Retour sur cette affaire qui a démarré en 2020.
En septembre 2020, près de 50 modèles ont entamé des poursuites à l’encontre de Condé Nast, société mère de Vogue Runway, pour avoir utilisé des images d’elles dans le but de vendre des vêtements et accessoires de haute couture sans leur permission. Dans une plainte de 87 pages déposée devant un tribunal fédéral de New York, ces dernières, représentées par l’agence de mannequins Next Management, accusaient plus précisément le site vertical de Condé Nast, Vogue Runway, mais également le détaillant en ligne d’articles de haute couture, Moda Operandi. Et si on vous en parle maintenant, c’est que le groupe de presse se dit confiant dans l’annulation de cette plainte.
La plainte contre Condé Nast
Les modèles affirment que Vogue a utilisé des photos d’elles, y compris des photos vraisemblablement prises par des photographes de Vogue (d’où l’absence de plaintes pour violation des droits d’auteur), sur « le site Vogue.com pour commercialiser, promouvoir, faire de la publicité et solliciter des ventes de produits sur Moda Operandi. ». Ainsi, sur le site du célèbre magazine de mode, les images des mannequins étaient publiées, accompagnées d’un pop-up « SHOP THIS LOOK » qui redirigeait directement vers l’eshop de Moda Operandi. Selon les mannequins, le détaillant est même aller plus loin puisqu’elles l’accusent d’avoir tenter de contourner les articles 50 et 51 de la loi sur les droits civils de New-York qui protège contre l’utilisation non autorisée de l’image d’autrui à des fins commerciales, en recadrant et modifiant les images utilisées sur son site. De ce fait, les mannequins concernées dont Anok Yai, Abby Champion ou encore Grace Elizabeth, ont demandé des dommages et intérêts compensatoires à déterminer lors du procès, ainsi qu’une ordonnance permanente interdisant à Vogue Runway et Moda Operandi de procéder à de telles utilisations non autorisées de leurs images à l’avenir.
En revanche, aucune mention de violation de droits d’auteur ne figure au sein de la plainte puisque indépendamment du fait que les modèles apparaissent sur les photos, elles n’en sont en aucun cas les photographes; les droits d’auteur de ses derniers étant en possession de Vogue Runway. Cependant selon les affirmations des mannequins, les accusés auraient dû aller au-delà de l’octroi d’une licence de droit d’auteur en demandant leur autorisation formelle au vu de la nature commerciale des utilisations en question.
Retour à l’envoyeur
Plus d’un an après le dépôt de la plainte, Condé Nast s’insurge contre les affirmations des modèles en les accusant d’« entraver la liberté d’expression »; rapporte The Fashion Law. Après avoir contesté les revendications des mannequins dans leurs motions de rejet respectives, le détaillant de haute couture et Vogue ont obtenu une première victoire après le rejet d’une large partie de l’affaire par le tribunal de New York. Condé Nast tente de faire en sorte que le reste des revendications soient également abandonnées. Le groupe américain d’édition de magazines affirme avoir utilisé les photos des défilés « en rapport avec des questions d’intérêt publique, des préoccupations publiques et/ou des questions dignes d’intérêt », ce qui correspondrait à des utilisations autorisées par la loi.
Par le biais de la branche Runway de Vogue, Condé Nast déclare fournir « une couverture éditoriale complète des défilés de mode » y compris des « dépôt d’archives pour l’industrie de la mode et les lecteurs intéressés ». Cette utilisation éditoriale, par opposition à une utilisation commerciale, vient contredire les affirmations des mannequins rejetées par le juge en charge de l’affaire qui déclare que la couverture des défilés « est un travail de journalisme de mode », et que « comme tout magazine de mode, [il] contient des publicités ».
« Il s’agit d’une SLAPP classique. », affirme Condé Nast, autrement dit, d’une poursuite judiciaire visant à limiter, empêcher ou pénaliser « toute communication dans un lieu ouvert au public ou un forum publique en rapport avec une question d’intérêt publique » sans fondements juridiques. Condé Nast affirme que Vogue est un forum publique et que l’actualité de la mode est une question d’intérêt public. De ce fait, ils accusent les plaignantes de violation de la loi anti-SLAPP et demandent des dommages et intérêts compensatoires dont les honoraires d’avocat.
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24 novembre 2021