Un ftour avec Nike pour parler jeûne et performance sportive pendant le Ramadan

Deux apprenties runneuses ont profité des conseils de Rouguy Diallo et Sarah Bee, deux athlètes professionnelles appartenant à l’écurie Nike, pour allier jeûne et sport à l’occasion d’un ftour organisé par ANCRÉ. 

À droite l’athlète professionnelle Rouguy Diallo
Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

Peut-on être une sportive de haut niveau et pratiquer le Ramadan ? C’est à cette question que Nike a voulu tenter de répondre en invitant deux de ses athlètes de haut niveau, qui conjuguent performance et jeûne une fois par an, spiritualité et sport tout le reste de l’année, à l’occasion d’un Ftour. Autour de la table, Sofia et Marie Aaliyah qui participeront le 15 mars prochain à la “Sine Qua Non Run” sponsorisée par la virgule. L’occasion de briser le tabou autour du Ramadan et du sport avec les conseils de la championne d’athlétisme Rouguy Diallo et de la breakdanceuse Sarah Bee. Et de parler aussi de ce que c’est d’être une sportive musulmane en France.

Depuis de nombreuses années, Nike s’engage pour promouvoir une pratique du sport inclusive, qui dépasse les contraintes et assignations de genre, d’origine ou de religions.

ANCRÉ a organisé un ftour pour permettre à des runneuses amateures de bénéficier de conseils de sportives professionnelles de l’écurie Nike qui jeûnent
Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

Tu n’es pas seule

“Quand on m’a dit qu’on allait faire un ftour avec Nike et ANCRÉ j’ai trouvé que c’était un truc de ouf ! Ça prouve que la parole se libère, que l’on peut vraiment parler de qui on est publiquement”. Spécialiste du triple saut et membre de l’équipe de France d’athlétisme, Rouguy Diallo a en effet longtemps eu peur de s’exprimer “au sujet de la religion, parce qu’on peut facilement t’étiqueter, qu’on peut perdre des contrats. Alors que ça devrait être un non-sujet”. Dès lors, comment d’aspirantes sportives, elles-même concernées par le jeûne, peuvent-elles s’identifier, être sûres d’adopter les bons gestes ou trouver des réponses à leurs questions ? En bref, avoir le sentiment de ne pas être isolées durant cette période ?

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Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

“On est vraiment loin d’être seules. Je le sais parce que quand on parle entre athlètes, on se rend vite compte qu’on est nombreux à vivre la même chose,” poursuit Rouguy Diallo avant d’être rejointe par Sarah Bee, championne de breaking : “C’est un peu comme les règles finalement ! Un truc super tabou dans le milieu sportif, qui met mal à l’aise les autres. Sauf que de ne jamais en parler, ça crée de l’ignorance.” Se taire et faire avec, les deux professionnelles le font depuis leurs premières années de sportives. “À l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance, par lequel les deux sportives sont passées, ndlr), personne ne va te dire comment manger le matin et comment manger le soir, comment adapter tes entraînements. Personne ne va venir checker ton état, voir si tu manques de quelque chose, vérifier si tu dois faire des prises de sang, si tu manques d’énergie… Il n’y a pas ce suivi-là dans le milieu sportif.”  Alors que ce centre qui forme les plus grands champions de France compte de nombreux athlètes musulmans.

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Le Ftour est le repas après le coucher du soleil durant lequel les musulmans cassent leur jeûne
Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

Alors évidemment, comme les occasions de parler de sa foi dans le sport se font rares, nos invitées n’ont pas manqué l’occasion de venir écouter ces deux grands noms du sport français. “Quand on nous a proposé de participer, j’ai sauté au plafond, j’étais la plus heureuse !,” avoue Sofia, tout sourire, “Parce que j’avais tellement de doutes et de peurs au sujet d’allier jeûne et sport. Pour moi, ce n’était vraiment pas compatible. Mais quand je me suis rendue compte qu’il y avait des sportives professionnelles qui jeûnaient comme moi, j’ai réalisé que c’était possible de faire le Ramadan et d’avoir une vraie activité physique. En parler, c’est libérateur, mais écouter, c’est quelque chose qu’on oublie de faire de temps en temps, et pourtant, c’est tellement important !”

Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

Alimentation, rythme de sommeil, hydratation, entraînements, apprentissage de sa foi… Pendant le Ramadan, le quotidien de l’athlète est perturbé. “Physiquement, je suis quand même éprouvée. Mais mentalement, tu es tellement apaisée… Et ça change aussi ton rapport à la compétition, avance Sarah Bee, Je me mets moins la pression parce que je relativise beaucoup plus, je me concentre sur ce qui est le plus important. Et ça permet également de se rendre compte qu’on a tendance à oublier pourquoi on pratique notre sport au final. Ce mois me permet de me concentrer sur l’essentiel, et ça me donne de la force.” 

Respecter la culture mais trouver sa nouvelle façon de manger

Pourtant, même si elle avoue être plus détachée face à la performance, Sarah Bee doit tout de même adapter son rythme à celui du mois saint. “En compétition, je ne jeûne pas. Mais par contre, avant, je jeûne. Donc je garde quand même des séquelles de la journée de la veille, il faut donc bien réhydrater mon corps.” En effet, pour la breakdanceuse qui a participé aux phases finales de sélection pour les JO de Paris 2024, “le plus dur ce n’est pas la faim, c’est la soif, mais aussi la charge psychologique”. La danseuse détaille : “Tout mon emploi du temps est un peu chamboulé. Cette charge me pèse aussi. Au niveau du besoin d’hydratation que j’ai pour le break, il faut que je réfléchisse beaucoup. Je suis très fatiguée si je ne bois pas.” Pour cela, elle tente de s’hydrater énormément, “mais pas pendant les repas. C’est vraiment tout au long de la nuit, et le matin. J’essaie de boire trois litres, mais sur la durée, pour ne pas aller directement aux toilettes et bien hydrater mon corps. Je mets du citron dans mon eau, je me fais des infusions… Tout pour essayer de boire le plus possible”.

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Maria Aaliyah et Sofia font partie du nouveau Women Running Club de Nike
Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

Du côté de Rouguy Diallo, c’est la gestion du sommeil et « des remords » de ne pas avoir réussi toujours à jeuner qui est l’aspect le plus compliqué de son Ramadan : “Je suis une grosse dormeuse. Et pendant le Ramadan, j’essaie de dormir moins, même la journée, car je n’ai pas envie d’avoir la sensation de tricher ou de ne pas vivre mon mois pleinement. Je me lève tôt, pour toutes les prières. Mais entre-temps, je fais quand même des siestes et une fois que j’ai coupé, je me repose aussi. Je dois aussi faire face aux remords que je peux ressentir de ne pas avoir réussi à jeuner quand je suis en stage d’entrainement par exemple ».

Du côté de nos runneuses, tout est encore à découvrir : “Personnellement, c’est la première année où j’ai une activité sportive en même temps que le Ramadan. Alors du coup, j’essaie de ne pas zapper les petits déjeuners, je mange beaucoup d’overnight oats (sorte de muesli aux flocons d’avoine), et ça me cale jusqu’à 16h30. Les repas du matin, que je ne prenais pas habituellement, c’est vraiment la chose que j’ai essayé de mettre en place.” Une routine également adoptée par Marie Aaliyah : “En temps normal, je ne mange jamais le matin. Mais cette année, je me suis vraiment forcée à le faire, je mange beaucoup d’Energy Bowl, avec des dates, du cranberry, de la menthe… Car si il y a bien un truc qui a changé mon Ramadan, c’est d’en apprendre plus sur les aliments”.

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Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

En effet, à écouter les jeunes filles présentes autour de la table, leurs ftours n’ont rien à voir avec les repas gargantuesques préparés toute la journée par nos mères en prévision du soir. “Ce n’est pas normal d’avoir une table avec des lasagnes, des briques, des frites, du coca…, rigole Marie Aaliyah, rejointe par Sofia, « Culturellement, j’ai toujours coupé le jeûne avec des choses plutôt grasses et sucrées mais j’ai appris que ce n’était pas ce qui était le plus adapté pour nourrir un corps à jeun. Du coup, le débat s’ouvre forcément à table avec ma famille sur une nouvelle éducation alimentaire ». Il faut « adapter ses objectifs sportifs à son Ramadan. En alliant le familial, le culturel et mes performances. Et il faut que tout m’aille.« , acquiesce Sarah Bee.

