Exit les tops et autres actrices : les nouveaux visages des grandes marques de cosmétique sont basketteuses, footballeuses ou tenniswoman. Le signe d’une nouvelle ère ?
Longtemps, elles ont été au mieux ignorées, au pire, moquées. Avant, aujourd’hui, d’être adulées par le monde de la beauté. Trop masculines, trop musclées, trop peu performantes par rapport à leurs collègues masculins… « On nous demande d’être féminine avant d’être talentueuse », racontait Mélissa Plaza, ex-internationale française de football à France Inter en 2019. Être une sportive, c’était comme cumuler deux peines : on est une femme, et en même temps, on ne l’est pas assez. Star du tennis français des années 2000, Amélie Mauresmo a longtemps incarné ces stéréotypes, caricaturée en homme dans Les Guignols de l’Info : “Une femme en train de faire du sport, elle est moins féminine, les cheveux, la transpiration, les muscles sont un peu plus saillants dans l’effort… Je pense que la marionnette a fait énormément de mal dans l’imaginaire.”
Mauresmo vue par les Guignols c’était ça (avec une voix d’homme bien grave) pic.twitter.com/3DsOaL13UU
— Woke on the Wild Side (@JeremieHalimi) August 2, 2024
Pour Natacha Lapeyroux, chercheuse en sociologie des médias, du genre et du sport, « l’image et le corps d’une femme athlète ont une influence sur sa recherche de sponsors et sur les discours qu’on va tenir à son sujet ». Elle précise que, jusqu’aux années 2000, « celles qui se présentaient de manière très féminine et qui correspondaient aux canons de beauté occidentaux, c’est-à-dire surtout des femmes blanches et longilignes, s’en sortaient le mieux ».
Les nouveaux canons
La preuve : alors que les soeurs Williams étaient huées lorsqu’elles apparaissaient sur un terrain, leurs adversaires Anna Kournikova ou Maria Sharapova posaient déjà en Une des magazines. Pourtant, jamais elles n’ont égalés le niveau de leurs collègues. Pour Madame Figaro, Mélina Robert-Michon, vice-championne olympique du lancer du disque aux Jeux olympiques de Rio en 2016 et vingt-deux fois championne de France, l’affirme : « Celles qui correspondent aux canons peuvent poursuivre leur carrière dans de meilleures conditions. De plus, il y a toujours un regard plus important sur le physique chez une sportive que chez un sportif, à niveau égal… alors que la valorisation de la performance sera toujours prioritaire chez les hommes »
De l’escrimeuse Charlotte Lembach à la judoka Romane Dicko en passant par la patineuse Maé-Bérénice Méité, toutes ont essuyé des remarques sur leur physique, invisibilisant presque leurs performances d’athlètes. Qui aurait pu prédire que, du côté du secteur de la beauté, elles deviendraient justement les ambassadrices des plus grandes marques de cosmétique ? Érigées au rang de top, les sportives de haut niveau disent autre chose de la beauté : être performante, sûre de soi et en bonne santé, c’est ça qui fait de nous une “jolie fille”. Quel que soit leur couleur de peau ou leur silhouette.« On n’est pas là pour jouer un rôle, il ne faut pas se sentir obligées de forcer le trait juste pour dire qu’on est féminines. Le plus important est surtout de montrer la diversité des corps sportifs afin que les jeunes filles puissent s’identifier, » poursuit la lanceuse de disque.
🚨 "Tu prépares les JO de McDo ou de KFC ?"
— GOSSIP ROOM (@GossipRoomOff) July 24, 2024
La championne du monde de judo, Romane Dicko, dénonce les commentaires grossophobes qu’elle reçoit. Elle a tenu à rappeler qu’on peut pratiquer du sport de haut niveau sans être mince. Un beau message ! 💪🥋🇫🇷
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Inspirer le changement
Sephora qui s’associe avec les basketteuses du Toronto Tempo, la tenniswoman Iga Swiatek qui devient le visage de Lancôme, la boxeuse Ramla Ali qui incarne la marque Pantone, Simone Biles qui devient ambassadrice des produits capillaires K18 ou encore Marie Bochet qui rejoint l’écurie L’Oréal, pas de doute : les championnes ont le vent en poupe, et les marques flairent ce besoin d’identification de leurs clientes. Pour Patrick O’Keefe, vice-président du marketing chez elf Beauty, “le sport a le pouvoir unique de rassembler et d’inspirer le changement”. À l’heure où l’empowerement féminin incarne une résistance face au contrôle des corps féminin par la politique (rappelons notamment les différents décrets signés par Trump aux États-Unis au sujet des femmes transgenres), les marques misent sur de nouveaux modèles d’inspiration pour les jeunes filles susceptibles d’acheter chez elles.
Crédit photo : Paula’s Choice
“Nous nous efforçons d’accroître la représentation des femmes dans le sport, de valoriser la voix des athlètes pionnières et de rendre le meilleur de la beauté accessible à tous les yeux, lèvres et visages,” détaille Patrick O’Keefe dans les colonnes d’Hypebae. Du côté de Charlotte Tilbury, qui a est récemment devenu le premier sponsor beauté de la FORMULE 1 ACADEMY, “La beauté et le sport sont de plus en plus étroitement liés, car de plus en plus de marques perçoivent le potentiel et la valeur de ces partenariats.” La fondatrice poursuit : “En tant que fondatrice d’une marque de beauté, il est essentiel pour moi d’accompagner la prochaine génération de femmes dans le sport pour qu’elles deviennent des figures de proue et des actrices du changement”.
