Rencontre avec Dominique Malonga, la Frenchie qui secoue la WNBA

Sélectionnée en deuxième choix de la draft WNBA 2025 par le Storm de Seattle, Dominique Malonga, 19 ans, est l’une des joueuses les plus jeunes du championnat américain, mais aussi l’une des plus prometteuses. Rencontre avec un futur grand nom du basket féminin.

Crédit photo : Naïs Madec pour ANCRÉ

Formée dans 18ème arrondissement de Paris puis dans le 92, Dominique Malonga impressionne par sa précocité. Elle claque son premier dunk à 14 ans, rejoint le Pôle France avec un an d’avance, et remporte, avec l’Equipe de France, la médaille d’argent aux JO de Paris à seulement 18 ans. Pas étonnant qu’un an plus tard, les meilleures équipes du championnat américain se l’arrachent. Nouvelle recrue du Storm de Seattle, les médias du ballon orange n’ont que son nom à la bouche, et elle, garde le sourire aux lèvres quand Tony Parker la compare à Victor Wenbanyama. Représentée par Jordan et de passage à Paris avec la marque pour échanger avec de jeunes basketteurs, nous avons pu bénéficier d’un instant privilégié avec la joueuse d’1,98m sur son parcours, son intégration aux États-Unis, et sa place de femme dans un sport encore trop largement dominé par les hommes.

Crédit photo : Naïs Madec pour ANCRÉ

ANCRÉ : Quand on ne suit pas le basket, certains des termes peuvent être un peu complexes à comprendre. Alors qui de mieux que toi, Dominique Malonga, pour nous les expliquer ? On dit de toi que tu es une « rookie », que tu as été « draftée »… Qu’est ce que ça veut dire ?

Dominique Malonga : Être draftée en WNBA, c’est être sélectionnée pour aller jouer dans la ligue américaine, qui est la WNBA (Women’s National Basketball Association). Donc, la draft, c’est les équipes qui vont choisir des joueuses. C’est comme des capitaines qui choisissent des gens pour former une équipe. Une rookie, c’est une première année. C’est un terme pour définir les plus jeunes dans cette ligue. Il y a toujours des petits traitements, des petits trucs spéciaux qu’ont fait pour les rookies, un peu comme un bizutage. Ça va être te faire porter un sac à dos Dora l’exploratrice en déplacement, ou bien te faire porter les sacs de tes coéquipières. Moi, ça a été ! Les vets de mon équipes, elles ont été très cool. Tiens, un autre mot ! Les vets, c’est les plus âgées, les « vétérans. » Perso, je n’ai pas eu beaucoup de bizutage, grâce aux vets de mon équipes, qui étaient vraiment gentilles.

À quoi ressemble ton quotidien depuis que tu es aux US ? Comment s’est passée ton intégration ?

DM : Je joue pour Seattle, sur la West Coast. Neuf heures de décalage horaire, donc franchement, ça a été une grosse adaptation. Je me suis bien adaptée parce que Seattle, c’est quand même une ville assez européanisée à mon sens, ce n’est pas une grosse ville comme New York ou Los Angeles. Il y a des beaux spots, il y a de la nature, il y a de l’eau, c’est très aéré, ça fait du bien de se balader là-bas. C’est vraiment reposant, et comme l’environnement est agréable, ça m’a beaucoup aidée. Malheureusement, ma famille ne m’a pas accompagnée. Mais globalement, l’adaptation s’est faite plutôt facilement.

Crédit photo : Naïs Madec pour ANCRÉ

Selon ton expérience, quelles sont les différences majeures entre être une sportive en France et aux US ?

DM : Ils font tout pour nous là-bas. En France, je dois faire à manger quand je rentre de l’entraînement. Quand je pars à l’entraînement je dois prendre mon maillot, mes baskets, etc. Aux États-Unis, ils font tout pour toi. Il y a des cantines d’entraînement, tu as une petite collation à chaque entraînement, ils prennent tes affaires de match. Après les entraînements, il y a un chef, tu vas manger. Ils payent pour tout. Pour la nourriture en déplacement, ils te donnent de l’argent de poche et tu vas t’acheter à manger. Tu dépenses très peu d’argent dans tout ce qui est logistique. Tout est mis en place pour que tu ne fasses attention à rien à part jouer au basket. Ça enlève une vraie charge mentale.

Crédit photo : Naïs Madec pour ANCRÉ

Tu es une rookie, tu n’as que 19 ans et tu es déjà soutenue par une marque comme Jordan. Qu’est ce que ça te fait ?

