistique… Ils gravitent ensemble avec un nouveau style, une nouvelle manière de porter tel ou tel accessoire et d’un coup quelqu’un d’un peu plus famous se l’approprie et c’est parti.

GS : La hype existe depuis longtemps, à minima depuis Warhol et le studio 54, les bains douches et le palace. Elle naît quand différents microcosmes, différentes cultures et populations se rencontrent. Et a été multipliée par 100 ou 1000 avec internet puis les réseaux sociaux. Mais le pendant négatif est qu’elle est souvent en vase clos, consanguine notamment par les algorithmes.

Et comment naît la mode ? 

AP : La mode naît du besoin de s’habiller, et représente ce qui se fait de plus qualitatif et créatif pour y répondre. En cela je la vois comme un art éternel inépuisable. 

PS : De la même manière la mode, a toujours existé, les costumes, les apparats… On peut trouver des traces de chaque époque à travers le vêtement et même si la mode se démode c’est un circuit cyclique, ce qui a été revient.

GS : La mode née d’une vision, d’une envie, d’une pulsion. Elle née de beaucoup de travail et de labeur, d’une formidable matrice créative.

La hype est-elle vraiment si nouvelle que ça ? Finalement est-ce que ce n’est pas la création du mot qui est récente, plus que sa définition ? 

AP : Exact ça rejoint ce que j’ai mis plus haut. La hype faisant écho à un gros désir consumériste pour un produit donné, on retrouve des comportements qui s’y rattachent depuis longtemps. Le mot doit dater du début années 2000, mais je suis convaincu que les premiers comportements assimilables à la hype doivent s’observer dès le début de l’ère de consommation, donc quoi, les années d’après-guerre ? 

PS : Elle a toujours existé et s’est bien sûr démocratisée et élargie avec les réseaux sociaux, le mot existe depuis assez longtemps.

GS : Si bien sûr ! Les zazous, les yéyés, les acteurs des années folles étaient ou se sentaient hype. Rien de nouveau sous le soleil si je puis dire.

Collab entre DHL et VETEMENTS
Crédit photo : VETEMENTS

Comment la hype a-t-elle évolué, si on part de l’an zéro de la hype à maintenant ? 

AP : Si on part des années 2000, depuis que le mot a été posé, je dirais qu’elle n’a fait qu’être sans cesse plus présente à mesure que la consommation a augmenté. Pour l’univers mode/sneakers, je vois la collab Supreme x LV comme fondatrice de l’ère dans laquelle on est, le point le plus haut de l’importance de la hype dans l’industrie. C’est l’événement qui a instauré un marché où les marques sont sans cesse en quête, sinon de hype mais du moins d’actualité, à renfort de capsules exclusives – je dis bien quête, parce que la hype n’est pas si facile à atteindre. Il y a eu un petit stop avec le coronavirus, mais après que de nombreuses voix du secteur aient clamé les trois premières semaines qu’il fallait changer ce monde consumériste insensé, on est reparti depuis cet automne sur le même rythme qu’avant. On est toujours et très clairement dans une époque consumériste, alors la hype est aujourd’hui très présente, dans la mesure où elle est un moyen pour les marques de vendre autant que de susciter la discussion en dehors de ce qu’elles font de classique. Et quand je parle de marques, je ne parle plus là que de mode ou de sneakers ! Quand LidL annonce qu’il va sortir une machine à coudre moitié moins cher que les prix habituels du marché, il y a du monde pour venir la shopper, et on peut y voir une hype. La hype touche tout aujourd’hui, tous les publics, toutes les bourses. Elle est désormais une quête stratégique répandue, chez les marques de tous horizons.

