Ne dites pas à la créatrice de CAME qu’elle fait seulement de l’upcycling

Rencontre avec Camille, la voix engagée derrière le jeune label.

Crédit photo : CAME Studio

Baignée dès le plus jeune âge dans la couture et le respect de ce qui nous entoure, Camille a décidé de créer CAME le 1er mai dernier. Derrière ce jeune label en pleine floraison, une voix qui place l’upcycling comme futur procédé de création universel. Chez CAME, on retrouve des pièces uniques upcyclées comme des corsets en denim, des jeans patchwork,dses sacs unisexe ou encore des ensembles de survêtements tie and dye. Du non-genrée, de l’inclusif au possible et du sustainable, c’est la recette secrète de Came qui s’est toujours contentée de peu en tant que consommatrice mais aussi créatrice. Une philosophie qu’elle souhaite véhiculer au maximum aux jeunes créateurs qui souhaiteraient se lancer mais aussi aux géants du secteur, encore bien trop en retard quant aux problématiques actuelles. Rencontre.

ANCRÉ : Depuis quand imagines-tu tes propres créations et qu’est-ce qui t’a donné envie de lancer ta propre marque ?

Came, créatrice de CAME : C’est une envie que j’avais depuis assez longtemps, en tout cas de ce que je me souviens. En grandissant je m’amusais à retravailler ce que j’avais déjà, surtout parce qu’à l’époque j’avais pas forcément les moyens d’avoir plein de pièces. J’ai eu très tôt un intérêt pour la mode et ce que l’on pouvait transmettre à travers sa tenue. L’idée de me lancer a toujours été là mais ce qui m’a bloqué pendant un long moment c’était le sentiment de non légitimité. Mais aussi de devoir fermer les yeux sur la pollution qui était engendrée par l’industrie textile et de créer potentiellement une énième marque qui y contribuerait sans penser aux possibilités de cohabitation avec la nature. L’évidence de l’upcycling m’est apparue progressivement, le vrai déclic je l’ai eu quand j’ai eu la chance de travailler en tant qu’assistante styliste avec Andrea Crews , pour un défilé organisé pendant Les Nuits Blanches en 2018 en collab avec Le Bon Coin. J’y ai découvert tout un ensemble de solutions offertes par l’upcycling en réponse à la sur-consommation dans l’industrie textile.

Crédit photo : CAME Studio

Où puises-tu tes inspirations ?

Je m’inspire de plein de trucs différents. En grosse partie, il y a la culture hip-hop des années 90 – début des années 2000 et l’histoire du streetwear qui est rattachée de très près à cette culture. Toute la politisation qu’il y a eu à l’époque autour du fait de partir de rien et d’arriver à créer pour s’en sortir, c’est ce qui m’a toujours fasciné et inspiré. La culture underground et rave et l’absence de jugement qui en découle a eu un impact direct sur ma créativité. Lorsque l’on ne se sent pas jugés, on est dix fois plus créatifs et curieux. Pour ce qui est des créateurs qui m’inspirent, ce sont logiquement ceux qui réfléchissent au monde de demain. Andrea Crews évidemment mais aussi, Marine Serre. Et de manière plus générale, Martin Margiela, Patagonia. Sans oublier les stylistes aussi : Vanille Verloes et Alphonse Maitrepierre.

Comment décris-tu ton processus créatif ?

Très variable et aléatoire. L’upcycling c’est jamais aussi carré que l’on pense. Ça dépend des matériaux que je récupère ou alors de l’idée plus ou moins précise que j’ai, qui va focaliser ma recherche sur le type de matériaux dont j’ai besoin. Parfois j’ai une idée plus globale et directrice qui va diriger toute une ligne ou collection. Ça varie énormément en fonction de ce que je peux récupérer mais aussi de la saison. Dans l’upcycling, le fait de devoir se plier au vêtement qui est déjà entre nos mains ça peut représenter une contrainte mais ça devient vite une source d’inspiration et de possibilités.

Tu as appris la couture toute seule ? Quels ont été tes plus gros challenges ?

