Leçon de communication par Antoine Arnault à la tête de l’image et de la communication du groupe de luxe.
Parmi les héritiers Arnault, il y a Antoine, 44 ans et directeur de l’image et de la communication du groupe LVMH. Celui qui a pris ses fonctions en 2018 tout en gardant son poste de directeur général de Berluti, a pour missions de gérer la surexposition de la grande maison mais aussi de développer tous les canaux qui permettent à LVMH de communiquer sur ses divers projets. Du Prix LVMH récompensant les jeunes créateurs, aux nouveaux hôtels de l’entreprise familiale en passant par l’ouverture de La Samaritaine, nouveau temple du commerce physique de LVMH. Dans une interview à l’occasion d’un webinar organisé par Le Journal du Luxe x CB News et dédié au futur de la communication dans le secteur du luxe, Antoine Arnault s’est confié sur les grands axes de communication du leader du luxe, dévoilant ainsi quelques détails sur la stratégie adoptée par le conglomérat.
Sur la Cancel Culture
La Cancel Culture, terme utilisé pour illustrer un boycott de la part du grand public, n’a pas manqué de se faire questionner le groupe LVMH. Dans une récente campagne Tiffany & Co., nouvelle arrivée dans le giron du groupe, Beyoncé et Jay-Z posent devant un tableau de Basquiat encore jamais vu. Une publicité qui a suscité la polémique faisant même jusqu’à réagir un ancien assistant du peintre, attristé par l’utilisation d’une oeuvre d’un artiste dit anti-capitaliste. Le grand public s’était joint au grondement en pointant du doigt le canari jaune de 128.54 carats accroché au cou de Beyoncé. Ce gros diamant de Tiffany & Co. proviendrait des mines de diamants de Kimberley en Afrique du Sud, où de nombreux ouvriers ont perdu la vie sous les ordres des colons britanniques. Si le diamant de sang a été malmené, pour Antoine Arnault la campagne « est une bonne illustration d’une prise de risque réussie ». Il poursuit : « Si elle a pu créer un peu de mécontentement de la part de certains clients, elle a aussi eu un impact positif indéniable pour la marque », explique de directeur de l’image qui reconnait que « nous vivons dans une période où il faut être vigilants » et où « tout est un peu plus consensuel ». Mais selon Antoine Arnault la réussite s’opère aussi dans certaine prise de risque. « Je pense aussi que c’est le rôle des agences que de pousser un peu plus leurs clients dans leurs retranchements ».
Respecter son ADN
Antoine Arnault le dit : il ne faut pas renier ce qu’est l’histoire d’une marque. Pour accroitre son succès il faut miser sur un équilibre entre héritage et modernité. « Donner un coup d’accélérateur trop rapide à une marque revient à demander à un artiste d’écrire un tube : ce n’est pas comme cela que ça marche ! L’innovation s’inscrit dans la durée selon un processus itératif qui découle du talent de nos équipes ». Mais pour qu’une campagne de communication fonctionne elle doit avant tout reposer sur une bonne répartition des tâches au sein même de l’entreprise. « Le créateur crée, là où le manager met en musique. Il y a les solistes et les chefs d’orchestre. Les bonnes créations, les bonnes équipes, les bons emplacements et les bonnes campagnes de communication sont autant de composantes d’un mix parfait qui, une fois obtenu, peut être activé facilement par le Groupe ». En anglais on appelle ça respecter son « work of lane », autrement dit chacun son espace et sa feuille de route.
Sur l’utilisation des réseaux sociaux
Jugés essentiels, ils sont l’endroit où se trouvent les nouveaux clients de LVMH note Arnault qui rappelle qu’en 2009, le groupe a été « à l’initiative du premier défilé en live sur Facebook, avec Louis Vuitton ». Un encouragement à disposer de tous les supports de communication. « Nous continuerons à embrasser le développement de ces réseaux, à proposer des contenus sur TikTok, Instagram et toute autre plateforme qui présentera de l’intérêt pour nos communautés », confie Antoine Arnault qui croit en revanche à la force de l’affichage. « Notre essence-même reste le magasin, la vitrine, l’outdoor, les médias traditionnels ou encore l’événementiel à travers les grandes expositions que nous organisons. Nous continuons à croire très fermement en ces supports en dehors de la sphère digitale ».
L’arrivée du Metavers ne semble pas perturber LVMH qui rappelle qu’il est encore une fois question d’équilibre et d’analyse des forces de chaque médiums et supports. « Dans le futur, je suis convaincu que le digital jouera un rôle prépondérant mais, même si ces canaux sont très efficaces, je continue à être personnellement plus ému par un affichage géant que par une publicité Instagram de quelques secondes sur un mini écran », conclut Arnault.
29 décembre 2021