Crédit photo : Matt Easton pour Charlotte Tilbury
Devenir des actrices du changement : voilà ce qui semblent motiver les différentes athlètes paralympiques qui ont récemment rejoint le club très fermé des égéries L’Oréal. Une opportunité qui semble ravir l’escrimeuse italienne Bebe Vio, ayant rejoint l’écurie il y a trois ans. “Je suis très heureuse de faire partie de cette famille. Je pense que l’on peut véhiculer des messages, et beaucoup de valeurs dont on ne parlait pas il y a encore quelques années. (…) Chaque personne devrait être fière d’elle-même. Et tout le monde peut être qui il veut être, il faut toujours continuer de se battre pour ses rêves.” Très remarquée, sa signature de contrat avec L’Oréal avait également été l’occasion pour Delphine Viguier-Hovasse, Directrice Générale internationale de L’Oréal Paris, de réaffirmer les valeurs de la marque : “Nous sommes ravis de l’accueillir au sein de la famille L’Oréal Paris pour rappeler aux femmes que croire en sa propre valeur est la plus grande des forces.” Un succès qui a encouragé le groupe à recruter Marie Bochet, skieuse paralympique. “C’est un message fort envoyé au monde entier : la beauté de chacun d’entre nous réside dans sa différence”.
Routine beauté et médailles d’or
Et si la sueur fait partie de leur quotidien, les sportives n’ont pas l’intention de négliger leur apparence. La preuve avec la fameuse retouche beauté de Simone Biles qui, en utilisant la poudre matifiante Fenty lors de la finale de l’équipe féminine de gymnastique artistique des JO de Paris, a fait couler beaucoup d’encre. Oui, elle s’apprête à faire des saltos. Non, elle ne brillera pas face aux photographes lorsqu’elle montera sur le podium. Et Rihanna, toujours en avance, a bien compris que la promotion de sa marque ne se passait pas uniquement sur des set de shooting, mais bien sur le terrain. Ainsi, la chanteusee a profité des JO de Paris pour offrir gratuitement une formation et des kits de maquillage aux 600 volontaires chargés de remettre les médailles aux athlètes lors des Jeux de Paris 2024. Une publicité d’enfer pour celle qui a profité des cinq milliards de téléspectateurs pour promouvoir ses produits, l’air de rien.
La marque Mielle Organics (P&G) a, de son côté, proposé des prestations aux athlètes ayant des cheveux texturés “de se mettre en valeur grâce à des hairstylists qui savent comment les coiffer” avant les compétitions, au coeur d’un salon de beauté installé dans le Village Olympique. “Je suis très fier d’y travailler avec les marques de P&G pour offrir aux athlètes un moment de bien-être et des styles qui les aideront à se présenter avec confiance sur le terrain,” a ainsi déclaré le coiffeur Raphaël Perrier dans un communiqué.
La revanche des sportives
À l’opposé du grand retour de la tendance “heroin chic” (incarné par Kate Moss dans les années 1990), le fait de placarder des visages de sportives sur des devantures de marques de cosmétiques envoie un message fort : non, il ne faut pas souffrir pour être belle. Mais simplement être confiante et en bonne santé. Un nouveau prisme qui encourage non seulement les consommatrices mais également les sportives qui, à l’image de Serena Williams, se détachent de leur simple rôle d’égérie pour devenir des noms qui comptent dans le secteur de la beauté. “Après avoir joué sur le court central devant des millions de personnes, je devais faire de la presse. Il fut un temps où je parlais à la presse tous les jours. Je devais trouver comment je voulais me présenter, mais je n’avais que quelques minutes après un match pour me maquiller,” se souvient la championne dans les pages de Byrdie.
Qui de mieux qu’elle pour comprendre cette angoisse des sportives, dont Simone Biles a fait les frais en se repoudrant ? En avril dernier, la tenniswoman a ainsi lancé WYN BEAUTY, une marque de maquillage “avec laquelle on peut bouger”. “Ma mission pour WYN BEAUTY était de créer un espace dont j’ai toujours rêvé, où la beauté active est célébrée et le maquillage est fait pour bouger. La beauté doit être amusante, une source de confiance supplémentaire qui vous permet de vous concentrer sur tout ce qui compte pour vous. Ce sont des produits pour tous ceux qui savent qu’ils n’ont pas à choisir entre paraître et performer au mieux,” explique la sœur de Vénus, à qui l’on a longtemps reproché ses tresses perlées, ses jupes en jean et ses ongles audacieux.
Fini les diktats, même dans le monde du sport : les athlètes se réapproprient leur narrative, et espèrent embarquer avec elles toute une génération de femmes.
@ilonamaher The perfect @loréal paris usa duo for a game face that can keep up with me all day #LorealParisPartner #LOrealParisMakeup #InfallibleGameFace ♬ original sound – Ilona Maher
28 mars 2025