Star toute désignée de l’équipe de France de gymnastique, la Martiniquaise de 25 ans se livre, un an après, sur sa difficile expérience lors des Jeux Olympiques de Paris, entre santé mentale abîmée et pression du regard des autres.
Quadruple championne d’Europe, double médaille d’or aux internationaux de France en 2023 et à la Coupe du monde d’Osijek, médaille d’or à la Coupe du monde d’Antalya, égérie Dior… C’est simple : sur le papier, Mélanie de Jesus dos Santos a tout de la championne qui fera briller la France lors de ses Jeux Olympiques. Seulement, à l’image de toute l’équipe de gymnastique, elle passe à côté des qualifications. Et se retire un temps des gymnases et de la vie médiatique avant de revenir sur toute cette année écoulée dans le documentaire « Golden Soul ».
Championne malgré elle
« Je n’ai pas remis les pieds dans un gymnase depuis. Je n’ai pas fait de gym depuis, » confie-t-elle, émue, sur le plateau de C à Vous. Pourtant, avant de passer la barrière du haut-niveau, la gymnastique, c’est toute sa vie. À seulement 12 ans, celle qui reste à ce jour la Française la plus titrée aux championnats d’Europe de gymnastique artistique (femmes et hommes confondus), elle quitte sa Martinique natale et intègre le Pôle France de Saint-Étienne et devient membre de l’équipe de France l’année suivante. « Je ne pensais pas que j’allais faire de la gym, c’est vraiment ce sport qui m’a attrapé, explique-t-elle devant la caméra d’Agathe Breton, et il s’avère que j’ai eu du talent pour ce sport. »
Puis, avant les Jeux, Mélanie de Jesus dos Santos part à Houston, s’entraîner auprès « des meilleurs athlètes du monde ». Parmi eux, Simone Biles, avec laquelle elle se liera d’amitié. Si elle parle de cette période comme l’une des plus belles, la sportive avoue que plus la date des JO approchait, plus elle « sentait que quelque chose n’allait pas bien ». Après une mauvaise réception à la poutre, elle remet tout en question. « J’étais archi prête, je me suis entraînée comme une folle. Les deux compet’ que j’ai fait aux Etats-Unis, ma poutre était bien. Je suis sûre que c’est parce que je me suis mise la pression avec le public et tout… Mais aux Jeux, ça sera encore pire. Ça sera trop dur, » l’entend-t-on dire dans le documentaire, les larmes aux yeux. Elle ne croit pas si bien dire. Les Françaises réalisent une performance catastrophique, que personne ne s’explique encore, et finissent 11ème sur 12, mettant ainsi un terme à leurs rêves de médaille dès le début de la compétition. Et ce, sous les yeux du monde entier. Mais ne raccroche pas les justaucorps tout de suite. « Ce qui a fait que j’ai pu aller mieux et que je ne me suis pas laissée couler dans mon espèce de fatigue mentale, c’est que je savais que j’avais une tournée, que Simone avait organisée après les Jeux, se souvient-elle, Ça fait du bien de faire de la gym, comme j’ai commencé. Comme si j’avais cinq ans. Il n’y avait zéro pression, et c’est comme ça que j’excelle. »
Retour aux sources
Cette pression du regard, Mélanie de Jesus dos Santos ne la supporte pas. Aujourd’hui, de retour sur les plateaux, elle tient à sensibiliser les publics, et surtout les jeunes gymnastes, à la question de la santé mentale dans le sport. Comme son amie Simone Biles avant elle. « On n’a pas le même parcours, mais elle a libéré la parole sur la santé mentale. Ça a aidé les jeunes gymnastes. Je me suis sentie moins honteuse d’en parler, » souligne-t-elle sur le plateau de C à Vous. Invitée dans l’émission Tout le sport ce mardi 1er juillet, elle met enfin les mots sur ce qu’elle a traversé ces derniers mois : « J’ai fait une dépression. Je reviens de loin. […] Je le dis maintenant parce qu’avant je ne me rendais pas compte à quel point je me refermais sur moi-même. » D’un naturel timide et réservé, la gymnaste avoue chercher la validation dans le regard des juges, mais aussi de la planète entière. « J’ai peur de ce que les gens pensent de moi, et pour moi, avoir une médaille, c’est comme si je garantissais… » Alors quand elle a le sentiment que tout une nation lui tourne le dos, déçu, elle s’« J’ai peur de ce que les gens pensent de moi, et pour moi, avoir une médaille, c’est comme si je garantissais… Mais avec le temps, j’ai appris qu’on s’en fiche. Je sais que les gens ici, ils sont fiers de moi, que je perde ou que je gagne. »
Alors pour tenter de se reconnecter avec elle-même, la championne fait ses valises et rentre chez elle, sur son île natale, auprès de sa famille. « Je sais que les gens ici, ils sont fiers de moi, que je perde ou que je gagne. » Ses valises, elle doit également les défaire et, une fois réparée, faire le deuil des JO. Pour de vrai, comme l’explique à C à Vous. « Ce n’est que très récemment que j’ai ouvert la valise des JO. Il fallait que je lave mes vêtements. Et cette valise qui était là, dans ma chambre, à me regarder, me dire “aide moi, ouvre moi”. Donc je l’ai fait et j’ai rangé tout ce qu’il fallait ranger. » Une bien belle métaphore.
4 juillet 2025