De Promod à Kiabi, qui sont les marques françaises qui résistent face à SHEIN ?

Si Pimkie et le BHV ont cédé aux sirènes de l’ultra fast-fashion, certains irréductibles du prêt-à-porter continuent de séduire les consommateurs français avec leurs prix accessibles et leur éthique toujours plus affûtée. Petit tour d’horizon. 

La nouvelle campagne Kiabi promet d’habiller la femme, l’homme et l’enfant de la tête aux pieds, toujours « à petits prix ».
Crédit photo : Kiabi France

Le 16 octobre dernier, Promod fêtait son cinquantième anniversaire. Un demi-centenaire d’autant plus important qu’il est célébré dans un contexte de crise sans pareille vécu par le secteur du prêt-à-porter. Pour l’occasion, la marque née en 1975 dans le Nord a installé un pop-up vivant sur la capitale proposant une collection archive et une capsule d’anniversaire, tout en invitant les clientes à participer chaque jour à des ateliers DIY et à découvrir sa nouvelle offre “Promod Couture”, valorisant les stocks de tissus invendus de l’enseigne. 

Une réponse à la sur-pollution engendrée par l’industrie, que les géants chinois SHEIN et Temu semblent, eux, ignorer. “Hors de question de jeter nos stocks. On préfère valoriser le savoir-faire et inviter les clientes à coudre elles-mêmes leurs vêtements,” explique Julien Pollet, PDG de Promod à e-marketing. Une opération manifestement couronnée de succès, dont s’est félicité le grand patron de l’entreprise : “Il y avait la queue à 9h30 heures ce matin. Les clientes étaient impatientes d’entrer !” 

Chez Promod désormais, on peut acheter des patrons ou des tissus. Crédit photo : Promod

Passer du modèle de masse à la précision

Comment expliquer qu’avec les multiples procédures judiciaires et faillites ayant secoué le secteur depuis des années, Promod réussisse toujours à séduire ? En prenant le contre-pied de son concurrent, là où d’autres ont voulu l’imiter. Réduction des collections, valorisation d’un meilleur rapport qualité-prix, développement durable et meilleure communication digitale sont ainsi au cœur d’une nouvelle stratégie amorcée en 2016, qui fait passer Promod d’un business model de masse à un modèle de précision.

“L’objectif était de revaloriser les produits avec moins de promotions et de maximiser la rentabilité de chaque article vendu pour générer plus de marge, détaille Julien Pollet, fils du fondateur historique de de Promod à Republik Retail, Nous avons évolué vers un retail responsable et sur-mesure tout en restant une marque accessible. (…) Nous adaptons nos collections selon les marchés, proposant des lignes spécifiques entre octobre et avril pour les régions hors de la France métropolitaine. Nous travaillons de manière collaborative, en intégrant les retours de nos clientes via des tables rondes et des événements de co-création. Cela a conduit à des améliorations, comme l’ajout de nouvelles tailles (46 et 48) depuis un an. Nous proposons une mode accessible qui inclut la durabilité et la circularité.” 

Crédit photo : Promod

Et ça marche. Avec 370 magasins en France et 24 à l’étranger, Promod réussit à maintenir la barre, voire même, à dégager du profit. “Nous avons clôturé notre exercice fin février 2024 en légère progression par rapport à l’année dernière : + 1,3 % toutes surfaces confondues et +2,5 % à surface comparable. Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 374 millions d’euros, poursuit le PDG, tout en tenant à nuancer, Promod est rentable mais cette rentabilité reste relativement fragile car elle ne couvre pas encore 100 % des investissements. Nous sommes en phase de transformation, nécessitant de nombreux investissements.”

En 2016 d’ailleurs Promod a failli mettre la clé sous la porte. « Entre 2016 et 2020, nous avons fermé 600 magasins, y compris celui de l’avenue des Champs-Elysées, à Paris, renoncé à 50 pays et divisé par deux le nombre de salariés, essentiellement à l’étranger, chez les franchisés Promod », explique Julien Pollet au Monde.

Le client au coeur de l’expérience

Un repositionnement également enclenché par Gémo, seule enseigne française permettant d’habiller toute la famille de la tête aux pieds, qui, avec sa nouvelle identité “FOR GOOD”, vise 80% de l’offre textile responsable d’ici 2030, d’après e-marketing. La marque appartenant au groupe Eram l’a bien compris : pour préserver le prêt-à-porter français, celui-ci doit réussir là SHEIN et Temu échouent, que ce soit en matière d’environnement, mais également d’expérience client. Alors que 52% des Français se disent contre l’installation de boutiques physiques SHEIN au BHV et aux Galeries Lafayette, Gémo leur promet des solutions aussi accessibles que responsables, en axant leurs nouvelles campagnes autour du réemploi (avec, notamment, le lancement fructueux d’un rayon mercerie), mais aussi de l’éthique de fabrication. Promettant une transparence exemplaire, la marque assure proposer des “solutions concrètes, des prix justes et des produits de qualité, bien fabriqués, qui résistent au quotidien” aux clients de ses 380 boutiques françaises et de ses 40 points de vente étrangers, pour leur permettre d’affronter plus sereinement la crise du pouvoir d’achat. 

