Certaines affaires qui courent depuis plusieurs années pourraient connaitre leur épilogue. Qui aura tort ou raison ?
2023 pourrait sonner le glas de certaines affaires opposant adidas à Thom Browne ou encore Amazon à Louboutin. En cette nouvelle année, la justice devra trancher sur des litiges qui durent depuis de nombreuses années pour certains. Tour d’horizons des procès qui seront à suivre dans les mois qui arrivent et qui pourraient faire jurisprudence dans le monde de la mode.
adidas vs Thom Browne : guerre de bandes
Contexte : En 2021 le styliste Thom Browne et sa marque éponyme sont accusé par adidas de plagiat. La marque allemande reproche à l’américain d’avoir copié son logo aux trois bandes en y ajoutant une bande supplémentaire sur certaines pièces de ses collections. Bien décidé à protéger ses « three stripes », adidas lance alors une action en justice à l’encontre de la marque de luxe, en déposant une plainte pour violation de marque et dilution devant le tribunal fédéral de New York. La marque affirme que Thom Browne « vend des vêtements et des chaussures de style athlétique comportant deux, trois ou quatre bandes parallèles d’une manière qui ressemble à s’y méprendre au logo à trois bandes d’adidas ». Une histoire qui ne date pas d’hier, puisque le litige entre adidas et Thom Browne a débuté en novembre 2020. Les deux marques avaient alors tenté de trouver un compromis à travers un processus de médiation, sans grand résultat. Pour l’avocat de Thom Browne, adidas avait donné son accord il y a dix ans au styliste, lui suggérant même d’ajouter une quatrième bande pour éviter la confusion :
« Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’Adidas a donné son accord à Thom Browne il y a plus de 10 ans et a en fait suggéré que Thom ajoute une bande supplémentaire […]. Thom n’a pas modifié sa philosophie de conception qui, apparemment, fonctionne bien si l’on considère les marchés mondiaux. Mais qu’Adidas prétende que ses marques ont perdu de la valeur ou que, d’une manière ou d’une autre, elle a perdu des ventes en raison de l’utilisation par Thom Browne d’un design à quatre bandes pendant plus de 10 ans, ce dont Adidas était plus que conscient, est tout simplement absurde ».
Le procès a débuté ce 3 janvier à New York. Thom Browne s’est présenté au tribunal dans une tenue… à quatre bandes.
Update du 13/01/23 : Thom Browne a remporté son procès contre adidas neuf jours après que les deux parties se sont rendues au tribunal. « Nous sommes heureux que le jury ait conclu qu’à aucun moment Thom Browne, Inc. n’a enfreint l’une des marques d’Adidas », a déclaré un porte-parole de Thom Browne dans un communiqué. « Depuis plus de 20 ans maintenant, Thom Browne est une force pionnière dans la mode de luxe, apportant une esthétique de conception tout à fait unique et distinctive qui combine la confection classique avec la sensibilité du sportswear américain. Nous sommes impatients de continuer à concevoir et à fournir les produits créatifs qui sont devenus la marque de fabrique du label Thom Browne ». Le designer lui s’est félicité d’avoir avec cette victoire, protégé aussi d’autres créateurs : « Et je pense que c’est plus important et plus grand que moi, parce que je pense que je me suis battu pour chaque designer qui crée quelque chose et qu’une plus grande entreprise s’en prend à lui par la suite », a-t-il déclaré. « Les bandes n’appartiennent pas à adidas », avait avancé l’avocat de Thom Brown dans son argument final face à aux jurés.
adidas s’est dit déçu de la décision du tribunal de Manhattan. « Nous sommes déçus par le verdict et nous continuerons à faire respecter notre propriété intellectuelle avec vigilance, notamment en déposant tous les appels appropriés », a déclaré Rich Efrus, un porte-parole d’adidas.
Thom Browne wore his signature look to a Manhattan courthouse https://t.co/n4FDHgo1kM
— GQ Magazine (@GQMagazine) January 3, 2023
Louboutin donne un coup de semelle (rouge) à Amazon
Contexte : En 2022, Louboutin estime qu’Amazon vend des contrefaçons de ses chaussures sans en réguler le trafic et dépose un recours au Luxembourg et en Belgique contre Amazon concernant la vente de produits de illégaux sur le site. Pour Louboutin, Amazon se sert de ces contrefaçons pour en faire de la publicité sur sa plateforme. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), se saisie alors du litige mais estime que c’est à la juridiction nationale (Cours de cassation) de trancher. Mais fin d’année 2022, elle rouvre finalement la voie à une responsabilité d’Amazon dans la publicité et la vente de produits contrefaits, comme le confirme l’AFP. L’affaire se poursuivra donc en 2023.
