Rencontre avec le meilleur espoir de la gym française, Mélanie de Jesus dos Santos

La jeune athlète prépare une figure qui pourrait porter son nom dans l’Histoire de la gymnastique.

Crédit photo : Flora Métayer/adidas

La voix transpire la malice, les mots sont posés. Mélanie a tout l’air d’une grande qui a gardé son âme d’enfant. Pas l’âme d’une gamine non, mais plutôt celle qu’on a à l’âge de l’insouciance. Celle qu’on revêt sans même s’en rendre compte pour sauter du perchoir à 5 mètres à la piscine, celle qui fait qu’elle tente en ce moment une figure encore jamais faite en gymnastique. Insouciante donc Mélanie ? Non plutôt casse-cou comme elle le dit elle même. Et quand on a commencé à faire des salto à 5 ans sur le bout d’un ponton en Martinique on comprend qu’elle a ça dans le sang. Naturellement. Alors que pour l’instant l’avenir des compétitions est encore incertain, rencontre avec celle qui est l’espoir de la gymnastique en France.

ANCRÉ : Les JO de Tokyo que tu attendais ont été annulés et pourtant ce n’était qu’une demi-déception pour toi. Tu as expliqué que cela t’as permis de gagner un an de maturité. Cette année particulière t’a été bénéfique finalement ? 

Évidemment que c’était quand même un déception, mais je suis plutôt quelqu’un qui va prendre les choses comme elles viennent. Et évidemment il y a de la frustration mais c’est aussi une année de plus pour bosser.

Tu fais un sport de salle, le covid n’a pas aidé à sortir de chez soi. Est-ce que tu dirais que la gymnastique t’a permis d’être armée pour ce confinement ?

Non pas vraiment parce qu’on ne pouvait pas bouger, pas faire de réelles figures. J’étais confinée dans une maison en campagne non loin de Saint-Etienne avec d’autres copines de la gym. Par contre ça nous a permis de faire autre chose, de s’entrainer différemment. On a nos changé nos habitudes. 

Crédit photo : Flora Métayer/adidas

Quand on voit ton palmarès : trois fois championne d’Europe, trois fois vainqueure en Coupe du monde, sept fois championne de France à 20 ans. À toi non plus “on ne te parle pas d’âge” pour citer un autre grand champion. 

(Rires). Je n’aurai jamais cru réaliser tout ça. Maintenant je me rend un peu plus compte. Mais vous savez à 20 ans on est déjà considéré comme senior en gym. La carrière d’une gymnaste peut s’étendre jusqu’à ses 25/30 ans mais ça dépend beaucoup du corps de chacune. Mais c’est vrai, on peut dire qu’on ne me parle pas d’âge. J’ai toujours été comme ça, dès mes 5 ans je faisais des salto, je ne l’explique pas. 

J’aimerai qu’on revienne à un épisode de 2015. Suite à une mauvaise réception en saut à cheval, tu te fais les ligaments croisés. 5 ans plus tard tu es le plus grand espoir de la gymnastique française. C’est un moment qui t’a aidé à grandir ? 

Évidemment. Je savais qu’une fois que j’allais réussir à guérir cette blessure j’allais revenir plus forte mentalement. Je suis comme ça je vais de l’avant. C’est toujours un moment important dans une carrière, on apprend aussi beaucoup sur soi. 

Le premier salto tu l’as fait au bout d’un ponton en Martinique. C’est une image qui te revient souvent quand tu rentres en compétition ?

Honnêtement pas vraiment. Par contre je me demande toujours comment j’ai appris à faire tout ça. Je me pose souvent cette question : pourquoi la gym ? Je me la pose même tout le temps. Je réalise aussi que je faisais de la gym avant même de m’inscrire dans un club. À 5 ans je faisais des salto alors que je devais mesurer 1m10. Donc vraiment ça prouve que la gymnastique a toujours été quelque chose de naturel pour moi. 

Quand on est petit on a aussi souvent moins peur du danger et en grandissant on a notre conscience qui se réveille et on a de nouvelles peurs qui se crée. Est-ce qu’il y a des choses en gym qui t’effraie davantage maintenant ? 

Pas du tout justement. Parfois je me dis que je suis folle, je me dis : “comment tu peux te lancer dans des figures aussi impressionnantes ?“. Mais j’adore ça, j’adore avoir peur et le faire quand même. C’est une sensation qui me pousse même. On peut dire que je suis une casse-cou. 

Crédit photo : Flora Métayer/adidas

D’ailleurs ce n’est pas ou plus un secret mais tu bosses en ce moment sur une figure bien spéciale à la poutre. Une entrée qui n’existe pas encore sur les feuilles de compétition et qui, si tu réussis à l’inclure, pourrait porter ton nom. 

C’est une entrée en bout de poutre et on bosse sur un salto avant avec corps tendu ou corps carpé. 

Est-ce que ce n’est pas aussi comme ça qu’on marque le sport ? Au delà des médailles il y a aussi la créativité qui reste dans les esprits. Par exemple tout le monde se rappelle de Surya Bonaly même si elle n’a jamais gagné de médaille olympique.