PS : Le groupe de « branchés » qui fréquentait auparavant des spots bien précis, qui circulait en vase clos et faisait la pluie le beau temps sur les tendances peut désormais venir de nulle part et de partout. Un challenge sur un réseau social peut devenir viral en quelques heures et être annonciateur d’une nouvelle tendance, le pilot challenge de TikTok en confinement s’est retrouvé sur les défilés de la Fashion Week de septembre par exemple. La hype n’est plus élitiste et réservée aux gens qui arrivaient à rentrer au Montana ou autre. Grâce aux réseaux sociaux elle est sortie de son entre-soi des grandes villes, et l’on peut être connecté à Tokyo depuis Limoges grâce aux réseaux, on peut s’inspirer en ligne et la tendance peut devenir virale assez vite. On peut s’inspirer d’un artiste ou bien à l’inverse un artiste peut s’inspirer de ce qu’il voit sur les réseaux, relayer (parfois sans créditer par ailleurs) et lancer la tendance. 

GS : Comme je le disais plus haut, elle a été accélérée par internet et les réseaux sociaux et à mon sens cette expression est trop souvent utilisée à tort et à travers. Elle est galvaudée… comme l’utilisation des mots « Légende » ou « GOAT » d’ailleurs.

On a l’impression que la hype serait plus utilisée pour l’univers masculin que féminin. Vrai ou faux ? 

AP : J’ai l’impression, puisque c’est usité à travers l’univers sneakers à l’origine, très masculin. Mais quand je vois une marque féminine comme Sézane, qui fait des drops hebdomadaires à la Supreme, où les meufs sont complètement à fond dans le truc, font la queue devant la boutique ou cliquent sur tous les produits qu’elles peuvent avant d’alimenter un gros marché de revente, je me dis que la hype existe aussi chez les femmes. On n’y pose pas le mot, mais ça se passe.

PS : Parce qu’aujourd’hui j’ai l’impression que la hype tourne beaucoup autour de la sneaker culture, les drops, les collabs éphémères se font plus sur des shoes que sur des sacs peut être. L’industrie a masculinisé la désidérabilité des produits, là ou avant on avait l’image de l’accro au shopping via une Carrie Bradshaw, les points de références aujourd’hui sont autant les rappeurs, les joueurs de foot qui présentent des dressings plein à craquer de paires signées, de t-shirts box logo et d’objets issus de collabs collector.

GS : Je ne sais pas, ça ne m’a pas interpellé, peut-être parce que je suis un homme. Mais je n’en ai pas l’impression. La hype est issue des univers créatifs et artistiques ou les femmes jouent un rôle essentiel, sont fortes et prédominantes. Mais si par « hype » tu penses à la culture street uniquement, alors oui, nul doute que cela reste masculin.

« À mon sens la véritable hype doit toucher une forme d’underground, des leaders d’opinions plus que des influenceurs, des faiseurs plus que des followers. »

Guillaume Salmon
Une paire d’Air Max issue de la collaboration entre Off-White et Nike
Crédit photo : Sneaker News

La hype semble désormais naître d’un consensus, des placements produits des influenceurs qui véhiculent les cadeaux offerts par les marques, des partenariats déguisés de certains médias. La hype a-t-elle encore son libre arbitre ? 

AP : Je dirais que oui. C’est le public qui décide toujours, et quasi-instantanément avec Instagram. Certes il y a des produits poussés par les acteurs que tu cites, mais ces partenariats n’aboutissent pas forcément à une hype. Il n’y a que de très rares cas où tu peux te dire que quel que soit le produit que la personnalité va vendre, ça va partir, et je pense ici très clairement à des profils exceptionnels de type Travis Scott, Kylie Jenner ou Kanye West. Mais en vrai ces personnalités fortes se comptent sur les doigts d’une main, et ils ont aussi fait des flops en termes de ventes. Si un produit est éclaté, ou pas du tout créatif, il n’aura pas un gros succès. 

