Sale temps pour « les filles de » dans le mannequinat

Après les déclarations de l’actrice, modèle et nepo baby Lily Rose Depp, qui expliquait en avoir marre d’être définie par ses privilèges, de nombreuses mannequins, menées par la top model Vittoria Ceretti, manifestent leur colère.

Crédit photo : Felix Cooper / ELLE US

Il fallait bien que ça arrive un jour. L’industrie de la mode a toujours été élitiste, en intégrant souvent dans ses rangs les enfants de personnes célèbres, puissantes, ou déjà établies dans le milieu. Ce népotisme, très commun, est de plus en plus connu et contesté. Notamment depuis l’arrivée de profils comme les sœurs Hadid, Kendall Jenner et autres, dont les profils sont très scrutés et les arbres généalogiques accessibles en deux clics sur Google. C’est ce qu’on appelle les nepo-baby, contraction du mot népotisme et bébé. Communément aussi appelé en français : fille de ou fils de. Autrement dit, des enfants de stars qui auraient eu tout pour réussir.

Qu’est-ce qu’une népo-baby et quels sont leurs privilèges ?

Si ce statu quo n’est pas nouveau, Lily Rose Depp, 23 ans, fille de Johnny Depp et de Vanessa Paradis, actrice et mannequin (ambassadrice Chanel comme sa mère), a visiblement eu les mots de trop dans une interview avec le Elle US, où elle affirme : “Ça me paraît étrange de réduire quelqu’un au fait qu’il n’est là que parce que c’est une chose générationnelle. Cela n’a tout simplement pas de sens.”. Avant d’ajouter : « Si le père ou la mère de quelqu’un est médecin, et que son enfant le devient, on ne va pas lui dire : « Tu es médecin uniquement parce que tes parents le sont ». C’est plutôt : « Non, j’ai fait l’école de médecine et je me suis formé. ». Des propos jugés déconnectés de la réalité : venir d’une famille surmédiatisée et proche des industries où elle travaille lui aura permis de contourner de nombreux obstacles, en ayant beaucoup plus de contacts, de privilèges économiques, ou une notoriété acquise.

Le fait que Lily Rose Depp nie le coup de pouce donné par sa naissance a fait bondir ses collègues aux origines plus modestes, à commencer par Vittoria Ceretti. À 24 ans, cette italienne travaille régulièrement pour Vogue, Chanel, Prada, Fendi…. Fille d’une mère au foyer et d’un père chef d’entreprise, elle n’a pas baigné dans le monde de la mode. Alors quand Lily Rose Depp parle de rejet, elle lui réplique immédiatement : “Tu peux me raconter ta triste petite histoire à ce sujet (même si à la fin de la journée tu peux toujours aller pleurer sur le canapé de ton père dans sa villa à Malibu), mais que dirais-tu de ne pas pouvoir payer ton vol de retour pour aller retrouver ta famille ? Attendre des heures pour faire un essayage /passer un casting juste pour voir un nepo baby passer devant toi depuis le siège chaud de sa Mercedes avec son chauffeur et son ami /assistant /agent prenant soin de SA SANTÉ MENTALE”.

Une déclaration sans langue de bois, qui a déclenché le témoignages d’autres modèles, et le soutien de beaucoup d’autres de l’industrie. “J’ai déménagé sans rien à New York, si ce n’est avec ma dette étudiante et 30 dollars que ma grande sœur m’avait donné.”, décrit par exemple la mannequin américaine Anok Yai née au Caire, et d’origine sud-soudanaise. “Je sais au plus profond de mon cœur qu’au moins 95% de ces nepo babies n’y arriveraient jamais s’ils n’étaient pas des nepo babies.” affirme de son côté Gizele Oliveira, originaire d’une petite ville brésilienne et suivie par 1,4 millions d’abonnés. Et cette colère, partagée par des dizaines de mannequins, n’est pas là pour rien.

Le mannequinat : un métier violent

La fureur des collègues de Lily Rose Depp peut s’expliquer par le fait que construire une carrière de mannequin quand on n’est pas née privilégiée peut s’avérer violent. Grossophobie, maltraitance, racisme, harcèlement sexuel, précarité… Les dangers du métier sont connus de toustes en 2022, et régulièrement répertoriés par des comptes comme Shit Model Management. Si le sujet du bien-être des mannequins est de plus en plus évoqué, et que des organisations comme Model Alliance ou l’agence Elytiz défient la norme, les maltraitance restent communes. Une situation dont les nepo babies ne sont pas responsables, mais qui peut expliquer l’exaspération de leurs collègues quand elles refusent de reconnaître les privilèges qui les protègent, au moins partiellement.

Des mannequins comme Zinnia Kumar et Nyagua Ruea ont soulevé un autre aspect du problème : si les modèles de type caucasien issus de milieux modestes sont discriminés face aux nepo babies, les modèles racisés souffrent d’une double discrimination face aux népotisme et au racisme. “Tout en comprenant d’où parle Vittoria et en étant complètement d’accord avec elle, je vais parler au nom de mes collègues noires/africaines. Notre réalité est complètement différente, car je ne pense pas que la moindre mannequin noire ait bénéficié du népotisme.” précise Nyagua Ruea.

Des propos qui ne passent plus en 2022

La polémique causée par cette interview dépasse les cercles de la mode. Des centaines de milliers de personnes ont liké le post de Diet Prada soutenant Ceretti et partagent leur indignation sur les réseaux. Les internautes sont notamment choqués par la phrase sur les enfants de médecin. En plus de contester à peu près toutes les études en sociologie jamais produites, la vision de Lily Rose Depp se heurte au contexte économique actuel. Avec la crise du COVID, la guerre en Ukraine et l’inflation qui en découle, de nombreuses personnes prennent vivement conscience des inégalités financières dans nos sociétés et réagissent mal quand l’enfant de deux stars internationales minimise ses privilèges.

Peu importe que Lily Rose Depp fasse bien son travail ou pas, elle a eu des facilités pour accéder à sa carrière, et ses collègues sont nombreuses à demander qu’elle l’admette simplement. Vittoria Ceretti conclut : “J’ai plein d’amies nepo babies que je respecte, mais je ne peux pas supporter de vous entendre vous comparer à moi. Je ne suis pas née sur un oreiller confortable, avec une vue luxueuse. Je sais que ça n’est pas votre faute, mais s’il vous plaît, appréciez, et admettez, d’où vous venez ».

24 novembre 2022

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