C’est bien de laisser son nom dans un sport que tu pratiques tous les jours. Laisser son empreinte c’est important. Rentrer dans l’histoire du sport par les résultats c’est déjà un exploit mais laisser une empreinte dans le code, le roadbook du sport que tu as toujours fait c’est encore mieux. 

Est-ce qu’il y a des sportifs que tu regardes particulièrement pour leur créativité ?

Je ne sais pas si c’est pour son côté créatif mais j’ai toujours admiré Teddy Riner. Je ne connais pas les termes du judo mais il m’a toujours impressionné par sa justesse, sa constance. Il faut surement être créatif pour justement être aussi linéaire sur le plan des victoires et toujours dedans. 

Je ne t’ai pas encore demandé mais c’est quoi ton agrès préféré ? 

Le sol incontestablement. Parce que tout d’abord il y a de la musique et ça c’est un truc que j’adore. Moi quand j’allais au sol c’était d’abord pour danser. Après il faut gérer les acrobaties et j’ai beaucoup progressé avec mon entraineur là dessus. Donc maintenant je peux mêler danse et performance. 

Crédit photo : Flora Métayer/adidas

En 2019 tu as remporté le prix Longines de l’élégance. La gymnastique est souvent synonyme de grâce. C’est un truc qu’on travaille devant le miroir en plus des entrainements ? Comment se travaille la grâce en gymnastique ? 

On a une chorégraphe qui nous aide à travailler là dessus, aligner ses doigts… Un peu comme une danseuse de danse classique en un peu moins intense. Et oui on travaille beaucoup devant le miroir avec des barres de danse. Vraiment comme les danseuses. Après c’est aussi quelque chose que tu as en toi. Par exemple moi j’ai un physique de fille qui tape hyper fort, avec des muscles forts mais j’ai la chance d’être gracieuse. Je vais prendre l’exemple de Simone Biles, c’est une boule d’énergie et il faut savoir canaliser ça. Souvent l’entraineur aide aussi beaucoup à ça. 

On taxe aussi souvent la gymnastique d’être un sport dur, avec des entraineurs qui poussent parfois à l’extrême. Chez toi on sent plutôt une sérénité. 

Je ne suis pas une gymnaste stressée. Comme je disais tout à l’heure je ne prend pas les choses au sérieux donc pour moi ça va toujours aller. Après peut-être que ça ne se voit pas sur mon visage mais j’ai parfois tendance à stresser parce je veux toujours bien faire. Et chez moi bien faire c’est parfois synonyme d’en mettre trop. 

Est-ce tu ne dois pas cette apaisement au fait que tu rentres chez toi en Martinique alors que nous on se les caille ici en hiver ? Retrouver le soleil en hiver c’est physiologiquement un vrai apport. 

Oh que oui ! Au début c’était dur de voir toutes les filles du pôle rentrer tous les weekends dans leur famille respective alors que moi je rentrais tous les six mois. Mais oui, profiter du soleil à Noël c’est un vrai luxe. Mais ce n’est pas que lié à la météo, c’est aussi changer de style de vie complètement qui me fait du bien. Je peux déconnecter pleinement. 

Même si c’est compliqué avec le COVID de percevoir quand est-ce que la compétition reprendra, tu réussis à garder un rythme ? 

Une journée type chez moi c’est se lever à 8h pour aller à la gym vers 10h. On s’entraine ensuite pendant 3h. Arrive la pause dej et ensuite direction l’école pour celles qui suivent encore des cours. Le retour à l’entraînement se fait à 15h et dure jusqu’à 18h. Et c’est comme ça du lundi au vendredi avec gym une fois sur deux le samedi. On doit tourner environ à 30 heures par semaine de gymnastique. 

Tu es allée au Texas rencontrer Simon Biles, la championne américaine. Peux-tu nous raconter cette rencontre. 

La première fois que je l’ai rencontré ce n’était pas lors d’une compétition, c’était littéralement chez elle dans son propre gymnase à l’occasion d’un stage que le fédération a organisé. Et on peut vraiment dire SON gymnase puisqu’elle s’est installée un véritable gymnase accolé à sa maison. J’ai pu m’entrainer deux semaines avec elle et elle est vraiment une personne qu’on peut définir comme cool. 

Tu as dis qu’elle était impossible à chasser du podium. Est-ce que ce n’est pas démotivant parfois ? Un peu comme quand on lutte contre un Messi ou un Ronaldo. 

On dit rien n’est impossible dans la vie mais franchement, quand on la regarde concourir, on se dit qu’il faut qu’elle tombe au moins quatre fois pour réussir à la surpasser. Et franchement, ça m’étonnerait que Simone Biles tombe autant de fois. 

Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour 2021 ? 

Du courage ! 

Alors courage !

Vous pouvez retrouvez Mélanie sur ses réseaux ici : @melanie_djds972

Crédit photo : Flora Métayer/adidas
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