Ou quand, en faisant du handicap un non-sujet, la fast-fashion fait mieux que n’importe qui en matière d’inclusion avec Kiabi, Asos ou encore Primark.
Si Rihanna était jusqu’alors l’une des seules à présenter ses modèles de lingerie à petits prix sur des modèles en situation de handicap, d’autres marques se mettent désormais au diapason et les intègrent non seulement à leurs campagnes, mais aussi à leur marché. C’est notamment le cas de Primark qui, en début d’année, a annoncé le lancement d’une collection de vêtements adaptatifs. Sans les regrouper dans une catégorie à part. « Primark a été fondé avec l’ambition de rendre la mode plus accessible pour tous, ce qui signifie représenter et répondre aux différents besoins de tous nos clients », rappelle Charlie Magadah-Williams, responsable de la diversité et de l’inclusion chez Primark.
Car, bien que la mode adaptative ait déjà inspiré à des collections à des marques comme Tommy Hilfiger, ces dernières ne faisaient jusqu’alors pas cohabiter les mannequins en fauteuil ou appareillés avec les autres. Car au-delà de se réjouir de l’offre grandissante de collections adaptatives (citons par exemple la très large gamme que l’on trouve chez Zalando, complétée en juin 2024 par 14 modèles de sport), rares sont les marques qui font du handicap un tel non-sujet. Considérant qu’un mannequin porteur de trisomie 21 est avant tout un mannequin et qu’un pantalon adapté au fauteuil est avant-tout un pantalon.
Plus de visibilité
Exemplaire en la matière, ASOS a par exemple présenté des modèles de boucles d’oreille sur Natasha Ghouri, une mannequin malentendante portant un appareil auditif, des vêtements de sport sur Mama Cax, mannequin amputée de la jambe droite (malheureusement décédée en avril dernier). Sans jamais mentionner leur handicap.
La marque a également fait d’Aariana Rose Philip, mannequin noir, transgenre et en fauteil roulant, la star de toute une campagne. Également vue chez H&M, Urban Outfitters ou même en couverture de Vogue, la jeune femme est devenue une véritable porte-parole pour sa communauté : “Je veux que les personnes handicapées prennent de la place dans la mode et que les aides à la mobilité, comme les fauteuils roulants, figurent dans les grandes campagnes et sur les podiums. Il faut que ces choses deviennent normales, parce qu’elles sont plus normales qu’on ne le pense.” Dans les colonnes de Them, elle poursuit : « Je n’ai jamais vu un mannequin handicapé physiquement ou un mannequin trans noir annoncer, célébrer ou même travailler comme les autres mannequins. Ce manque de représentation et de visibilité dans la mode m’a profondément affectée tout au long de ma vie ». Et oui : avec 1,3 milliard de personnes en situation de handicap dans le monde selon l’OMS (soit une personne sur six), la mode doit absolument se réinventer pour devenir plus inclusive, au risque de se priver d’un marché important et de contribuer à une stigmatisation encore plus importante, dont souffrent déjà les personnes en situation de handicap.
Crédit photo : Clinton Colbert pour Urban Outfiters / ASOS
Un chiffre qu’a visiblement bien en tête Kiabi, qui fait régulièrement appel à des mannequins en situation de handicap. D’Audrey Laporte, modèle photo tétraplégique depuis sa naissance à Louka, atteint d’une amyotrophie spinale et visage de la campagne de rentrée 2019 à 5 ans, le champion de la mode à petit prix et aussi celui de l’inclusivité.
Même le secteur de la lingerie, habituellement très codifié, s’ouvre désormais à de nouveaux profils. Déjà citée plus haut, Rihanna a, depuis la création de sa marque Savage x Fenty, intégré des mannequins dits “atypiques” dans ses défilés et ses collections, assumant rechercher “des caractéristiques uniques chez ceux que la mode ne représente pas assez”. Amputée des deux jambes suite à un choc toxique, Lauren Wasser a ainsi défilé aux côtés de Mama Cax, Shaholly Ayers (qui porte une prothèse au bras) ou de Lyric Mariah Heard, atteinte de malformation des membres depuis la naissance.
En 2022, la mannequin porteuse de la trisomie 21 Sofía Jirau devient le visage de Victoria’s Secret, rapidement rejointe par huit autres modèles atteintes de divers handicaps lors d’une campagne pour des sous-vêtements adaptés, mais pas uniquement. “C’est important pour moi de voir les femmes handicapées incluses dans le catalogue Victoria’s Secret, surtout parce que j’ai regardé les défilés, j’ai regardé ces mannequins qui ne me représentaient pas physiquement, souligne Bri Scaless, mannequin en fauteuil roulant et égérie de la marques aux ailes d’ange, Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour, je verrais un mannequin qui me ressemble chez Victoria’s Secret. C’est donc une expérience surréaliste que de participer à ce projet. Pour moi, c’est la preuve que les choses changent et que notre communauté est désormais prise en compte.”
24 avril 2025