Louboutin se démène en justice pour protéger sa semelle rouge. Après avoir attaqué en 2011 Saint Laurent pour avoir copie sa marque de fabrique, le chausseur français obtient une décision semi-favorable pour conserver le monopole de son emblématique semelle rouge. Après plusieurs années de procès, la justice américaine autorise à Saint Laurent de commercialiser des chaussures rouges à semelles rouges « tandis que la semelle rouge reste l’emblême de Louboutin pour les autres couleurs de chaussures« , précise Le Monde. Cette décision de justice fait du chausseur français le seul et unique créateur à pouvoir commercialiser des chaussures pourvues d’une semelle rouge. Depuis Louboutin s’est lancée dans une lutte sans merci contre les contrefaçons. Un site officiel « stopfakelouboutin » répertorie les saisies. « Nous avons adopté une politique de tolérance zéro et mis en place un programme complet visant à lutter contre les sites internet proposant de faux produits Christian Louboutin®, leurs fournisseurs, les réseaux sociaux, les sites d’enchères et les autres procédés de commercialisation de contrefaçons », stipule la marque.
Hermès vs un artiste NFT : quelles lois dans le métavers ?
Contexte : Alors que le monde s’emballait autour des NFT, le digital artist Mason Rothschild s’était attelé à reproduire le sac le plus emblématique d’Hermès, le Birkin. Dans son projet MetaBirkins il proposait ses propres réinterprétations numériques des sacs Birkins, suscitant alors un vif engouement. Certains clients iront même jusqu’à acheter ces sacs virtuels au prix de 9.9 ETH sur la Blockchain, soit l’équivalent de 39 600 dollars. Au total Mason Rothschild aurait empoché près de 800 000 dollars sur OpenSea, une marketplace dédiée aux NFT grâce à la vente de ses cent sacs virtuels. Alerté, Hermès avait alors obtenu le retrait du projet sur le net. Depuis la bataille judiciaire est lancée. Hermès affirme que les produits numériques portent atteinte à ses marques et diluent le nom Birkin. Le digital artiste Rothschild explique lui que ses NFT sont une forme d’art protégée par la Constitution américaine en tant que liberté d’expression.
Alors que les deux parties avaient de nouveau rendez-vous avec la justice le 30 décembre dernier, le juge américain en charge du dossier a refusé de donner une décision immédiate basée sur les documents qu’il avait reçu. Le procès devrait commencer le 30 janvier prochain et pourrait ainsi définir une législation plus claire autour de la vente de NFT.
Affaire d’espionnage et l’ombre de LVMH
Contexte : En octobre 2019 la justice française débute son enquête sur de possibles vols dans la rédaction du journal Fakir, média fondé par le député François Ruffin. Derrière ces subtilisations illégales : une affaire d’espionnage qui aurait été orchestrée par le groupe de luxe LVMH. Ce dernier, via Bernard Arnault, aurait missionné l’ancien patron du renseignement intérieur Bernard Squarcini, alors reconverti dans le privé, pour surveiller le député qui travaillait sur son documentaire “Merci patron”. Dans celui-ci le député et réalisateur s’en prenait au groupe de luxe LVMH. Il avait reçu le César du meilleur documentaire la même année pour son oeuvre. En décembre 2021, l’affaire connait un premier rebondissement judiciaire : LVMH accepte une amende de 10 millions d’euros pour éviter les poursuites pour trafic d’influence .
Dorénavant inattaquable, LVMH se protège du prochain procès qui arrivera en 2023. Comme le révèle l’AFP, le parquet de Paris a confirmé avoir demandé le 23 décembre dernier que Bernard Squarcini soit notamment jugé pour trafic d’influence passif, faux en écriture publique et complicité et recel de violation du secret professionnel et de l’instruction. Il a également demandé un procès pour un ancien magistrat de la cour d’appel de Paris et pour le préfet Pierre Lieutaud.
4 janvier 2023