Brigitte Bardot, amie des animaux et de l’extrême-droite

Derrière le mythe Bardot, les prises de positions racistes et les condamnations judiciaires pour incitations à la haine.

Crédit photo : Pathé Live

Le 28 décembre 2025, Brigitte Bardot est décédée à l’âge de 91 ans. Si le cinéma pleure l’une de ses icônes, sa mort, elle, ravive les polémiques à son sujet. Car derrière la frange rideau et le gros trait d’eyeliner, B.B c’est aussi des prises de positions marquées à l’extrême-droite, une xénophobie à peine dissimulée et un caillou dans la chaussure des féministes. 

Car oui : si l’imaginaire collectif aime se représenter Brigitte Bardot en femme libre et libérée, l’actrice révélée internationalement à 22 ans dans “Et Dieu… créa la femme” (1956) de Roger Vadim refuse d’être associées aux mouvements féministes naissants. Après avoir tourné avec les plus grands réalisateurs, de Godard à Louis Malle, la muse de Gainsbourg arrête sa carrière en 1973, année à laquelle elle s’oppose au Mouvement de libération des femmes (MLF), qualifiant l’organisation féministe de “comique et idiote”. Une déclaration qui donne un indice sur la mouvance prise au fil du temps par la star de Saint Tropez. “Très tôt, l’actrice se retire du cinéma et s’isole, analyse la créatrice de contenus Cynthia En Parle, Elle se coupe du milieu artistique volontairement et se replie sur une vision individuelle de la liberté. Et forcément, cet isolement va nourrir une vision du monde de plus en plus dure. Et là ça devient de plus en plus border parce qu’à partir des années 1990, elle aura des prises de parole explicitement racistes.”

L’amour des bêtes, la haine des autres

De Brigitte Bardot, la France retient surtout sa beauté, sa carrière artistique et son engagement envers les animaux, qu’elle est l’une des premières à porter haut et fort. Une cause qu’elle partage (en surface) avec l’un de ses amis, Jean-Marie Le Pen : “Nous avons plus en commun qu’il n’y paraît. Elle aime les animaux, elle a la nostalgie d’une France propre ; j’aime son courage et son franc-parler”, racontait-il dans ses mémoires. En 1986, elle lance la Fondation Brigitte Bardot en faveur de la protection des animaux et engage un certain Jean-Louis Bouguereau, l’un des piliers du Front National, comme avocat. C’est d’ailleurs à ses côtés, lors d’un dîner organisé par le couple Le Pen à Saint-Tropez, qu’elle rencontre Bernard d’Ormale, industriel et conseiller de l’homme politique de Jean-Marie Le Pen. Elle l’épouse en août 1992, et devient en même temps l’une des figures non-officielles du parti d’extrême-droite qui monte doucement dans les sondages. 

Crédit photo : Paris Match n° 2266 – Le mariage secret de Brigitte Bardot et Bernard d’Ormale/eBay

Si son combat public concerne les animaux, celui-ci sert des discours racistes, notamment islamophobes. Dans une lettre publiée par le magazine d’extrême droite Présent, BB prend position contre l’Aïd-el-Kébir et l’égorgement des moutons : “On égorge femmes et enfants, nos moines, nos fonctionnaires, nos touristes et nos moutons, on nous égorgera un jour, et nous l’aurons bien mérité. La France musulmane, une Marianne maghrébine ? Pourquoi pas, au point où on en est ?” . Elle persiste et signe, quelques jours plus tard dans le Figaro : “Et voilà que mon pays, la France, ma patrie, ma terre, est de nouveau envahi, avec la bénédiction de nos gouvernants successifs, par une surpopulation étrangère, notamment musulmane, à laquelle nous faisons allégeance. De ce débordement islamique, nous devons subir à nos corps défendants toutes les traditions.”. Des déclarations qui lui valent une première condamnation, malgré la plaidoirie de son avocat, Maître Wallerand de Saint-Just… cadre du Front national. Elle dira ne pas savoir que c’était raciste. Plus encore, qu’elle n’est “pas une raciste dans l’âme”. Et oui : fut un temps où Bardot dénonçait les crimes des terroristes d’extrême droite de l’OAS durant la guerre d’Algérie, appuyée par son avocat de l’époque Robert Badinter. 

Brigitte Bardot en 1968. Crédit photo : Sam Levin via Florian Philippot/Facebook (ex-FN, actuel Les Patriotes).

Un temps particulièrement lointain, puisqu’entre 1997 et 2008, Brigitte Bardot est condamnée à cinq reprises pour incitation à la haine suite à ses propos sur l’islam, l’immigration, le métissage ou l’homosexualité. En 2019, elle réitère et s’attaque cette fois-ci aux Outre-Mer. Dans une lettre ouverte adressée au préfet de La Réunion, elle s’insurge contre “la barbarie que les Réunionnais exercent sur les animaux” et insulte les habitants de l’île, qu’elle décrit comme “des autochtones ayant gardé leurs gènes de sauvage”, “une population dégénérée encore imprégnée des traditions barbares qui sont leur souche” et note des “réminiscences de cannibalisme des siècles passées.” . Elle est condamnée à 20 000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de La Réunion, fait appel et obtient, malgré le réquisitoire de l’avocat général demandant le doublement de la peine, une peine de 10 000 euros. 

