En organisant sa première Slow Fashion Week, la cité phocéenne fait rimer haute-couture et mode éthique. Sans jamais trop se prendre la tête.
Longtemps, Marseille n’a pas eu très bonne réputation, ni dans le cœur des Français, ni dans celui des Américains pour lesquels la France se résumait à un gigantesque Paris-Rive Gauche, avec un petit coin de French Riviera pour les vacances. Café-croissant dans la capitale, rosé piscine à Saint-Tropez : voici la cartographie du french art de vivre pour les gens-de-la-mode. “Dans les médias, on parle de Marseille pour des faits divers un peu glauques, pour le tourisme, pour l’OM, pour Jul. Ce qui est trop cool, mais pas suffisant, rappelle Chloé Roques du collectif BAGA, Marseille, c’est aussi plein d’intiatives positives. Des créatifs et des créatives, chez nous, on en a plein. Des gens qui sont passionnés de mode, des gens qui travaillent dans la mode… Et c’est vrai qu’on avait la sensation que tout l’engouement autour de la mode était vraiment concentré à Paris. Avec la Slow Fashion Week, on a un peu essayé de décréter que Marseille aussi pouvait être une capitale de mode.” Organisée du 7 au 14 juin dernier à l’initiative du collectif BAGA (association loi 1901 née début 2023, qui vise à réunir les acteur.ice.s de la Mode durable et engagée à Marseille et dans la région Sud, ndlr), la manifestation avait donc un but très clair : promouvoir une autre vision de la mode, plus éthique, plus engagée, plus inclusive. Bref, plus ancrée dans son temps. Sans jamais omettre le territoire dans lequel elle s’inscrit.
À jamais les premiers
“L’idée, c’était de rendre désirable la mode responsable, résume Chloé Roques, Aux yeux du grand public, quand on parle de mode, la chose qui vient d’abord à l’esprit des gens, c’est les défilés, les trucs très glamour, qui, du coup, deviennent vite très élitistes. Nous, on voulait montrer que la mode responsable méritait aussi ses podiums, méritait aussi d’être mise en avant, méritait d’être sous les projecteurs.” Gratuite et ouverte à tous, la Slow Fashion Week s’est affranchie des codes très figés de ses consoeurs parisiennes, new-yorkaises ou milanaise. Pas de distinction homme/femme ni d’invitations ultra-prisées. Ici, tout le monde est le bienvenu, dans les gradins comme sur le catwalk. “On a vraiment voulu créer une fashion week qui soit à l’image des gens. Avec des gens qui viennent de partout, des gens de toutes les tailles, de tout âge, de tout genre, de toute sexualité. Des gens qui portent la mode comme une revendication politique aussi. Parce que Marseille c’est une ville qui est hyper politisée et il y a, ici, ce truc très engagé qui fait que quand tu portes quelque chose, ça a un sens.”
Associant défilés et conférences, l’événement utilise aussi la mode comme prétexte à la réflexion, jamais comme étant purement esthétique. “Certes, on voulait garder les défilés pour miser sur le côté paillette qui donne envie aux gens de venir, mais on voulait aussi et surtout montrer nos savoir-faire au travers de ces présentations, mais aussi d’ateliers d’artisans. On a aussi souhaité organiser des conférences pour que l’on puisse un peu comprendre aussi ce qui se passe derrière une marque de mode éco-responsable.” Peu nombreuses au départ, les membres fondatrices du collectif ont lancé un appel à candidature pour rejoindre l’événement. “Et là, ça a explosé. Plus de 60 personnes nous ont rejoint”. De quoi se donner les moyens de ses ambitions, et se détacher, une bonne fois pour toute, du modèle parisien. “La mode elle est partout, et y en a marre qu’on ne parle que de Paris !, s’agace Chloe Roques, Et je pense que le côté responsable, c’est inhérent aussi à la ville de Marseille, dans le sens où c’est une ville qui a toujours un peu fonctionné sur la débrouille. Dans la seconde main, on est hyper puissant. On a des sélections qui sont dingues ici. Par rapport à Paris, on est deux fois moins cher et deux fois plus quali. Les gens n’ont pas forcément sur ça en tête quand on pense à Marseille, on pense jamais à l’aspect mode. Alors qu’avec le mix de cultures, d’influences qu’on a ici, la mode, elle est vraiment partout.”
Heureux hasard du calendrier
Si les organisateurs attendaient environ 5000 personnes sur le week-end, les jauges ont explosé. “On était plus autour de 7000 je pense,” nous confie Chloe Roques. La faute à l’omniprésence du sujet de la slow fashion dans les médias liée à la loi anti fast-fashion, récemment votée au Sénat. “On avait pas du tout ancitipé ça, nous explique notre interlocutrice, Je pense que ça a participé aussi au fait qu’on ait beaucoup de médiatisation autour de notre événement. Nous, on avait juste essayé de se passer avant la Fashion Week de Paris, on avait juste posé un peu nos dates comme ça. Et on a eu de la chance que cette loi soit enfin votée ! C’est vrai que ça a créé un super écho”. Jusqu’à rassembler, pour le défilé de clôture, plus de 1200 personnes. “Tous les événements ont été sold-out, toutes les conférences, tout était plein. Ca a été une magnifique surprise, car on ne s’y attendait pas du tout”.
Un succès qui encourage les organisatrices à penser, dès maintenant à l’édition précédente, comme nous le confie Chloe Roques, “On a la vocation de devenir un rendez-vous annuel. On n’a pas encore posé les dates pour l’an prochain, mais ça ne saurait tarder”. En tout cas, nous, on sera là.
25 juin 2025