Un procès pour avoir fait défiler des maillots de bain durant le Ramadan

C’est à quoi s’exposent les créateurs indiens Shivan Bhatiya et Narresh Kukreja en raison de leur dernier défilé.

défilé Ramadan
Après avoir fait défiler des mannequins en maillots de bain en plein Ramadan, les créateurs de Shivan & Narresh s’exposent à un procès pour indécence. Crédit photo : Shivan & Narresh

Vendredi 14 mars dernier, dans une station de ski du Cachemire, des mannequins se sont succédés, portant aussi bien des combi’ que de petits bikinis pour incarner le thème de la collection intitulée « Ski et après-ski ». Un coup d’éclat signé Shivan & Narresh, qui, pour présenter ses modèles inspirés des sports d’hiver, a misé sur des tenues plus légères que prévu. L’histoire aurait pu s’arrêter là : un énième défilé-performance un peu subversif, que l’histoire ne retiendra probablement pas. Sauf que.

Présenté en plein mois du Ramadan dans une région du monde particulièrement croyante et pratiquante, le défilé a indigné une partie du public, mais également des responsables politiques et religieux du pays. Rapidement, le duo de designers a présenté ses excuses sur X avant de supprimer toutes les photos du show de leurs réseaux sociaux. “C’était clairement un défilé de mode. Mais il est regrettable que le sentiment religieux ait été un oubli total de notre part, ont déclaré les deux designers, Il s’est tenu pendant le mois sacré du Ramadan, nous devons donc faire le nécessaire.” Ils ont également souhaité souligner que, n’étant eux-même pas musulmans mais hindous, un tel tollé ne leur a “pas traversé l’esprit.”

Mode vs religion : le débat ravivé

Là encore, l’histoire aurait pu s’arrêter là. Malheureusement, le scandale a pris une toute autre ampleur lorsque le ministre en chef de la région, Omar Abdullah, a publiquement exprimé sa colère et dénoncé un « mépris total des sensibilités locales », conduisant à l’ouverture d’une enquête officielle. Saisi par le chef du parti Awami Ittehad, Adil Nazir Khan, le tribunal en charge a ainsi assigné Bhatiya et Kukreja (ainsi que la rédactrice en chef d’Elle India, Ainee Nizami Ahmedi) à comparaître après qu’ils aient été accusé d’avoir affiché du contenu inapproprié, contraires aux valeurs culturelles et religieuses du pays. De son côté, le chef religieux du Cachemire, Mirwaiz Umar Farooq a affirmé qu’“une telle obscénité au nom de la promotion du tourisme ne sera pas tolérée au Cachemire”

Depuis, le débat fait rage en Inde et dans le monde et ravive une question vieille comme le monde : la religion doit-elle interférer dans les affaires créatives ? Alors que de nombreux représentants politiques et religieux se sont opposés à la promotion d’un tel défilé, pour le parti Bharatiya Janata Party, il s’agit là d’une « controverse inutile ».Le sujet ne date pas d’hier et est régulièrement ravivé, comme en 2024 lorsque de nombreuses associations catholiques se sont indignées du shooting de Rihanna par Nadia Lee Cohen réalisé pour Interview, où elle apparaissait en nonne. À la différence qu’ici, aucune religion n’est caricaturée. Et que la punition pourrait s’avérer bien plus sévère qu’un backlash médiatique. Pour le Times of India, « maîtriser ces nuances reste un aspect crucial de la mise en valeur de la créativité sur une plateforme internationale ». Ou comment créer sans vexer.

Dans un tweet, l’utilisateur Radz Talking a quant à lui poussé un coup de gueule envers la partie conservatrice de sa région (avant de supprimer son post) : « Le Ramadan est partout dans le pays. Le Cachemire est-il un pays islamique où les défilés de mode ne peuvent être tolérés ? Il s’agit d’une marque haut de gamme, qui organise des défilés à Milan et dans le monde entier. Nous devrions nous réjouir que le Cachemire obtienne la reconnaissance qu’il mérite dans le monde. » Car au-delà du sujet concernant une atteinte aux moeurs locales, l’affaire soulève aussi une autre question : comment doit-on investir un espace dont on est pas originaire ? Deux écoles se sont affrontées au Cachemire : la première estime qu’un défilé de mode d’une si grande ampleur présente des opportunités de croissance économique folles, d’autres estiment que la promotion du Cachemire doit également passer par celle de ses valeurs et de ses traditions. Malgré des avis divergents, les créateurs eux, n’échapperont pas à la justice. Leur audience pour outrage est fixée au 8 avril prochain.

19 mars 2025

Previous Article
house of vinted

Vinted fait son premier évènement physique

Next Article

Le Ministère de la Culture donnent 300 000 euros aux jeunes designers

Related Posts