Oriental Fashion Show à Paris : strass, paillettes et chaos

Si sur le runway les tenues ont scintillé, en backstage la réalité est moins reluisante.

Crédit photo : ANCRÉ

Il est environ 15h quand on se présente à Hôtel de l’Industrie, à côté de la très chic boutique Louis Vuitton de Saint-Germain des Près. C’est ici que l’Oriental Fashion Show, une série de défilés organisés par une structure française du même nom, a choisi d’installer sa nouvelle édition. Pendant deux jours, plus d’une vingtaine de designers vont se succéder pour présenter leurs collections en provenance du Maroc, du Koweït, d’Égypte, d’Ouzbékistan mais aussi des Pays-Bas. Accréditées pour avoir accès aux backstages de cet événement nous nous présentons au service de presse. L’arrivée est un peu chaotique, après nous avoir renseigné les trois pièces où les mannequins du jour se changeront, on est expédiées : “laissez-moi travailler maintenant”. Sur scène, le fileur attend les modèles pour commencer les répétitions. Une mannequin se fait sévèrement reprendre car elle n’a pas encore enfilé ses talons. “Je viens de finir de manger”, rétorque-t-elle un poil agacée par le ton employé. Ambiance.

Créations dignes de la Haute Couture, manque d’inclusivité

“Next girl, next girl, next girl“, répète inlassablement le fileur, micro en main et lunettes aux verres bleus vissées sur son nez. Les mannequins viennent de France mais aussi d’Europe. On remarque d’ailleurs que peu sont de type arabe sur ce premier jour. La plupart sont caucasiennes. L’inclusivité des corps n’est pas non plus au rendez-vous. Dans une salle à l’étage le créateur égyptien Hany El Behairy prépare sa mariée. Il est 15h et son passage est prévu à 19h. Juste à côté la créatrice libanaise Hind Zeiban commence à habiller les modèles que les trois designers du jour se partageront. Avec un peu plus d’une heure de retard elle présentera une collection entièrement bleue, alternant robe courte en plumes et body accompagné d’une étoffe en tulle.

En coulisses les habilleuses s’affairent. Elles viennent toutes d’école de mode et ont été dépêchées pour aider. Le chaos s’installe petit à petit, il manque des jupons en tulle, il faut transporter les robes de la prochaine designeuse qui pèsent plusieurs kilos dans une autre pièce, tout en passant par un long escalier. Il est 19h et presque aucune mannequin n’est prête. Celles qui le sont, sont sommées de ne plus bouger. Une commence à avoir des crampes d’estomac. “Surement le surimi que tu as mangé, ça fait des heures qu’il est là à traîner au buffet sans être au frais”. Une habilleuse lui trouve un Doliprane. La mariée du créateur égyptien est au bord des larmes, sa robe très lourde semble la faire rapetisser au fur et à mesure que les heures s’égrainent. “Tu ne bouges pas !“, lui hurle une organisatrice. Une créatrice marocaine qui attend également pour défiler à 19h frôle la crise de nerfs. Aucune de ses mannequins ne peut-être habillée et on l’a installée dans le recoin d’une salle, étouffée par les magnifiques robes de mariées d’Adiba Al Mahboub, qui elle attend patiemment.

À gauche les créations d’d’Adiba Al Mahboub – À droite, une robe signée Hany El Behairy
Crédit photo : ANCRÉ

“Ce n’est pas normal de parler comme ça en 2023 on est d’accord ? Elles sont folles.”, s’agace une modèle après les réprimandes d’une organisatrice dépassée par le chaos ambiant. On change les filles dans les couloirs, les “Next Girl” du fileur sont cette fois hurlés. Les invités attendent depuis maintenant presque 1h30. On expédie les mannequins en direction du runway, certaines n’ont pas de chaussures. Tant pis. Une robe a été mise à l’envers. Trop tard. Une habilleuse s’écroule sur une chaise : “ce n’est plus possible”. Elles sont là depuis 8h50, il est presque 21h. “Je n’ai mangé qu’un bout de pain depuis ce matin je vais tomber”, sort l’une d’entre elles, aux bords des larmes. Leur rémunération avoisinerait les 50 euros, une somme pour défrayer leur transport. “Notre école nous envoie ici, on ne veut rien dire parce qu’on ne veut pas perdre d’autres opportunités par la suite”, nous glisse l’une d’entre elle dont le mascara a coulé sous ses yeux. “On nous a dit qu’on habillerait les filles mais ce matin on a aussi aidé à tout installer. On ne connaissait pas le planning. Pour nous on avait fini à 14h”.

On ne trouve plus le coiffeur, personne n’est disponible pour accrocher les couronnes sur la tête des mariées d’Adiba Al Mahboub, qui font pâles figures. Après tout c’est épuisant un mariage. Payées pour certaines 200 euros pour leur prestation, les modèles n’ont pas toutes reçues le nombre d’heures exactes qu’elles devront rester. “On nous fait croire que c’est dans le cadre de la Fashion Week de Paris mais…”. Mais l’Oriental Fashion Show n’est pas affiilé à la Fédération de la Mode et de la Haute Couture. Cet événement organisé en marge surfe sur le rayonnement et notoriété de la Fashion Week de Paris sans respecter la legislation en vigueur concernant les mannequins et les petites mains.

Sur le runway les robes à paillettes finissent par presque être toutes présentées. Dans les backstages on marche sur le reste des perles qui se sont détachées par dizaines des créations du soir. Tout a foutu le camp. Même nous qui ne resteront pas pour le dernier passage, lessivées par ce qu’on vient de voir.

25 janvier 2023

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