Particulièrement violent dans les milieux créatifs, le racisme est heureusement pointé du doigt par de nombreux réalisateurs et journalistes.
Du manque d’inclusion à l’opéra à la fétichisation des mannequins soudannais en passant par la critique des marques excluantes de notre adolescence, petit récap’ des documentaires récents qui nous ont fait du bien.
Être noir à l’Opéra, Virginie Plaut et Youcef Khemane (2024)
Du danseur étoile Guillaume Diop à la contrebassiste Sulivan Loiseau, le documentaire “Être noir à l’Opéra” de Virginie Plaut et Youcef Khemane revient sur l’ouverture progressive de l’une des plus vieilles institutions parisiennes : l’Opéra. Entre la difficulté de s’intégrer dans cet espace ultra-blanc et le questionnement difficile des pratiques racistes perpétuées dans le monde du spectacle (le “Black face” en tête de file, mais aussi l’utilisation exclusive de collant ou de ballerines couleur chair uniquement adaptés aux peaux blanches), le long-métrage – disponible sur Arte.tv – nous ouvre les portes d’un monde encore confiné qui tente, peu à peu, d’élargir ses horizons.
Je ne suis pas chinetoque, Émilie Tran Nguyen et Jessica Bagic (2023)
Bien trop longtemps ignoré, le racisme anti-asiatique est devenu particulièrement visible lors de l’épidémie du Covid. Une violence inouïe s’est alors abattue sur toute une communauté, déjà particulièrement stigmatisée, et à laquelle la journaliste Émilie Tran Nguyen et la réalisatrice Jessica Bagic s’intéressent enfin dans un documentaire d’une justesse rare. Baptisé “Je ne suis pas chinetoque”, ce film d’1h30 retrace l’histoire d’un racisme banalisé, caché derrière des traits d’humour douteux, qui interroge la notion de “minorité modèle” et la figure du “bon immigré”. Grâce à l’intervention de personnalités culturelles, politiques ou issues du monde du journalisme asiatiques, ce long-métrage offre un récit touchant d’une histoire encore trop peu racontée.
Brandy Hellville & the Cult of Fast Fashion, Eva Orner (2024)
Longtemps Brandy Melville, marque incontournable des années 2010, a fait fantasmer toutes les adolescentes, qui se rêvaient en “Brandy Girl”. Le problème ? La marque ne propose qu’une taille unique, riquiqui. Réalisé par Eva Orner, le documentaire “Brandy Hellville & The Cult of Fast Fashion” revient sur la manière dont une marque a suffit à imposer une norme de beauté particulièrement excluante. En effet, si la it girl des années 2010 est (très) mince, elle est également très blanche. Entre salariées racisées cachées en réserve, égéries exclusivement caucasiennes et vendeuses virées par le PDG Thierry Marsan car jugées pas assez mince ou assez belle, Eva Orner révèle tous les secrets d’un environnement ultra-toxique ayant contribué à renforcer les complexes de toute une génération.
Top model : le rêve des réfugiées, Lucile Chaussoy, Kilian Le Bouquin et Marion Cantor (2024)
Depuis quelques années, les mannequins sud-soudanais sont l’obsession des marques de luxe, qui s’en vont chercher leurs futures modèles dans des camps de réfugiés. Un rêve pour ces jeunes femmes à qui l’on offre l’opportunité de s’en sortir… avant de les lâcher dans la nature, de les renvoyer à la misère et même de leur demander de l’argent. Dans ce reportage signé Lucile Chaussoy, Kilian Le Bouquin et Marion Cantor, on assiste au pire de la fétichisation de la femme noire grâce à la mise en lumière des recrutements des grandes agences de mannequins européennes dans le camp de Kakuma, situé au nord du Kenya, et du traîtement ultra-violent des femmes noires dans la mode.
High & Low — John Galliano, Kevin Macdonald’s (2023)
Souvenez-vous : alors à son apogée, le créateur John Galliano pète un câble et profère des insultes antisémites et raciales à la terrasse d’un café parisien en 2011. Un instant filmé qui lui vaut d’être éjecté de chez Dior, où il était Directeur Artistique depuis 14 ans, et sur lequel revient le réalisateur Kevin Macdonald’s dans son documentaire « High & Low — John Galliano ». Un scandale qui n’a pourtant ébranlé qu’un temps la carrière de Galliano, et dont le réalisateur questionne les privilèges d’homme blanc dans le monde de la mode, mais aussi dans la société toute entière.
Invisible Beauty, Bethann Hardison et Frédéric Tcheng (2023)
Sans elle, pas de Naomi Campbell, de Pat Cleveland ou d’Iman Abdulmajid. Mannequin noire pionnière, Bethann Hardison revient dans ce documentaire sur son parcours semé d’embuche, le racisme subi en backstage et sur le devant de la scène, et sa lutte pour la diversité dans la mode. De premier top noire à entrepreneure, directrice d’agence de mannequins et activiste, on découvre dans « Invisible Beauty » la vie de l’une de celle qui a ouvert la voie à toute une génération.
5 janvier 2025