Largement critiqué pour mettre en opposition des femmes, tout en se basant sur leur physique, le concours reste pourtant une petite fenêtre d’exposition importante de la diversité notamment pour les DOM-ROM.
Ce samedi 14 décembre marquera la fin du règne d’Eve Gilles, et sacrera une nouvelle Miss France. Une élection particulièrement attendue dans les DOM-ROM pour qui l’événement constitue l’une des rares occasions de valoriser leur territoire en métropole. “En Guadeloupe, c’est une tradition de regarder pour beaucoup de regarder Miss France en famille, entre amis, et nous supportons notre Miss”, nous explique Marvyn Vala, responsable communication Miss Guadeloupe Organisation. Une déclaration soutenue par sa collègue, Sandrine Derrick, déléguée régionale Miss Guadeloupe, qui poursuit : “C’est plus qu’un évènement : c’est une véritable fierté régionale ! Les habitants soutiennent massivement leurs candidates, ce qui crée une dynamique très positive et motivante pour elles”.
D’ailleurs, cette année, toute la Guadeloupe sera derrière son poste de télévision pour soutenir Moïra André, grande favorite des réseaux sociaux, qui, selon l’acteur de référence en data et IA Avista, aurait 68% de remporter la couronne. “Quand on regarde sur quelles données se base le cabinet pour établir ces pourcentages, on voit bien que ce sont les interactions sur les réseaux sociaux et l’engagement qui sont pris en compte, souligne Marvyn Vala, Cela signifie que Moïra est déjà très soutenue. C’est une grande fierté et de bon augure pour ce soir !”
🚨 À quelques jours de l'élection Miss France, le cabinet spécialisé en data Avisia a dévoilé ses prédictions grâce à l'intelligence artificielle !
— GOSSIP ROOM (@GossipRoomOff) December 12, 2024
Selon leur modèle, Miss Guadeloupe, Moïra André, serait la grande favorite avec 68% de chances de victoire ! Miss Martinique,… pic.twitter.com/ZEzHX0vJD8
Les ambassadrices de la représentation
En effet, si Moïra André n’est pas la plus suivie sur les réseaux sociaux (elle arrive en 11ème position avec ses 12 900 abonnés), son profil a sans doute été le plus relayé et commenté en ligne. Un engagement sur lequel Chaiyna, aussi connue sous le pseudonyme de Honey Shay, revient dans un épisode de son podcast Parlons french intitulé “Être une femme noire musulmane de banlieue”. Partant d’un conflit l’ayant opposée à l’influenceuse Enjoy Phoenix qui pointait du doigt le concours et ses téléspectateurs, les accusant notamment de mettre les femmes en compétition entre elles, Chaiyna explique : “En tant que femme noire, je n’ai pas du tout cette lecture de Miss France. Je vais même kiffer, car une fois dans l’année, on a une chance d’avoir une femme qui nous ressemble pour représenter la France”.
La YouTubeuse poursuit : “On veut avoir la chance de voir des gens qui nous ressemblent participer à ce genre de concours et les gagner, car c’est aussi une victoire pour nous. Pour elle [Enjoy Phoenix, ndlr], c’est tellement logique que son type de beauté soit déjà validé que ce n’est même plus un sujet. Mais en disant qu’elle pense à toutes les femmes quand elle appelle à ne pas regarder, elle ne se rend pas compte qu’elle empêche des femmes noires de pouvoir briller et que pour nous, ce n’est pas anodin de voir des femmes noires à la télé être considérées comme belles”. Car si les candidates des DOM-ROM peuvent compter sur un public chauvin à la maison, elles sont aussi très suivies en métropole car elles disent à la France que oui : la plus belle femme du pays peut être non blanche, noire, métisse ou avoir des cheveux texturés.
