Les Guetteurs Superstars des quartiers nord de Marseille

La photographe Yosra Farrouj nous invite à l’espoir en donnant la parole aux habitants du quartier de Campagne Lévêque dans notre dernier Quartier Libre.

Avec notre programme Quartier Libre on souhaite donner la parole aux photographes mais aussi au quartier. Quel est-il ? Que représente t-il ? Est-il toujours géographique ? La série de Yousra Farrouj, photographe marseillaise, s’intitule “Guetteur Superstar” et montre que le quartier mêle humains et bâtiments. La jeune femme s’inspire du lexique de la rue en reprenant le terme guetteur, qui définit celui qui d’habitude, surveille le quartier pour assurer que les points de deal fonctionnent. Ici tout le monde guette, attend quelque chose de la vie. Et ça Yosra le sait bien. Son père tient le dernier commerce du quartier de Campagne Lévêque. Lieu de rencontre et d’échanges entre les habitants d’un de ces fameux quartiers nord de la cité phocéenne. Rencontre.

Crédit photo : Yosra Farrouj

ANCRÉ : Comment définirais-tu ton quartier ?

Yosra Farrouj : Mon quartier, je le considère comme une ville dans la ville. C’est un endroit qui a ses propres règles, son mode de fonctionnement,  ses acteurs et même son maire (Khalil si tu me lis). C’est une safe place, où l’on se connaît, où l’on s’entraide et où l’on grandit les uns avec les autres.

Peux-tu nous expliquer ce que veut dire “Guetteur Superstar”, le nom de ton projet.

Guetteur Superstar, ça m’est venu en fredonnant la chanson de Pras. Rappelez-vous. “Ghetto superstar, that is what you are, Comin from afar, reachin for the stars, Run away with me, to another place, We can rely on each other, uh-huh, From one corner, to another, uh-huh” . Finalement, les guetteurs superstar ne rêvent que de “reachin for the stars”, et c’était un moyen de rendre hommage à tous ces rêveurs.

Le mot guetteur est souvent associé à la drogue, tu le détournes ici pour lui donner une autre définition : celui de rêveur. Comment cela t’es venu ?

J’ai souhaité dédiaboliser le terme de guetteur, rappeler comme ces jeunes sont avant tout de grands rêveurs, et porteurs de valeurs. Je passe beaucoup de temps à la boulangerie de mon père, j’aime sa compagnie, et laisser traîner mes yeux et mes oreilles. Quand je les vois ces guetteurs, je vois des jeunes hommes polis, rieurs, et même protecteurs. Ils sont là, ils vivent là, et n’hésitent pas à accompagner aussi leurs voisins. Dernièrement, ils n’ont pas hésité à aider une voisine victime de violences conjugales. Pour cela, et bien d’autres raisons, j’ai imaginé ce projet où ce terme central est de faire de ce “métier” un rôle, un adjectif universel. On guette, et vous ?  

Crédit photo : Yosra Farrouj

Parle-nous du commerce de ton père, est-il le lieu de rassemblement ? 

Mon père a ouvert sa boulangerie en 1987 dans ce quartier. Les années passent, les générations se succèdent, les périodes prospères ont fait face à des années plus difficiles mais la boulangerie est toujours là depuis 34 ans. C’est le dernier commerce ouvert. “L’ arabe qui parle italien” au centre de la vie du quartier. Les habitants passent, se rencontrent, trainent ici. Ils viennent partager un café, râler de tout et de rien, refaire l’actualité et constater comme la politique a délaissé le quartier. Mon père écoute et accueille. Cette boulangerie, c’est le dernier lieu de vie, le dernier endroit où on est encore ensemble.

Crédit photo :
Photographe : Yosra Farrouj
Assistante : Zozoliina
Coordinateur: “Le maire” – Khali
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