Écouter son corps… et son esprit

Pour Sofia, impossible également de penser son mois sans notions de diététique. “Le Ramadan, je le considère comme un mois de reset. Tu reprends tout à zéro, explique Sofia, Quand tu jeûnes, il n’y a presque plus rien dans ton corps. Alors c’est l’occasion d’apprendre à te nourrir avec de bons aliments. Évidemment parfois on a envie de manger des briques bien grasses, mais pour assurer une bonne performance sportive, ce n’est pas ce qu’il faut. Alors j’essaie de faire aimer à mon corps de bons légumes”. Pour s’imposer cette éducation, la runneuse nous explique avoir regardé beaucoup de contenus à ce sujet, et se souvient notamment d’une vidéo en particulier. “C’était une interview du médecin Jimmy Mohamed par Hugo Décrypte où il expliquait que la société nous avait retiré notre habileté à nous écouter. Pour vraiment prendre le temps, j’essaie aussi d’apprendre à mâcher. On ne mâche plus, on est en train de tout gober. Mais la digestion elle passe par là !« .

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Après le repas, les athlètes, les runneuses ont pu échanger sur l’importance du Ramadan lors d’un talk animé par ANCRÉ
Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

Un constat qui s’explique, pour Marie Aaliyah, par la “peur de manquer”. “Aujourd’hui, c’est la course à la nourriture. Comme si on avait peur qu’il n’y en ait plus. En plus, il y a aussi les réseaux et le fait de manger le truc à la mode. On fait des queues de fou pour manger un trompe-l’oeil ou boire un latte. Et c’est un peu pareil avec l’ancienne manière de casser le jeûne : c’est comme si on avait peur de manquer, on veut tout avaler. Et on se rend malade.” 

Apprendre à s’écouter, Rouguy Diallo et Sarah Bee n’ont pas d’autre choix que de le faire, et de trouver des astuces pour tenir le rythme. La championne de breakdance est d’ailleurs son propre coach, et doit donc redoubler de vigilance. “Je ne veux pas mettre ma santé en danger. Je m’entraîne comme je veux, à l’heure que je veux, le temps que je veux. Alors j’adapte, selon le mois, et la manière dont je me sens. Pendant le Ramadan, je m’entraîne le soir afin de pouvoir m’hydrater ». De son côté, Rouguy Diallo nous avoue ne pas être “quelqu’un qui mange énormément”. “Du coup, que ce soit en dehors ou pendant le Ramadan, j’ai toujours dû compenser ce que je n’arrivais pas à manger par des compléments alimentaires. Pendant le Ramadan, même si je ne m’entraînais pas le week-end et que je jeûnais, il fallait quand même que je prenne mes compléments pour éviter les carences”.

À droite, la championne de France de Breakdance Sarah Bee
Crédit photo : Diaspora / ANCRÉ

Pour elle, il est de notre devoir de nous connaître nous même et de nous éduquer. “Que ce soit sur la façon de s’alimenter pendant le Ramadan ou de pratiquer ta religion, c’est toi qui doit te connaître par cœur. Parce que ta foi, c’est entre toi et Dieu. Pareil pour ta façon de t’alimenter : personne ne va ressentir ce que tu ressens dans ton ventre. Tout doit venir de toi-même, même si tu es accompagnée à certain moment. C’est ta propre démarche, tu dois être ton propre coach. C’est ton corps, c’est ton Ramadan.”

My body, my Ramadan. Que l’on soit sportive, ou non.

Article en collaboration avec Nike

Crédit :
Production ANCRÉ
DA : Hanadi Mostefa
Journaliste : Zoé Térouinard

Photographes : Sara Krzyżaniak  Emna Jaïdane / Diaspora
Chargée de production : Flora Dibotti
Assistante de production : Kinzy Geneviève
Stylisme : Moonira Moeqrie
Styliste de table : Gaëlle Mancina
Cheffe : Marjane Bouazdi
Sales : Souvanna Aly

Remerciement spéciaux : Nicolas Serres, Léa Pluton et Maud Bonnet

9 mars 2025

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