Je suis autodidacte en stylisme et couture mais lorsque j’étais petite j’ai développé une grand fascination pour les travaux de design textile que ma mère a pu réaliser pendant ses études et je m’émerveillais devant les croquis et les photos qu’elle avait. Pour moi, c’était juste un monde magique. Ma mère a appris la couture toute seule dès son jeune âge et elle est pour moi, sans aucune formation, la meilleure couturière que je connaisse. Pas forcément dans le sens esthétique mais dans sa débrouillardise. Elle nous a beaucoup élevé moi et mon frère en nous montrant qu’on pouvait faire tout avec rien et que tout ce dont on avait besoin pour créer était à portée de main. Elle m’a appris à me servir d’une machine à coudre et j’ai perfectionné mes qualités de couturière seule, en grande partie pendant le confinement. Dans l’upcyling, chaque pièce est un nouveau challenge en soi. Les étapes d’innovation et de déconstruction que l’on traverse nous prennent de l’énergie. La pièces qui m’a vraiment pris le plus de temps par exemple, c’était le Tech Trench pour laquelle j’ai du reproduire toute une doublure.

Le Tech Trench
Crédit photo : CAME Studio

Quelle est la pièce dont tu es la plus fière ? Pourquoi ?

Celle qui m’a vraiment lancée avec CAME, le No Waste Bag. Parce qu’il est super représentatif de mes valeurs et de ce que je veux transmettre, il met tout le monde d’accord sans faire de différence de genre ou de style, c’est un article hyper versatile. Pour moi, c’est un statement. De mode, de conscience écologique. De plus, le jean est un textile qui est super polluant à produire mais qui a une durée de vie qui est presque infinie s’il est bien entretenu. Sur le site, il se décline en plusieurs modèles, à chaque fois c’est le même patron mais jamais les mêmes pièces et couleurs, upcycling oblige.

Le NO WASTE Bag
Crédit photo : CAME Studio

On a vu que CAME s’engageait pour une production circulaire, éco-responsable et non-genrée. Que penses-tu de l’évolution de l’industrie du textile vis-à-vis de ces enjeux ?

Je pense qu’aujourd’hui, réfléchir au futur de la création en général sans évoquer ces problématiques c’est déjà être en retard. Parce que pour moi, l’évolution exponentielle de la fast-fashion c’est aussi ce qui est entrain d’annoncer sa chute. Et ce malgré l’influence de la fast-fashion sur l’industrie de la mode. Les réseaux sociaux ont participé à cela avec plus de contenus et de tendances, plus de collections et plus de demande; mais tout cela ça contribue au fait que la valeur du vêtement a presque disparu. C’est ce qui a éveillé les consciences. Je pense que sur plusieurs niveaux, le confinement a eu son impact sur les mentalités et la manière de consommer et du coup de créer. Rien qu’adidas quand ils ont créé leur Stan Smith à 50% de matériaux recyclés, c’est bien la preuve que le regard du public s’intéresse davantage à ces problématiques. Le résultat, je pense, réside entre les mains du consommateurs. Quant à la question du non-genré, c’est quelque chose d’assez logique. Pour moi, un vêtement n’a pas de sexe mais c’est la personne qui le porte qui l’interprète comme elle le veut.

Sur ton site, tu écris : “Comment évoluer et continuer à créer tout en trouvant des solutions pour préserver et protéger notre environnement ?”. On te retourne la question.

Pour moi, c’est une question assez ouverte. Parce que les solutions il y en a déjà pas mal et chacun pourrait donner sa réponse un peu personnelle à cette question. L’idée c’est que la personne en lisant ça elle se questionne à son niveau : quelle est la différence qu’elle pourrait faire ? CAME ce n’est pas une marque que je présente comme une marque d’upcycling, c’est une marque de vêtements qui utilise comme procédé de création, l’upcycling. Donc l’idée est de démocratiser ce procédé en le rendant normal et automatique pour d’autres créateurs ou artistes, et pas seulement dans le textile.

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3 novembre 2021

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