Ebony, ou la réparation par les médias

Touchée par une vague de haine durant sa participation à la Star Academy, la finaliste du télé-crochet peut heureusement compter sur les médias pour diffuser une parole anti-raciste et assurer sa promotion, malgré les détracteurs.

Ebony sur le plateau de la Star Academy, où elle est arrivée finaliste.

Clique, Konbini, Quotidien, Brut… Depuis sa sortie du château de Dammarie-les-Lys, Ebony Cham, 20 ans, enchaîne les plateaux pour revenir sur son aventure, mais aussi sur les attaques racistes et sexistes dont elle a été victime, sans le savoir, durant ses trois mois à la Star Academy. Arrivée finaliste du télé-crochet, la jeune femme n’avait jamais été nominée, faisant l’unanimité chez ses professeurs et camarades, alors que dehors, elle été l’objet de nombreuses remarques racistes. Jamais confrontée aux votes du public, la favorite au sein du château (régulièrement citée comme la grande gagnante par les élèves de sa promotion) a dû se contenter de 35% des voix lors de la finale, s’inclinant face à Marine (tout aussi talentueuse), Pour certains à la surprise générale. Quoi que.

Misogynoir : une médiatisation nécessaire

Si une partie du public s’est accordée pour saluer son talent et la qualité de toutes ses performances, une autre, elle, s’est adonnée à un cyberharcèlement de grande ampleur en raison de son genre et de sa couleur de peau. Victime de racisme sans le savoir, la chanteuse a découvert le contenu de toute cette vague de haine à sa sortie, en même temps que le soutien sans faille d’une toute autre partie de la France. 

Une partie de la France largement représentée par les médias, qui invitent sans relâche l’interprète d’Unforgettable sur leurs plateaux pour lui offrir ce droit de réponse auquel elle n’a pas eu droit durant ces trois derniers mois. Où quand la presse fait son taff. Souvent accusée de jouer le jeu de l’extrême-droite (notamment en raison des affinités politiques de certains grands patrons de chaîne, Vincent Bolloré en tête de file), la télévision insuffle un peu d’empathie à son contenu à travers le “cas Ebony”. Un traitement qui permet de mettre en lumière la notion de misogynoir, trop souvent vécue par les jeunes femmes noires. Mais trop peu évoquée dans la sphère publique. 

Théorisé par l’afrofeministe américaine Moya Bailey en 2008, ce terme rassemble deux objets d’attaque récurrents : le genre et la couleur de peau. Une sorte de double-peine vécue par Ebony, comme par tant d’autres, d’Aya Nakamura à la nouvelle Miss France, Angélique Angarni-Filopon en passant par Yseult, qui en plus de remplir ces deux critères, sont des femmes qui réussissent. “On parle d’elle comme une femme arrogante, explique Andela Stelle qui a lancé une pétition pour soutenir Ebony au micro de France Inter, C’est encore très tabou la femme noire mise en avant dans les médias. Des hommes noirs, il y en a plein. Les Français n’acceptent pas encore de voir une femme noire sur leurs écrans.”

Et si on parlait musique ?

Si la bienveillance des médias à son égard fait d’abord chaud au cœur, elle finit par instaurer une forme de malaise. Oui, mettre en lumière les attaques injustes qu’elle a subies est essentiel. Non, ne parler que de sa couleur de peau à une chanteuse n’est pas juste. Là où sa concurrente Marine peut parler de sa musique, Ebony, elle, n’y a presque pas le droit. “On peut débattre de mon art, mais ma couleur de peau ne devrait pas être un sujet,” déplore-t-elle dans un entretien accordé à France Antilles. Même son de cloche chez Clique, où l’artiste s’agace : “Si ça ne concernait que l’artistique, ok. Mais là, ce n’est pas ça qui dérange. Si c’est ma personne qui dérange, ce n’est pas normal. Si c’est mon art, ce n’est pas grave. (…) Je suis juste venue chanter, faire de la musique, et les gens, ce n’est pas ce qu’ils ont jugé.”

Alors comment trouver l’équilibre entre réparation et respect de l’artiste ? Devenue un sujet politique malgré elle, Ebony ne demande finalement qu’une chose : être traitée comme n’importe quelle chanteuse, à qui l’on poserait des questions sur sa musique avant tout. “Les gens se concentrent sur ma couleur de peau alors qu’ils devraient se concentrer peut-être plus sur la musique,” résume Ebony dans les colonnes de Serieously. Et là encore, il en va de la responsabilité des médias de ne pas enfermer les femmes racisées dans des cases, en invisibilisant tout ce qu’elles souhaitent offrir au monde. Et dans le cas d’Ebony, “être la Beyoncé française,” comme elle n’a cessé de le répéter durant tout son séjour au château. C’est tout ce qu’on lui souhaite. 

13 février 2025

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