Crédit photo : Gemo

Des clients qui se trouvent d’ailleurs au coeur de la stratégie de Gémo, qui, en 2023, lançait un nouveau programme de fidélité, “G’M”, reposant sur un cumul de points, qui peuvent être gagné en achetant, en donnant son avis en ligne, en s’abonnant à une newsletters, en déclarant ses enfants ou une grossesse. Résultats ? +21 % de clients supplémentaires, +17 % de réactivation et 4,5 millions de clients actifs. “Ça demande du temps, de la tactique, du sur-mesure. Mais c’est là que se joue l’expérience client. Il faut raconter une histoire différente à chaque typologie et faire en sorte que chaque message ait du sens pour celui qui le reçoit, explique Émilie Deligny, directrice marketing et digitale chez Gémo, L’enjeu, c’est d’exploiter cette richesse pour construire une relation personnalisée. Aujourd’hui, on ne peut plus envoyer la même offre à 100 % de la base. Si le client n’a pas d’enfant, recevoir chaque semaine des promos sur les vêtements enfants va vite l’agacer. Il faut raconter une histoire différente à chaque typologie”.

Le big boss Kiabi 

Élue une nouvelle fois marque préférée des Français, Kiabi fait figure d’exemple dans ce paysage malmené par l’arrivée de l’ultra fast-fashion. “La mode jetable, ce n’est pas notre façon de faire, rappelle la directrice générale France de Kiabi Ouarda Ech Chyrky, au Figaro, Nous associons prix, qualité, style et durabilité. Nous travaillons aussi l’effet waouh et la proximité. Nous sommes ancrés dans le tissu commercial local.” Avec 693 boutiques dans 33 pays (dont 353 points de vente en France), Kiabi est inscrit dans les habitudes d’achat des consommateurs de province, notamment grâce à ses nombreuses boutiques installées en périphérie des villes.

Crédit photo : Kiabi

Une compréhension de sa clientèle qui permet à la poule aux oeufs d’or de la famille Mulliez de fidéliser là où d’autres cherchent à élargir, en mettant notamment en place un service d’abonnement à 15 euros par an afin d’obtenir entre 5 % et 10 % de réduction permanente, qui a déjà séduit plus de 500 000 clients. Afin de compléter son offre allant de l’enfant à l’homme en passant par la femme, la marque a annoncé ce lundi 6 octobre se lancer sur les marchés de la chaussure pour enfants, mais aussi confirmer ses collections de linge de maison initiées en 2024, et déployer dans l’ensemble de son réseau français Beebs, ses rayons de seconde main.

En 2024, Kiabi a ouvert sa première boutique au Koweït

Le but ? Que les familles puissent trouver tout ce qu’ils recherchent dans un seul et même point de vente, le tout avec un “bon rapport qualité-prix,” comme le précise Ouarda Ech Chyrky. “D’une marque de mode, nous voulons devenir une référence omnicanale à leur service, avec davantage de marques maison, comme Kitchoun, qui propose des chaussures bébé depuis août, et Kiabi Home, lancé fin 2024”. Et oui, on ne devient pas leader de “la mode à petits prix” sans changer son fusil d’épaule. La stratégie de Kiabi est claire. Offrir toujours plus de services aux familles au faible pouvoir d’achat afin de devenir leur sortie réflexe, celle qui fera oublier toutes les plateformes en ligne, qu’elles concernent la fast fashion ou la seconde-main.

Car si Kiabi doit concurrencer SHEIN, Vinted n’est pas loin derrière ! Dès lors, avec son nouveau service de seconde-main, le géant français (qui refuse de revendre des pièces issues de ses concurrents SHEIN et Primark) s’assure de s’implanter sur un marché qui n’était pas le sien, le tout en rémunérant les apporteurs de bons d’achat à dépenser dans l’un de ses points de vente. Une recette payante puisque sur les six premiers mois de l’année 2025, Kiabi a vu ses ventes progresser : “Sur les six premiers mois de l’année, en volume, nous sommes le premier vendeur de vêtements devant E.Leclerc. Notre part de marché (6,9%) a augmenté de 0,6 points, se réjouit Ouarda Ech-Chykry dans les colonnes de LSA-Conso, En valeur, nous sommes numéro 2 avec 4,3% de part de marché, derrière Intersport (5% de parts de marché)”.

Et concernant la fin d’année, les dirigeants sont tout aussi optimistes, compte tenu de leurs résultats à la rentrée : “Nous avons réalisé des ventes records pour la rentrée scolaire, après un premier semestre qui s’est très bien passé. Face à SHEIN, nous restons nous-mêmes”, se félicite Ouarda Ech Chyrky, toujours au Figaro. Et alors que de nombreuses enseignes sont obligées de fermer des points de vente, Kiabi, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros en 2024 (+5% par rapport à 2023), en a ouvert 14 cette année et assure en ouvrir 8 nouveaux l’année prochaine.

28 octobre 2025

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