En 2010 même la polémique Geneviève de Fontenay militait en ces termes racistes pour plus de diversité dans le concours : « Une miss beurette, ce serait presque un aboutissement. J’espère que je la verrai avant de disparaître. Qu’elle soit musulmane, personnellement, cela ne me poserait aucun problème. Je pense que les Français sont prêts ». Quatorze ans plus tard il n’en est rien. Comme le rappelle si bien ce titre d’un article de ‘La voix du Nord’ au sujet d’une candidate du concours de ce soir : « Sabah pourrait être la première Miss France aux origines maghrébines« . Voilà pourquoi sur les réseaux sociaux il est très courant de voir des jeunes femmes racisées s’allier pour faire la promotion des Miss non blanche. Et à fortiori des Miss issues des DOM-ROM, gages de la diversité française dans ce concours.
Imposer de nouveaux standards
De nombreux téléspectateurs semblent encore avoir du mal à accepter la présence de Miss aux origines arabes ou maghrébines et ne se censurent pas lorsqu’il s’agit d’enchaîner les commentaires racistes à l’encontre des candidates. La jeune Sabah Aïb, 18 ans et benjamine du concours portant l’écharpe de Miss Nord-Pas-de-Calais en a malheureusement fait les frais depuis son élection régionale. “Je n’ai jamais eu la moindre remarque raciste de ma vie, jusqu’à cette élection. Je ne m’attendais pas à ça. Je n’y étais pas préparée”, raconte aujourd’hui la Miss au Parisien. Des commentaires haineux auxquels les Miss d’Outre-Mer sont elles aussi malheureusement habituées. “On sait que tout le monde ne va pas être d’accord, rappelait d’ailleurs Clémence Botino, Miss France 2020 originaire de la Guadeloupe, au lendemain de son élection au micro de RTL, Il faut que je justifie mon élection, que je montre aux Français que j’ai ma place ici. Mais je n’ai pas peur. Vaimalama Chaves et moi sommes les deux premières filles d’outre-mer à se succéder. (…) Il y a bien quelque chose qui a changé et il faut que tout le monde l’accepte de manière positive.”
Difficile de sourire face au caméra lorsque l’on se prépare d’avance à recevoir un tollé, même après une victoire. Un stress accentué par les préparations physique du concours, qui ne semblent pas toujours loger toutes les Miss à la même enseigne, notamment concernant les différentes textures de cheveux, “C’est un sujet qui revient régulièrement dans ce type de compétition, souligne Sandrine Derrick, où la diversité des candidates ne correspond pas toujours aux standards techniques des équipes en place, particulièrement en ce qui concerne les cheveux afro ou métissés”.
Un texturisme qui, à en croire Marvyn Vala, s’est atténué au fil des années, “Il y a eu beaucoup d’évolutions pour que tous les cheveux puissent être coiffés. Chaque candidate choisit sa coiffure et est conseillée par les équipes car une coiffure peut bouger énormément lors d’un show comme celui de la danse, ou à cause de la chaleur etc.” Des progrès qui ont notamment permis à Julie Dupont, élue Miss Île-de-France en octobre dernier, de faire de la diversité capillaire son cheval de bataille pour l’élection nationale à venir. “Je voulais représenter une catégorie de femmes qu’on ne voit pas souvent dans le concours d’où la coupe afro que je tenais à avoir lors des élections et des différents événements” a-t-elle d’ailleurs admis sur son compte Instagram.