PS : Les influenceurs sont les nouvelles rédactrices de mode. Léna Situations est installée au premier rang des défilés, sa force de frappe est plus puissante qu’un article sur le défilé dans le elle.fr. Il y a moins d’analyse ou de recul c’est du live, c’est spontané, c’est sur son téléphone. Un « j’adore le défilé c’était super j’ai envie de tout acheter », déclamé en live à sa communauté vaut plus et a plus d’impact qu’un énième papier onirique sur les volumes et les matières d’une collection. Le sentiment a dépassé l’analyse et la hype fonctionne avec cette émotion.

GS : À ce stade là on n’est plus dans la hype. À la base cela devrait être élitiste, quand tu veux toucher tout le monde, tu deviens mainstream, ce qui est quand même le but avoué d’une marque globale. À mon sens la véritable hype doit toucher une forme d’underground, des leaders d’opinions plus que des influenceurs, des faiseurs plus que des followers.

Les réseaux sociaux sont-ils des acteurs majeurs de la hype ? 

AP : Complètement. C’est le premier levier. On sent directement, au nombre de likes et de partages, si le produit est attendu. S’il l’est, la hype est là. Elle démarre avant même la sortie du produit en question, aux premiers posts Insta.

PS : À mon sens oui, la tendance se flaire d’abord sur les réseaux, surtout cette année où nous avons passé plus de temps à regarder ce qu’il se passait sur les réseaux plutôt que dans la rue, dans la ville, on était sur une hype faite maison.

GS : Oui bien sûr, comme je le disais plus haut. J’insiste sur la notion d’algorithmes et de vase clos.

Comment la mode utilise-t-elle les réseaux sociaux ?

AP : La mode, des petits acteurs aux poids lourds du luxe, a bien compris que tout se passait sur Instagram. Quand LV recrute Virgil Abloh, qui utilisait déjà Insta pour montrer tous ses process de création et continue encore à ce jour, ça valide le procédé. Les marques sont de plus en plus présentes, partagent des insights, leurs campagnes, véhiculent leur univers. C’est un formidable support pour elles. Je pense qu’elles ont d’ailleurs bien assimilé les codes des réseaux tout en restant dans leur posture élevée et minimale propre à leur identité.

PS : Les réseaux sociaux et plateformes sont évidemment essentiels à la mode, et la digitalisation des défilés, notamment pour cause de covid, en est le parfait exemple, c’est également une manière de la démocratiser. Ce qui était jadis réservé à un parterre d’invités triés sur le volet se retrouve visible par tout un chacun via les réseaux. Il y a également eu beaucoup de défilés en plein air, en marchant sur les quais de Seine on pouvait voir passer le bateau Balmain avec Yseult par exemple. Via les réseaux la mode boude un peu son élite (en apparence) pour s’adresser au grand public, les RS sont également un formidable outil d’achat et permettent de raccourcir le circuit de l’acte d’achat. La nouvelle version d’Instagram l’a d’ailleurs très bien compris et on retrouve le corner shopping là où se trouvaient les likes et notifications. 

GS : Elle a mis un peu de temps à s’y mettre regardant cela avec un certain dédain mais à vite compris son importance pour leur Market.

Existe-t-il un rapport de force entre la mode et la hype ? Comment dialoguent-elles ensemble ?

AP : La mode est éternelle, la hype, parce que tendance de marché au sens le plus éphémère du terme, ne l’est pas. Le rapport de force est ici mais pour autant la mode aime créer de la hype. Donc la solution, c’est la capsule collaborative. En parallèle de collections saisonnières classiques, la mode – j’entends les marques – va chercher à créer la discussion avec des collaborations ponctuelles dans des drops exclusifs et limités. C’est autant un moyen de vendre un supplément de rêve avec un storytelling cool que d’attirer d’autres consommateurs, dans l’idée de les voir consommer à terme leurs propres collections. La mode veut créer la hype à son profit. L’inverse est aussi possible : si une hype se crée autour d’une shape de sneaker, cette dernière pourra être reprise à grande échelle. Par contre, je ne vois pas d’exemple pour dire que la hype sera plus qu’une tendance de marché, dans ce cas là. Autrement dit ne durera pas dans le temps.

