Après une première médaille d’or, remportée en 2021 aux JO de Tokyo, la handballeuse française aborde Paris 2024 le coeur léger.
Méline Nocandy pourrait vous donner la définition du mot sacrifice tant elle en a fait depuis le début de sa carrière. La jeune handballeuse qui devrait participer aux JO de Paris 2024 a déjà dû parcourir les plus de 6 700 kilomètres qui la séparent de sa Guadeloupe natale dès le début de sa carrière. Un déchirement pour cette athlète estampillée adidas qui s’était mise en tête de ne rentrer « au paii » que si on lui passait un jour, la médaille autour du cou. Alors la voix se casse soudainement lorsqu’on lui demande de retracer son parcours. Derrière les larmes de joie qu’elle a versées lors de sa victoire avec l’équipe de France aux JO de Tokyo en 2021, s’en cachent d’autres. Plus salées. De celles qui piquent beaucoup les yeux.
« Par chance, par abnégation, et grâce au travail j’ai gagné les JO de Tokyo en 2021. Avant cette victoire c’était cinq années de sacrifices. Et même si j’ai rêvé de ça, tu ne sais jamais si ça va vraiment arriver. Pendant deux mois après cette médaille d’or, je me suis demandée si j’allais continuer le handball. Parce qu’avant ça, pendant cinq ans je n’ai presque pas vu ma famille. J’attendais les vacances mais il y avait toujours quelque chose« , confie t-elle.
Une affaire de famille
Ce déracinement, Méline Nocandy l’a voulu. Mais l’a subi. « Dans ma famille j’avais la star du handball de la Guadeloupe, c’était ma tante et je m’étais mise en tête de la dépasser. Et pour ça, il fallait que je parte en métropole. Je savais que si un jour je devais partir de la Guadeloupe c’était pour gagner les Jeux Olympiques. Je l’avais écrit sur un petit bout de papier dès que j’étais petite ». Mais, poursuit-elle : « j’avais l’impression que tant que je n’avais pas réalisé mon rêve (de gagner les JO) je mettais ma famille de côté. Alors le fait d’avoir remporté la médaille d’or à Tokyo en 2021, tôt dans ma carrière, ça m’a libéré. Je me permets de rentrer sur mon île maintenant même si ce n’est que trois jours. Parce que c’est ça la vie. J’étais dans un cercle fermé sur moi-même. Je n’avais plus de vie sociale. J’étais devenue une machine. J’ai joué blessée parfois juste pour garder ma place« .
À l’heure où les mots « santé mentale » semblent être au coeur de toutes les discussions chez les athlètes, Méline Nocandy se rend compte qu’elle avait fait le sacrifice aussi de son bien-être. « Avant je ne pensais pas à ma santé mentale, ni à ma famille, ni à mon corps. Je me disais je n’aurai pas mille occasions de remporter les Jeux Olympiques. J’étais dans ma vision tunnel. Aujourd’hui j’ai la même médaille que les Marie-José Perec, Teddy Riner, c’était mon rêve. Je connais des joueuses extraordinaires qui n’ont jamais gagné les jeux donc je sais que j’aurai pu mourir et ne pas réaliser mon rêve« .
La machine est aussi alimentée par tout un système. « Emmanuel Macron quand on a gagné en 2021 les JO de Tokyo, il nous a dit en 2024 il faut plus de médailles. On met toujours la pression aux athlètes. Un sportif ne se résume pas qu’à des médailles. Je connais des très bons sportifs qui n’ont jamais gagné et ça n’empêche pas qu’ils ont une super carrière. Et qu’ils font les mêmes sacrifices que moi. L’obsession de la médaille ça nous enferme dans une notion de « sans ça tu n’es rien ». Alors qu’on est bien plus que ça. On n’est pas des super-héros. Je n’aime pas ce terme. On a des sentiments comme tout le monde. On est aussi des éponges. »
À quelques mois de Paris 2024, Méline Nocandy semble plus libérée que jamais. « Gagner Tokyo 2021 ça m’a soulagé d’un poids. Depuis, je suis redevenue la petite fille qui faisait du handball en Guadeloupe. Donc Paris 2024 ce n’est que du bonus et du plaisir peu-importe ce qui se passe. Les gens ne se rendent pas compte non plus de ce que signifient les JO à Paris pour nous les athlètes. C’est aussi l’occasion de faire des shooting photos, des évènements, des rencontres. Les gens oublient le côté extra-sportif que représentent les jeux. Il y a les victoires, les médailles mais il y a aussi tout simplement la vie ».
18 avril 2024