Le rebranding très skinny et dérangeant de PrettyLittleThing

Finis les BBL ultra-moulés dans des robes courtes : PLT, marque emblématique des années 2010, change complètement de cap pour s’inscrire dans la tendance conservatrice du “quiet luxury”, portée par des modèles toujours plus minces, et toujours plus blanches. La fin d’une ère ? 

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PrettyLittleThing révise complètement son image, qu’elle veut plus chic. Crédit photo : PrettyLittleThing

À en croire le cofondateur de PrettyLittleThing, Umar Kamani, parti pour « mieux » revenir, la marque entre dans “son chapitre le plus captivant en redéfinissant le luxe accessible pour une nouvelle génération”. Le luxe ? Parle-t-on bien de la marque de fast fashion britannique, célèbre pour ses tenues aussi riquiqui que les prix qu’elle pratique ? Entamé en septembre dernier en toute discrétion, le rebranding de la marque devient aujourd’hui bien visible grâce à une nouvelle collection, pensée pour être portée par toutes les wannabe Rosie Huntington-Whiteley et dévoilée lors de la Fashion Week. La mannequin était d’ailleurs l’une des invités de marque de ce lancement, et se tenait aux côtés de Kelly Rutherford, une autre icône du « quiet luxury ». Nouveaux logo, nouveau compte Insta, nouvelle identité graphique, nouveau site et surtout nouvelles silhouettes : c’est simple, PLT est mort. Vive PTL. Sauf que PLT avec ce rebranding confirme que le corps des femmes est bel et bien une tendance.

“Fuck les BBL, fuck les grosses”

Il suffit d’aller sur le site pour s’en rendre compte : couleurs neutres et pièces épurées inspirées du style “old money” semblent avoir remplacé les modèles tape à l’œil et les licornes rose bonbon d’antan. Quoi que. Sur le compte Instagram fraîchement repensé de la marque, les équipes précisent que la licorne, leur inspiration écrivent-ils dans un post Instagram, fait toujours partie de leur muse, parce qu’ils « embrassent l’individualité ». Pourtant, c’est bien l’uniformité qui semble avoir gagné du terrain sur le site de PLT. Et l’image lêchée d’une riche héritière semble bel et bien avoir dégagé celle de la bad bitch auparavant prôné par PLT, à grand coup de cols montant beiges et de jupes crayons.

Un virage à 180 degrés qui ne concerne pas que les vêtements, mais aussi les femmes qui incarnent la marque. En effet, célèbre pour son inclusivité, PLT arrête désormais sa gamme principale au 44, ne proposant presque que des joggings pour les grandes tailles, portées par des mannequins bien moins pulpeux que ce à quoi la marque nous avait habitués. Car si l’ère du Brazilian Butt Lift reste critiquable pour de nombreux aspects (notamment la promotion d’un corps impossible à obtenir sans passer par le case chirurgie), elle avait au moins le mérite de promouvoir des corps plus ronds et d’offrir des modèles sexy aux femmes dépassant le 44. Aujourd’hui, c’est fini : cette même femme célébrée par l’entreprise née à Manchester doit aujourd’hui se planquer derrière des modèles amples et couvrants.“PLT ils ont vraiment dit fuck les BBL, fuck les grosses, nous on est là pour les skinny et les clean girl. (…) Les obèses c’est hors du site, les pécheresses c’est ailleurs, nous ici c’est les vêtements de la bourgeoisie. La diversité, c’est terminé, rangez moi tout ça : ici on est chic, et racistes,” s’amuse à résumer la créatrice de contenu Monsterlool sur TikTok. 

Et si le ton employé par l’influenceuse peut faire rire, le discours, lui, fait plutôt grincer des dents. Car, au-delà du simple changement d’identité, le chemin pris par PrettyLittleThing ne serait-il pas également politique ? En effet, les mots-clés “trad wife”, “old money” et “clean girl” semblent être les trois prompts tapés sur ChatGPT par les équipes de la marque pour définir leur nouvel angle d’attaque. Trois tendances qui envahissent les réseaux sociaux depuis quelques mois – voire années -, et qui puisent leurs racines dans la montée du conservatisme aux États-Unis et en Europe. Que l’on trouve son inspiration dans le vestiaire de la femme au foyer des années 1950, dans le dressing d’une riche (mais discrète)  héritière ou que l’on calque sa routine beauté sur celle d’une femme mince, blanche, à la peau parfaite, aucune de ces influences ne crie “progrès”. Bien au contraire.

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L’ancienne femme plus size PLT face à la nouvelle. Crédit photo : PrettyLittleThing

Des prix plus hauts, une qualité toujours aussi basse

Alors on se prend à espérer que du progrès, justement, il y en a eu dans la conception des nouveaux vêtements imaginés par la marque, qui ressemblent d’ailleurs beaucoup à ceux de l’enseigne Maebe, conçus par Molly-Mae… ancienne directrice créative de PLT. Régulièrement épinglée pour être l’une des entreprises de mode les moins respectueuses de l’environnement au Royaume-Uni – notamment par Forbes qui, en 2023, a placé PrettyLittleThing dans la même catégorie que SHEIN -, PLT ne brille pas non plus dans le traitement de ses employés.

Une étude réalisée en 2020 par Labour Behind the Label a par exemple révélé que les ouvriers travaillant pour le groupe Boohoo (la société mère de PLT) ne touchaient que 3,50 livres de l’heure. En augmentant ses prix (une robe coûte désormais entre 50 et 60 livres, contre 10 à 20 livres en 2023), PrettyLittleThing a-t-elle réalisé des efforts ? “Avant, nous nous efforcions de trouver le produit sur place au prix le plus bas possible. Désormais, nous ne nous concentrons plus sur la vente d’une robe sur place à 4 £, mais sur une robe plus épaisse, non transparente et mieux ajustée”, a avancé Umar Kamani, à Drapers. Finies les promotions à -99% du Black Friday et les robes soldées à 4 pences (soit moins d’un euro) ? 

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Crédit photo : capture d’écran PrettyLittleThing

À y regarder de plus près, rien n’indique que quelconque changement éthique ait été opéré. Une très large majorité de pièces contient du plastique, et les informations sur la provenance des produits sont difficilement accessibles. L’indice de mode éthique GoodOnYou a d’ailleurs souligné que lorsqu’on tente de percer les mystères de PLT, “les choses deviennent un peu floues à mesure que l’on descend dans la chaîne d’approvisionnement”. Finalement, dans la conception, rien n’a l’air d’avoir bougé. Pire encore, les produits rebrandés ont été mis en vente dès leurs sorties avec un code permettant une réduction de 20 à 40 %. Personnellement, on ne connaît pas beaucoup de marques de luxe qui agissent ainsi. 

Alors, on se pose la question. L’apparente qualité ne concernait-elle finalement que les corps ? Mettre une femme pulpeuse et court-vêtue, cela ferait-il tellement mauvais genre que ça risquerait d’impacter les ventes de la marque, qui a pourtant fait son succès sur cette même recette ? Une chose est sûre : à changer aussi drastiquement d’identité, PLT envoie le même message dangereux qu’à son arrivée sur Internet. Le corps ne serait ni plus ni moins qu’une mode, aussi interchangeable qu’un sac à 20 balles. 

7 mars 2025

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