PS : La hype fait ressortir des tendances que la mode s’approprie mais c’est bien la mode qui pour moi tranche et décide en dernier lieu de ce qui va être cool ou non. La tendance normcore est bien sûr née de la hype mais c’est la mode qui la poussée jusqu’à son paroxysme, on pense à Balenciaga, Tati… Il y a d’ailleurs quelque chose d’indécent à s’approprier la culture ultra populaire et à en faire du luxe, tant qu’elle reste dans la hype on trouve ça dérangeant mais un peu cool comme les tee-shirts DHL par VETEMENTS. Une fois repris par la mode à grande échelle, comme la collab Virgil Abloh x IKEA ça devient too much. Le dernier exemple en date pour moi : la collection Lidl qui se revend à des prix astronomiques sur eBay ou encore le retour de hype du jogging Décathlon. 

GS : Tu connais l’expression « les Bourgeois veulent s’encanailler et les canailles s’embourgeoiser » ? Plus sérieusement, la mode a mis un peu de temps à accepter la hype mais encore une fois, quand elle a compris, c’est allé très vite. C’est aussi générationnel, la plupart des personnes aux postes clefs ont grandi, de près ou de loin, avec l’univers dit street, ce qui n’était pas le cas il y a encore 10 ou 15 ans.

 « À moins d’une grande catastrophe climatique qui sous la forme d’un bad buzz forcerait cette conclusion, ou alors d’une improbable révolution bolchévique, on va rester dans ce modèle économique, la hype va demeurer ce désir de “parallèle bonus”.

Alexandre Pauwels
Vendues 13 euros, ces baskets Lidl ont affiché un prix de revente pouvant aller jusqu’à 1 255 euros
Crédit photo : Lidl

D’ailleurs quel objet ultime définirait la hype et quel serait celui pour définir la mode ? 

AP : Si je pense produit hype, le premier truc qui me vient, c’est un box logo de Supreme, et une paire de Off-White x Nike. Supreme et Virgil, tu as là la quintessence de la hype de cette dernière décennie – bien qu’ils semblent tous deux sur la pente descendante en ce moment. Quant au produit pour définir la mode, je dirais un blazer. C’est une pièce commune aux vestiaires féminins et masculins, un classique intemporel qu’on peut revisiter à l’infini, car socle inépuisable pour faire parler la créativité. Je pense que ça lui correspond bien.

PS : L’accessoire pour la hype vs le basique pour la mode.

GS : Les hypeux vont courir après la collaboration Gucci x The North Face, la mode s’extasiera toujours devant une robe noire d’Yves Saint-Laurent des années 60.

Le modèle économique de la hype est-il différent de celui de la mode ?

AP : Oui parce qu’elle doit sans cesse s’inventer. Une hype arrive, et à moins qu’elle n’insuffle vraiment quelque chose de fort pour créer une tendance de marché plus large, elle s’étouffe très vite et va être remplacée par une autre. C’est pour ça qu’on assiste aujourd’hui à un rythme effréné de collaborations et de drops exclusifs, il faut alimenter ce marché là. Pour alimenter, derrière, la mode, dont le modèle de base est lui plus figé – deux à quatre collections par an. 

PS : Il fonctionne sur des drops en série limitée, la désidérabilité est au coeur de la hype, la mode et le luxe vont plus se retrouver autour du craft, du savoir-faire et notamment dernièrement sur la longévité mais ceci est très récent.

GS : Oui c’est plus rapide, c’est souvent de l’image, c’est souvent des « coups ». La même différence qu’entre une start-up et une entreprise plus classique, aller vite et fort pour revendre au bout de quelques années ou s’inscrire dans la durée et transmettre.

Le mot Hype pourrait-il devenir désuet ? Est-il utilisé à tort et à travers ? 

