Injections invisibles mais injonctions visibles

Ce que la folie des injections invisibles et la nouvelle tendance de la « Quiet Beauty », dit de notre rapport à la beauté.

À gauche, Kris Jenner (69 ans). À droite, Lindsay Lohan, 38 ans. Crédit photo : Instagram

Impossible de passer à côté des récentes photos de Kris Jenner à Paris, plus jeune que jamais. Ou, plus tôt dans l’année, des stars de notre adolescence qui ne semblent pas avoir pris une ride depuis leurs passages chez Disney Channel. Il faut dire que les avants/après, dont Internet raffole, parlent d’eux-même : Lindsay, Demi, Donatella ou Christina ont toutes l’air d’entamer leur vingt-cinquième année, et ce, sans aucune cicatrice visible. “C’est presque comme si le temps n’avait pas d’emprise sur elles, s’étonne Audrey Chippaux, créatrice du compte @vosstarsenrealite et autrice de “Derrière le filtre. Enquête sur le système d’influence” (aux Editions Leduc), Comme beaucoup d’autres personnes, j’ai été véritablement choquée par ces images. Au début, je me suis même demandée si ces visages étaient réellement ceux qu’elles avaient avant ou s’ils avaient été retouchés numériquement pour donner cette impression incroyable de jeunesse éternelle. Pour moi, c’était tout simplement impossible qu’elles ressemblent à ça sans filtre.” 

@estebanskincare

Voici Demi Moore, Lindsay Lohan et Christina Aguilera en 2012… et les voici aujourd’hui ✨. Le glow est INCROYABLE ! 🌟 À ton avis, quels traitements ou routines ont-elles suivi pour être aussi belles aujourd’hui ? Soins, skincare, traitements esthétiques ? Dis-le-moi en commentaire, j’ai hâte de lire tes hypothèses ! 💬👇 #Transformation #GlowUp #BeautéÉternelle #SoinsVisage #AntiÂge #Célébrités #AstucesBeauté

♬ Hung Up (SDP Extended Vocal) [Edit] – Madonna

Et pourtant. Si la chirurgie a été particulièrement visible ces dernières années, entre BBL XXL et lèvres gonflées à bloc, elle se fait aujourd’hui plus discrète. Ce qui n’empêchent pas  les instituts de médecine esthétique d’attirer de plus en plus de patients, en quête de cette mystérieuse cure de jouvence. Son nom ? Les injections invisibles. Après le quiet luxury dans la mode, le plus grand des luxes toucherait-il aujourd’hui notre visage ? 

Innovations et sperme de saumon

“On va davantage vers quelque chose visant le naturel, contrairement à la recherche excessive de changements visibles tel qu’observé auparavant,” constate Anne Laure Faou, responsable communication des centres de médecine esthétique InnerSkin, un nouveau concept plus accessible qui a pour but “de démocratiser un petit peu la médecine esthétique en ayant pignon sur rue, en n’étant pas une adresse qu’on se refile sous le manteau”. Un constat partagé par les médecins qui observent une crainte du Botox chez les patientes, réticentes à l’idée d’obtenir un aspect tout sauf naturel, celui-là même qui à inondé les médias ces dernières années. “Je pense que la perversion générale des injections sur le marché des spas médicaux – l’excès de ces choses – a rendu les gens un peu méfiants, alors ils recherchent des alternatives non injectables,” explique le dermatologue Paul Jarrod Frank à ce sujet.

Et oui, comme le reste, la médecine progresse et peut désormais compter sur de nouveaux outils et techniques pour faire des interventions visibles d’autrefois les améliorations indétectables d’aujourd’hui. “On repère difficilement les interventions de médecine esthétique désormais, car les techniques et les produits ont connu une vraie amélioration. C’est quasiment de la médecine esthétique invisible : on sculpte le visage de façon plus subtile sans forcément diminuer les doses d’injection, résume d’ailleurs le Dr. Fadli, rejoint par Audrey Chippaux, “Prenons l’exemple de Lindsay Lohan : ils ont ressorti des vidéos du tapis rouge qui montrent clairement qu’elle a énormément changé au fil des ans, mais la différence n’est pas aussi marquée que ce que l’on peut voir sur les photos qui ont récemment circulées. Il y a une transformation visible dans le résultat final sans pour autant avoir des cicatrices apparentes ou une déformation du visage qui pourrait alerter les observateurs.” Hydrafacial, Fotona 4D, Sculptra, Rejuran (un dérivé du sperme de saumon plébiscité par les Kardashian dans la dernière saison de leur show, ndlr)… À chaque jour, son innovation. Avec toujours la même promesse : contrer les effets du temps, l’air de rien. 