DM :Ça représente beaucoup pour moi parce que Jordan, dans le basket, c’est une marque référence, un synonyme d’excellence. Quand tu penses à Michael Jordan, qui est l’image de cette marque et qui sélectionnait les joueurs lui-même les athlètes pour le rejoindre. C’est vraiment très symbolique, très émouvant, ça fait plaisir de faire partie de cette famille-là. Parce que Jordan, c’est une famille pour moi. Je sais que tous les gens qui y sont sont toujours là pour moi. C’est une marque qui porte énormément de valeurs qui me correspondent, et que je porte fièrement. Donc pour te répondre simplement, être représentée par Jordan aujourd’hui, c’est vraiment un honneur et c’est quelque chose qui me rend très heureuse.

Crédit photo : Naïs Madec pour ANCRÉ

D’ailleurs, en parlant de marques, on voit sur tes réseaux sociaux que tu as l’air d’avoir un certain attrait pour la mode, tu mets régulièrement en scène tes looks. Comment on se positionne dans ce milieu là quand on est une sportive de haut niveau ?

DM :Je pense que c’est plus facile en étant sportive de haut niveau aux États-Unis. Là bas, c’est quelque chose qui est très ancré, ce lien entre mode et sport. Avant les matchs, par exemple, tu passes dans le tunnel pour ce qu’on appelle le « tunnel fit », il y a les photos, on attend de voir ton look, donc tu sors ton meilleur outfit. La plupart de mes tenues postées sur Instagram viennent de ce moment là. Finalement, ça va vraiment ensemble et la plupart des basketteurs sont un peu fashion. J’adore ça, et étant basketteuse, c’est plus facile d’être approchée par des marques, de trouver son identité. D’avoir vraiment cette dualité de « je suis en maillot sur le terrain, et je suis sapée en dehors ». Ça me permet de m’exprimer aussi à travers la mode et ça c’est hyper important pour moi. Il y a quelque chose de lié à ce sport en particulier et au pays. Ici, le basket, c’est fashion, ça attire les marques, ça attire le monde de la mode.

Du coup, cet attrait pour la mode, tu l’as développé en arrivant aux États-Unis, ou c’est déjà quelque chose que tu cultivais en France ?

DM : J’ai toujours aimé ça. Après, être basketteuse aux US, ça rend les choses plus faciles parce que c’est dans la culture, là où en France, par exemple, c’est moins le cas. Tu ne vas pas arriver au match habillée, tu vas arriver au match en tenue détente, sport. Les seuls que l’on regarde, ce sont les footballeurs masculins depuis peu, quand ils arrivent à Clairefontaine. Les autres, on n’attend pas de nous un certain style d’avant-entrainement ou d’avant-match. Quand tu vas en club, c’est très rare d’arriver habillée. Alors qu’aux États-Unis, le fait d’arriver habillée avec des looks recherchés, ça fait partie intégrante du sport, de la culture. Et ça fait parti de ton identité de joueuse.

Il y a eu pas mal de polémiques de sexisme en WNBA récemment, on a jeté des sextoys sur les terrains, on a parié sur les menstruations des joueuses… Comment tu as vécu tout ça, toi ?

DM :Personnellement, je ne l’ai pas forcément ressenti. Après, je sais que beaucoup de choses se sont passées cette année à ce sujet. Et plus largement, il y a des fois, les journalistes posent des questions qu’ils ne poseraient jamais à des hommes. On sent qu’il y a encore un gros chemin à parcourir de ce côté-là. Je sais aussi qu’on a fait du chemin, il faut reconnaître ces évolutions. Mais en effet, il y a encore beaucoup de progrès à faire. Même si on parle de basket féminin, c’est quand même encore un sport dominé par les hommes. Les médias sont gérés par des hommes, ceux qui nous mettent en avant sont des hommes, et ils le font de la manière dont ils veulent le faire. Je pense que si je n’ai pas été confrontée à ça directement, c’est aussi parce que j’ai été pas mal préservée. Donc une des leçons à tirer, c’est qu’il faut protéger les joueuses. On est hyper exposées, et sur les réseaux sociaux, tout le monde se permet de commenter, de faire des remarques appropriées… ou pas du tout.

Crédit photo : Naïs Madec pour ANCRÉ

Qu’est ce que tu dirais à ce sujet à une jeune fille qui voudrait, elle aussi, se lancer dans le haut niveau et qui pourrait être confrontée à ce genre de situation ?

DM :Je lui dirai qu’elle sera, de toute façon, confrontée à ce genre de situation. Aujourd’hui, on est encore à une époque où on affronte de la misogynie. Il faut se dire que ce n’est pas dirigé vers toi directement. Pour moi, ce sont des gens qui sont complexés qui tiennent ce genre de discours et ils projettent leurs propres complexes sur les joueuses. Et c’est à nous de nous forger mentalement pour ne pas se laisser atteindre par ce genre d’attaque. Le cercle joue un rôle essentiel là dedans. Avoir des gens autour de toi qui représentent ta safe place, c’est très important. Moi, je sais que c’est ma famille. Donc, c’est important d’être bien entourée.

5 novembre 2025

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