AP : Non je ne pense pas. Pour redire ce que j’ai dit plus haut, après que toutes les voix de la hype aient clamé les trois premières semaines du coronavirus qu’elles allaient changer ce monde consumériste insensé, elles sont vite revenues aux vieux préceptes dès lors que l’économie est un peu repartie à la rentrée. Depuis octobre, je vois un calendrier de sorties sneakers et capsules qui reprend sur les bases d’avant. Je ne vois pas ce modèle consumériste, base de la hype, s’essouffler de sitôt. Du reste je ne trouve pas que le terme est utilisé à tort et à travers, je pense même, qu’on le sous-utilise par rapport à ce qu’il génère véritablement. Ma mamie peut être hypée par une cocotte minute Lidl. Des marques de tous univers cherchent à la susciter, et tout le monde peut se retrouver dans ce truc.

PS : Il l’est déjà selon moi.

GS : Oh que oui, comme le mot « cool » d’ailleurs.

La hype et la mode souffrent-elles des mêmes clichés ? 

AP : On dit de la mode qu’elle est volatile, alors qu’au final ce sont les tendances qui le sont. La mode souffre donc d’un cliché imputable à la tendance, et donc par extension à la hype. Ça n’est pas très juste pour elle, mais ça l’est pour la hype, dont on dit aussi qu’elle est volatile. Pour le coup il y en a une qui mérite son cliché, l’autre non.

GS : Pour un profane peut-être.

Quel sera le futur de la hype et quel sera celui de la mode ? 

AP : Tant que le consumérisme caractérisera le temps présent, la hype restera dans le périmètre, que ce soit de la mode, des sneakers et de bien d’autres domaines. Je ne vois pas ce qui pourrait stopper ce consumérisme, pas même la prise de conscience de l’urgence écologique, puisque les marques se disent déjà investies de cette préoccupation populaire, et on est loin de slow down le rythme de production, on ne va pas se mentir. Alors à moins d’une grande catastrophe climatique qui sous la forme d’un bad buzz forcerait cette conclusion, ou alors d’une improbable révolution bolchévique, on va rester dans ce modèle économique, la hype va demeurer ce désir de « parallèle bonus » pour les marques et la mode, dans le but de gonfler les chiffres et d’alimenter le storytelling. Ça a l’air désabusé comme jugement mais, et je tiens à finir là-dessus, la collaboration exclusive, je parle du principe de base indépendamment de la hype, c’est quelque chose qui est très cool : j’ai découvert plein de marques et d’univers grâce aux capsules, de nombreux artistes, des mouvements culturels… Quand elle est bien pensée, avec sincérité, ça donne lieu à des produits géniaux, porteurs de statements personnels – c’est aussi ça le vêtement, un statement ! Et je tiens à dire que si le système est engagé dans les drops effrénés, il y a toujours des marques pour qui la sincérité est au centre de toute démarche, et que le « cool » est toujours là.

PS : On voit des alternatives surgir de partout autour de l’upcylcing et de la longévité d’un vêtement d’une pièce. Le caractère éphémère n’est plus si désirable ou alors l’objet doit pouvoir se changer pour devenir autre chose, l’heure est au multiple usage, une ceinture peut devenir collier et vice versa, une robe doit pouvoir se recycler en autre chose. La hype et la mode vont continuer d’exister mais ce sont les cycles et la durée de vie qui vont changer. Hermes donne ses chutes à des écoles de mode pour que les étudiants en fasse autre chose, l’école CASA 93 pionnière en la matière, fait des collections entières à partir de dons de vêtements, Marine Serre également. Les alternatives se multiplient et espérons que l’upcycling ne soit pas justement une hype.

GS : Aucune idée… la hype d’aujourd’hui ne sera probablement pas celle de demain tandis que la mode continuera à s’adapter et à capter le pouls de son époque.

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