Championne de body fitness et mannequin, Tjiki Sidibé s’illustre aussi bien dans les salles de sports que sur les podiums. Et impose, au passage, la musculature féminine dans le monde de la mode.
Vice-championne du monde et championne d’Europe de body fitness, Khoudièdji Sidibé – alias Tjiki – prouve à tout le monde que, oui : on peut avoir du muscle et incarner un modèle de beauté au féminin. Passée par les catwalk de Jean Paul Gaultier, Marine Serre ou encore Ester Manas, la mannequin nous a fait une démonstration de grâce en studio, lors d’une rencontre filmée.
“Dans le monde du body fitness, il y a cette dualité que j’aime beaucoup, c’est un peu pour moi comme si c’était le ying et le yang, nous explique-t-elle, en enchaînant les poses tirées de sa discipline de prédilection, On va jouer avec la force physique, sans jamais oublier que nous sommes avant tout des femmes. D’un côté, la femme, elle est gracieuse, elle est élégante, et de l’autre, elle doit être musclée”.
S’approprier son corps
“Force gracieuse”. Le terme nous apparaît comme une évidence alors qu’on l’observe effectuer cette puissante chorégraphie. “J’aime beaucoup le mot ‘force gracieuse’. Retenez Tjiki en tant que force gracieuse !,” s’amuse celle qui nous apprend avoir reçu une médaille de la part d’Arnold Schwarzenegger lui-même au cours de sa carrière. Mise au sport par sa grand-mère qui souhaitait aider sa petite-fille à vaincre sa timidité, Tjiki apprécie rapidement les effets que la pratique de l’athlétisme a sur son corps. “Je me suis rendu compte qu’en m’entraînant d’une certaine façon, je développais mon physique d’une certaine façon. Et ça a tout de suite agi comme une sorte de barrière de protection vis-à-vis des personnes que je côtoyais à l’époque.”
Une musculature qui l’a d’abord rassurée, et qu’elle nous avoue avoir souhaité pousser plus fort, un peu par défi. “Ma maman est très gracieuse, joue beaucoup avec la féminité, et n’aimait pas trop ce qu’elle voyait de sa fille. Qu’on lui dise qu’elle était trop musclée, qu’elle ressemblait à un homme…, se souvient-elle, Et moi, j’avais l’esprit de contradiction. Ma maman estime que si je suis trop musclée ? Je serai encore plus musclée. On me dit que je ressemble trop à un garçon ? Je vais accentuer le travail, sans pour autant oublier cette féminité qui m’accompagne.” Et incarner, au passage, un nouveau modèle de féminité, encore trop peu représenté dans les médias et dans le milieu de la mode.
Make muscles fashion again
Ça tombe bien : la mode, Tjiki adore ça. Développant son goût pour la discipline à une époque où les mannequins dits “atypiques” semblent prendre de plus en plus de place, elle tente sa chance… avant de déchanter. “Dans le monde de la mode, j’ai cru que le fait d’avoir un physique atypique me permettrait d’obtenir plus d’opportunités. Et je me suis rendue compte que dans le monde de la mode, il y a deux portes : celle pour les femmes minces, et celle pour les femmes plus-size. Et moi, je ne rentrais dans aucune de ces deux catégories.”
Si elle n’a pas pu bénéficier d’un modèle de représentation à son image, la bodybuildeuse compte bien devenir celui de toute une génération. “Des physiques comme le mien, en dehors des compétitions, je n’en vois pas, nous ne sommes pas représentées dans la société, admet Tjiki avant de nous confier que “pour M. et Mme Tout-le-Monde, [son] physique est encore vu de façon très péjorative.” De quoi parler à toute cette catégorie de femmes oubliées ou moquées. Celles dont les muscles peuvent aussi être visibles naturellement et qui, à cause de cette absence de représentation, n’arrivent pas à assumer leur corpulence.
Des femmes à qui, heureusement, notre modèle du jour ne cesse de penser : “Je suis aussi une femme qui a une certaine génétique me permettant d’avoir des muscles qui se montrent beaucoup plus vite que d’autre. Je veux représenter toutes ces femmes qui ont cette carrure, qui ont cette force et qui, justement, à travers moi, peuvent se dire : ‘ok, nous aussi on a cette possibilité de suivre notre passion, la mode,’” conclut la championne, médailles à la main, et éternel sourire aux lèvres.
Crédit vidéo : ANCRÉ
3 février 2025