Les modes changeantes du bistouri

Une quête qui a un coût. Sur les réseaux sociaux, le Dr Jonny Betteridge évalue les interventions des célébrités, et estime que pour avoir le visage de Lindsay Lohan, il faudrait débourser entre 200 et 300 000 dollars de soin et d’interventions chirurgicales. Pourtant, en public, les proches de la Lolita Malgré Elle l’assurent : “Elle n’a jamais subi la moindre intervention. Son apparence est due à son mode de vie sain. Elle ne prend pas de drogues, mange très bien, aime faire des nettoyages. Elle fait aussi du Pilates et de la musculation. Elle est en meilleure forme qu’elle ne l’a jamais été.” Difficile de croire à une telle narration quand le changement parle de lui-même. “ Cela soulève d’importantes questions quant aux jeunes filles influencées par ces nouvelles tendances, alors qu’elles pourraient ne pas disposer des mêmes ressources financières pour obtenir le même résultat,” relève Audrey Chippaux.

La lanceuse d’alerte poursuit : après avoir été influencées par les Kardashian, mais aussi par des célébrités françaises comme Milla Jasmine ou Maëva Ghannam, à gonfler certaines parties de leur corps, ces (souvent jeunes) filles n’ont pas les mêmes possibilité de “revenir en arrière si besoin après avoir suivi aveuglément ces modes éphémères, souvent dictées par les réseaux sociaux.” Le corps et le visage seraient-ils devenus des accessoires que l’on change au gré des saisons ? “Nous avons aussi pu constater un changement significatif dans notre rapport collectif à la chirurgie esthétique ; elle n’est plus seulement perçue comme une réparation liée à un complexe personnel, mais devient également une quête incessante visant à correspondre aux standards imposés par les réseaux sociaux, qui changent régulièrement. L’impact des influenceurs façonne nos perceptions du beau idéal, même quand il est irréaliste,” conclut Audrey Chippaux.

Les nouvelles salles de sport ?

Depuis la crise sanitaire du Covid, le syndicat national de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SNCPRE) a observé une augmentation de 20 à 30 % des demandes de consultation. Une progression qui concerne majoritairement les plus jeunes (18-34 ans), qui, d’après une enquête du Centre d’Information et de Documentation Jeunesse (CIDJ), seraient désormais plus nombreux que les 50-60 ans à avoir recours à la médecine et la chirurgie esthétique. Un phénomène qui, à en croire cette étude, serait lié à l’usage des réseaux sociaux. Pour Audrey Chippaux, pas de doute : il y a corrélation. “Cela peut avoir un impact considérable sur l’image véhiculée par ces célébrités auprès du grand public, et notamment auprès des jeunes générations impressionnables.” De son côté, Anne Laure Faou, l’admet, la clientèle d’InnerSkin “est assez jeune”. “Il y a une nouvelle génération qui est tellement au fait de tout ce qui est skin care, notamment grâce à TikTok. Mais cela comporte des dérives : il y a de la désinformation, d’où l’importance de se tourner vers de véritables experts”

@dorcvvs

Ces enfants qui se maquillent et font des skincare inadaptés a leurs peaux 😱 #sephora #sephorakids #skincare #makeup

♬ son original – Dorcas

Si, il y a peu, avoir recours à la chirurgie était un secret un peu honteux que l’on gardait pour soi, aujourd’hui, l’afficher publiquement n’est plus un problème. Code promo sur Instagram pour une première consultation, remerciements publics à son chirurgien, ou aveux entre copines à la terrasse d’un café : se faire injecter revient presque à s’offrir une nouvelle coupe de cheveux. Ce nouveau rapport à la médecine esthétique, Anne Laure Faou, ne le voit pas d’un mauvais œil. “Le problème, c’est qu’on a longtemps pensé que la médecine esthétique était égale à injections et énormes lèvres, et donc à la superficialité. Je pense qu’actuellement, il y a un gros travail qui est en train d’être fait, et c’est tant mieux, explique la collaboratrice d’InnerSkin, On assiste à une forme de démocratisation, il y a une prise de conscience qu’il faut prendre soin de soi, qu’il faut prendre soin de sa peau, que c’est un organe super important. Et surtout, que pour le faire, on n’est pas obligé d’aller dans l’extrême où on se transforme complètement.”  

Une tendance à la mesure qui a donc vocation à faire de la médecine esthétique un acte de soin totalement intégré à une routine beauté plus classique. “Nous, on aime bien prendre le parallèle avec la salle de sport, admet Anne Laure Faou, Dans les années 80, ceux qui allaient dans les salles de sport étaient vus comme des gens superficiels, qui se regardaient le nombril. Et aujourd’hui, on n’aurait pas idée de ne pas faire de sport et de ne pas aller dans une salle de sport.” Car oui, pour la collaboratrice d’InnerSkin, se rendre dans un cabinet de médecine esthétique, c’est avant tout prendre soin de soi : “Forcément, il y a une question esthétique, mais aussi de soin qui est très présente. Nous, on prône vraiment la santé cutanée avant de prôner l’esthétique, parce qu’une peau en bonne santé, c’est une peau qui vivra bien tout simplement. On essaie de retarder tout ce qui est intervention plus invasive.” Et prôner l’acceptation de soi avant tout. Avec un petit coup de pouce en plus. 

19 mai 2025

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