Homophobie, islamophobie et racisme décomplexé dans un livre

Si ses déclarations se font souvent dans les médias, en 2003, B.B sort son livre “Un cri dans le silence”, où elle se lâche et assume des positions clairement discriminatoires, qui alertent sur le fantasme du “grand remplacement” : “Depuis une vingtaine d’années, nous nous soumettons à une infiltration souterraine et dangereuse, non contrôlée, qui, non seulement ne se plie pas à nos lois et coutumes, mais encore, au fil des ans, tente de nous imposer les siennes”, peut-on par exemple lire. Un grand remplacement également orchestré par les homosexuels, qu’elle appelle des “lopettes de bas étage, travelos de tous poils, phénomènes de foire”. L’immigration, notamment clandestine, fait aussi parti de ses chevaux de bataille : “On n’a plus le droit d’être scandalisé quand des clandestins ou des gueux profanent et prennent d’assaut nos églises pour les transformer en porcheries humaines, chiant derrière l’autel, pissant contre les colonnes, étalant leurs odeurs nauséabondes sous les voûtes sacrées des chœurs”.

L’ancienne actrice ne s’arrête pas là et ose le rapprochement entre le métissage et les croisements chez les animaux : “Alors que chez les animaux, la race atteint des sommets de vigilance extrême, les bâtards étant considérés comme des résidus, bons à laisser pourrir dans les fourrières, ou à crever sans compassion d’aucune sorte, nous voilà réduits à tirer une fierté politiquement correcte à nous mélanger, à brasser nos gènes, à faire allégeance de nos souches afin de laisser croiser à jamais nos descendances par des prédominances laïques ou religieuses fanatiquement issues de nos antagonismes les plus viscéraux. C’est extrêmement dommage”. Enfin, celle qui se défendait de tout féminisme dans les années 1970 signe et persiste en s’attaquant aux femmes ambitieuses : “Et toutes ces femmes ministres du gouvernement, est-ce vraiment leur place ? […] Les femmes, si elles savent se servir de leurs atouts, auront toujours le pouvoir de faire plier les hommes à leurs moindres désirs. Point besoin de prendre les places qui ne sont pas les leurs pour arriver à leurs fins”, peut-on ainsi lire. 

“Il y a beaucoup d’actrices qui font les allumeuses avec les producteurs”

Plus de doute sur les opinions politiques de B.B qui, si elle était proche de Le Pen – qu’elle qualifiait de “homme agréable, érudit, très gentil” , tout en condamnant ses positions révisionniste et anti-avortement -, c’est sa fille, Marine, qu’elle va soutenir publiquement en 2012 puis en 2014 et en 2017. Pour elle, la nouvelle numéro 1 du FN est une “Jeanne d’Arc du XXIe siècle”. En 2022, elle soutient Eric Zemmour, puis Nicolas Dupont-Aignan, suite aux positions concernant la chasse du candidat de Renaissance. Celle qui s’est toujours dit fière de ses origines “françaises de souche lointaine” disait ne plus reconnaître son pays, “devenu terne, triste, soumise, malade, abîmée, ravagée, ordinaire, vulgaire”, comme elle l’écrivait dans son “BBcdédaire” (2025, édition Fayard). Les évolutions de la société, elle ne les comprend pas, à commencer par le féminisme. En mai dernier, lors d’une rare apparition sur BFM TV, elle déclare : “Le féminisme, ce n’est pas mon truc. Moi j’aime bien les mecs.” 

Celle qui a toujours soutenu publiquement Gérard Depardieu, Nicolas Bedos ou Roman Polanski, s’était régulièrement illustrée ces dernières années pour son positionnement anti-MeToo. En 2018, dans les colonnes de Paris Match, elle s’opposait fermement aux dénonciations des actrices concernant Harvey Weinstein et, plus largement, le harcèlement sexuel dans l’industrie du cinéma : “Concernant les actrices, et pas les femmes en général, c’est, dans la grande majorité des cas, hypocrite, ridicule, sans intérêt. Cela prend la place de thèmes importants qui pourraient être discutés. Moi, je n’ai jamais été victime d’un harcèlement sexuel. Et je trouvais charmant qu’on me dise que j’étais belle ou que j’avais un joli petit cul. Ce genre de compliment est agréable. Or il y a beaucoup d’actrices qui font les allumeuses avec les producteurs afin de décrocher un rôle. Ensuite, pour qu’on parle d’elles, elles viennent raconter qu’elles ont été harcelées… En réalité, plutôt que de leur profiter, cela leur nuit ». Si certains continuent de saluer sa contribution au cinéma, à la chanson, et même, paradoxalement, à la libération de la femme, Brigitte Bardot était doucement passée d’avant-gardiste à icône d’une France d’hier, poussiéreuse, raciste et passéiste. Un héritage difficile à effacer. 

29 décembre 2025

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