Les cheveux de la 1ere dauphine de Miss Martinique qui sera la représentante à Miss France, avant > après (photo officielle Miss France) 😭 Si c’est pas du sabotage ça ?! pic.twitter.com/3pN2F7Hey4
— Elodie G (@Elodie_G) November 16, 2017
La fierté de toute une île, la fierté de toutes les femmes racisées en France
Pourtant, si aujourd’hui les Miss semblent pouvoir revendiquer librement leurs choix capillaires ou leurs origines, il y a quelques années, tout était bien plus codifié et chaque Miss devait correspondre au physique que l’on imagine “type” de sa région. C’est notamment ce dont se souvient Marie Payet, Miss Réunion 2012 et classée deuxième dauphine lors du concours national puis choisie comme représentante de la France pour Miss Univers la même année. “Je suis une Miss très claire de peau. Et, malgré mon nom, Payet, qui est très commun à la Réunion, j’ai subi beaucoup de critiques lorsque j’ai été élue Miss. On me traitait de Zoreille [Français de la métropole résidant sur l’île de la Réunion, ndlr]. J’ai eu le sentiment que je n’étais pas légitime d’être une Miss Réunion, parce que je n’étais pas la Réunionnaise qu’ils attendaient, que je n’avais pas la bonne couleur de peau ou la bonne texture de cheveux pour représenter mon île.”
Pourtant, si elle a d’abord eu le sentiment de ne pas être soutenue, lors des élections nationales, la fierté réunionnaise a pris le dessus. “Ils ont voté en masse, et je crois que cette année, c’était la seule fois depuis Valérie Bègue où il y a eu autant de votes par SMS provenant du département de la Réunion. Donc j’était très contente parce que c’est vrai que ce n’est pas évident, pour les Réunionnais, avec le décalage horaire, de rester éveillés jusqu’à 3h du matin et puis de voter et dépenser ses sous.”
Car rappelons le : tous les territoires d’Outre-Mer ne payent pas la même chose pour encourager leurs Miss. Si le Comité de Nouvelle-Calédonie nous a assuré avoir “fait en sorte que le prix du SMS ou de l’appel soit au même tarif que celui de métropole”, à la Guadeloupe, cela coûte plus cher. Pourtant, d’après la déléguée régionale, “cela n’empêche pas les Guadeloupéens de voter en masse pour leur candidate. L’attachement et la fierté régionale surpassent souvent ces contraintes. (…) Chaque année, nous constatons une mobilisation exceptionnelle, que ce soit à travers les votes, les messages de soutien ou les rassemblements organisés autour des retransmissions. Le concours Miss France crée un véritable esprit de communauté : les habitants se rassemblent, au-delà des générations et des différences, pour encourager leur ambassadrice et exprimer leur fierté régionale. Cet élan de solidarité reflète la capacité des Guadeloupéens à s’unir pour valoriser leur culture et leur identité.”
Et le comité sait de quoi il parle : avec quatre candidates devenues Miss France, l’île est devenue une véritable terre de Miss, à l’instar des régions Nord-pas-de-Calais ou Île-de-France.
Un engouement commun à de nombreux territoires d’Outre-Mer pour qui Miss France représente bien plus qu’un simple concours de beauté. “L’élection de Miss Nouvelle-Calédonie est un événement incontournable dans notre archipel, c’est l’occasion de montrer toute la diversité et le métissage que constituent notre territoire. De plus, les portraits diffusés durant l’élection sont tournés sur nos plages, nos paysages paradisiaques et l’objectif est de donner envie à chaque personne de venir visiter, nous expliquent les équipes du Comité Miss Nouvelle-Calédonie, qui ne présenteront malheureusement pas de candidate cette année, en raison de la crise qui secoue l’île.
“Cette décision (prise en concertation avec la société Miss France et son président Frédéric Gilbert) n’a pas été facile à prendre car nous avions déjà entrepris les recherches de sponsors, de candidates, le lieu et la date de l’élection, et tout ceci est tombé à l’eau. Mais nous n’avons aucun regret car la priorité était le retour au calme et le vivre ensemble”, rappellent les membres du comité, qui travaillent déjà sur l’élection de Miss France 2026. En attendant, la Nouvelle-Calédonie encourage à soutenir la candidate voisine : Miss Tahiti. Rappelant au passage, qu’avant d’être adversaires, les Miss des territoires d’Outre-Mer sont avant tout solidaires. Et pour savoir si l’une d’entre-elles remportera la précieuse couronne, rendez-vous ce soir devant TF1.
14 décembre 2024