Marseille veut devenir la capitale de l’anti fast-fashion

Le 14 mai dernier, la Cité Phocéenne accueillait les plus grands acteurs de la mode durable, à quelques jours du vote du Sénat en faveur ou non de la loi anti fast-fashion. Un fief tout trouvé pour les défenseurs du projet, qui voient en Marseille la capitale de la mode éthique.

Le défilé des étudiants duStudio Lausié en juin dernier, à la Citadelle de Marseille. Crédit photo : Florian Puech

Le temps est aussi doux que le débat est houleux à la Cité des Transitions. Le 14 mai dernier, l’espace du 4ème arrondissement a rassemblé des associations écologistes, créateurs de mode éthique, syndicats professionnels et représentants de la filière mode régionale, tous mobilisés contre la fast-fashion. Une initiative portée par 1 Déchet Par Jour, Alternatiba, Clean My Calanques, BAGA (collectif de créateurs engagés), FASK (filière mode régionale) ou encore Mode in Sud (syndicat régional de la mode), des collectifs engagés, tous « made in Massilia ». Car à Marseille, plus qu’ailleurs, la mode durable, c’est un vrai sujet. Et au cœur de la ville méditerranéenne, ce ne sont pas les projets qui manquent pour proposer des alternatives aux géants de la fast-fashion, SHEIN et Temu en tête de file. 

Pastis et mode consciente

Alors que le calendrier officiel ne s’intéresse qu’à Paris, Marseille embrasse son côté audacieux, allant jusqu’à se revendiquer « capitale de la mode consciente », notamment avec la mise en place de la première édition de la Slow Fashion Week, pensée par le collectif Baga et qui se déroulera du 7 au 14 juin. Un événement qui promet de rassembler plus de 70 acteurs de la mode durable afin de sensibiliser le grand public à l’impact écologique de l’industrie du textile, tout en mettant en lumière les talents locaux.

Le défilé des étudiants duStudio Lausié en juin dernier, à la Citadelle de Marseille. Crédit photo : Florian Puech

Des talents locaux qui sont formés dans des écoles de monde avant-gardiste, comme Studio Lausié, fashion school éco-responsable fondée par la styliste Marion Lopez en 2021. Travaillant avec plus de 90% de matériaux de récupération, l’école installée au sein du Hangar Belle de Mai forme au métier de styliste développeur produit éco-responsable. Pour s’inscrire, aucun diplôme ni expérience dans la mode ne sont requis. On est loin de l’élitisme parisien.

Il faut dire que du côté de Marseille, le vintage, on a ça dans la peau. Il suffit de se balader autour du Cours Ju’ pour voir les friperies et dépôt-ventes s’enchainer. Là encore, les prix sont loin d’être ceux du Marais : “On a voulu revenir à l’essence de la fripe avec le style d’un marché aux puces, explique Lily Carmouche, fondatrice de Merguez Fripe, à La Marseillaise, On espère lutter un peu contre la dynamique de gentrification du quartier avec des coûts hyper bas. Nos petits prix permettent à des gens sans domicile fixe de venir acheter de quoi s’habiller comme aux touristes avec un plus grand porte-monnaie”.  

Respecter l’environnement, respecter l’humain

Possible. Avant même d’accueillir des évènements comme la Slow Fashion Week ou la réunion des acteurs de la loi anti fast-fashion, Marseille était déjà le théâtre des rencontres Anti_Fashion depuis 3 ans. Initié par Stéphanie Calvino suite à la lecture de la publication du manifeste Anti_Fashion de Lidewij Edelkoort, le projet milite pour un changement de l’industrie du textile grâce au dialogue. “Comme toute industrie, nous sommes persuadé que le futur de la filière textile ne peut se faire sans respecter l’humain, celui qui fabrique les vêtements autant que le consommateur,” résumait alors le fondateur en 2022, à l’occasion du festival de la mode durable “En mode bifurcation”, au Ground Control. 

Même les marques n’ont pas attendu la tendance du green pour inscrire la notion de durable dans leur ADN. Lancé à Marseille en 2021, la marque de sous-vêtements Bombo imagine des basiques en Seacell (une fibre cellulosique créée à partir de pulpe de bois d’eucalyptus issus de forêts durables certifiées FSC) et à partir de poudre d’algues. Teintés végétalement à partir de pigments naturels, les culottes et autres bralettes sont non seulement écologiques, mais également respectueuses de la peau. Les algues utilisées contiennent des vitamines, des oligoéléments, des acides aminés et des minéraux activant la régénération cellulaire au contact de la peau. Au-delà du style et du confort, la lingerie Bambo permet ainsi de soulager des maladies de peau et d’apaiser les inflammations et démangeaisons. Malheureusement, le monde en dehors de Marseille n’était pas encore prêt à valoriser des pratiques éthiques, la marque a mis la clé sous la porte en 2023, impactée par le Covid et le contexte économique. Les produits sont cependant toujours disponibles en ligne.

Ces soins, les textiles servant à la fast-fashion ne peuvent pas les prodiguer. Et pourtant, ils devraient. “Les teintures végétales ont été mises de côté, devancées par les teintures synthétiques lors de la course à l’industrialisation. Aujourd’hui, elles reviennent doucement mais sûrement sur le devant de la scène, comme une solution écologique face à la pollution et la toxicité des teintures synthétiques,” analysent Fanny, Laurine et Noëllie, fondatrices de la marque, pour made in Marseille. Sujet du livre d’Alden Wicker, “To Dye for”, la mode-toxique ne l’est pas uniquement pour l’environnement, mais bien pour nous. “Un sujet complexe, opaque et insuffisamment fouillé,” pour l’auteur, rejoint par la docteure Irina Mordukhovich, dans les colonnes de Slate, “Nous ignorons ce qui peut se produire quand des centaines d’éléments chimiques interagissent entre eux”. Pour rappel, une étude canadienne menée sur des vêtements pour enfants provenant de chez Zaful, AliExpress et Shein a montré qu’environ 20% d’entre eux contenaient des quantités élevées de PFAS, des composés chimiques particulièrement nocifs pour la santé. Alors à Marseille, où il fait si bon vivre entre le soleil et la mer, pas question d’empoisonner ni son corps, ni son beau littoral.

21 mai 2025

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