Rencontre avec l’Américaine à l’occasion de son passage à Paris pour la Fashion Week.
Crédit photo : Pete Casta pour ANCRÉ
« Je suis Joy Allen Altimare. Je suis la CMO monde de Saucony ». C’est avec ces mots que la nouvelle recrue de la marque américaine nous reçoit, au cœur du pop-up Saucony déployé à l’occasion de la dernière Fashion Week parisienne. Ravie de présenter son nouveau titre, Joy Allen Altimare nous l’avoue : elle a un « parcours vraiment atypique » qui ne la prédestinait pas à obtenir ce poste. « J’ai commencé dans la publicité, j’ai travaillé dans de grandes agences comme Ogilvy ou Publicis et puis je suis entrée dans le monde du capital-investissement environ 10 ans après avoir fait mes armes dans la pub, se souvient-elle, J’ai travaillé avec des entreprises soutenues par des fonds de capital-investissement pour aider à créer des organisations marketing au sein de leurs entreprises. Ensuite, j’ai retrouvé le chemin des agences chez Havas, et l’un de nos clients était Wolverine, la société mère de Saucony ». Une collaboration se dessine alors. « Je travaillais de manière étroite avec eux, afin de les aider à mieux performer. De fil en aiguille, c’est ce qui m’a amené à obtenir le poste de CMO ».
C’est quoi un CMO ?
Un début inhabituel dans un monde où les recrutements se font majoritairement en interne. Mais, pour Joy Allen Altimare, c’est justement cette position d’outsider qui l’a aidée à arriver là où elle en est aujourd’hui. « J’ai commencé en dehors de l’Industrie de la chaussure. Et, au niveau stratégique, je pense que c’est une bonne chose du point de vue de l’entreprise. Parce que cela permet d’apporter des perspectives différentes. En tant que marketeur, nous sommes tous universellement connectés si nous pensons d’abord au consommateur ».
Chargée de la conception et de la mise en œuvre des initiatives mondiales de Saucony, Joy Allen Altimare devra piloter le positionnement de la marque, les stratégies de vente directe aux consommateurs, la pub, les différentes stratégies numériques, les initiatives de croissance internationale et l’élargissement de la ligne de produits lifestyle. « Je dois m’assurer de conserver l’approche unique de Saucony dans tout ce que nous faisons, surtout dans notre façon de nous adresser au marché aux États-Unis, au Canada, en EMEA et en APAC. Je m’assure vraiment que nous ayons une connexion universelle sur la façon dont le consommateur interagit avec la marque. Aujourd’hui, nous souhaitons connecter lifestyle et performance, la performance étant notre héritage, le lifestyle étant ce pourquoi nous sommes vraiment connus en EMEA. Ça, c’est vraiment ma première responsabilité. » Une responsabilité principale, certes, mais qui est loin d’être la seule. « Mon rôle, c’est de penser à l’expérience consommateur, en étant le plus engageant, en leur parlant, en racontant de belles histoires, en leur transmettant notre amour de la marque, en m’assurant que nous restons respectueux de notre héritage ».
Femme, mère et boss
Une définition englobante que nous souhaitons creuser. Malheureusement, Joy Allen Altimare, elle, ne peut pas nous donner de journée type dans sa vie tant son quotidien est varié. « C’est ce que j’aime dans ce rôle : c’est qu’il est imprévisible dans le sens où chaque jour n’est pas le même, sourit-elle, Je suis bien plus inspirée par ce que je ne peux pas prévoir, et la manière dont cela va façonner mon quotidien. Mais si je devais décrire un semblant de journée type, disons que je suis mère, donc je me lève en premier dans la maison. Ensuite, une fois que je me suis assurée que tout va bien dans mon foyer, je fais un peu la même chose dans mon travail : je m’assure de penser au déroulée de la journée, quelles sont les réunions essentielles, quels sont les évènements auxquels je dois participer, quels sont nos objectifs etc. Comme toute entreprise, nous avons un calendrier et nous devons nous assurer d’atteindre des jalons clés ». Un peu comme elle regarde sa famille grandir, Joy Allen Altimare s’assure de l’avenir prospère de son entreprise. « Mon travail est de réfléchir à la façon d’être percutant aujourd’hui, mais aussi de construire des choses pour le futur. »
Rapidement, lors de notre échange, la question de la féminité à un poste à haute responsabilité se pose. Même si, en 2025, elle ne devrait plus être posée. « Heureusement, le monde change, amorce la directrice mondiale du marketing de Saucony, Mais quand nous regardons les grands PDG d’entreprises, ce ne sont généralement pas des femmes. Il en est de même pour mon poste : les CMO ne sont généralement pas des femmes. Alors oui, les choses changent, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. » Grâce à de fortes têtes comme Joy Allen Altimare, la future générations d’ambitieuses à un modèle, qui n’est « pas uniquement une des rares CMO, mais aussi une femme de couleur », comme elle tient à le souligner. Et ça, pour notre interlocutrice, c’est loin d’être un détail.
Inclusion et sororité
« Mon père vient de la Jamaïque, je viens d’un milieu modeste. Cela peut paraître simple, mais si vous voulez vraiment arriver quelque part, il faut y croire, quelque soit votre origine ou votre parcours. Il faut se fixer des objectifs et les suivre, coûte que coûte« .Si elle estime « ne pas être prédestinée à être là où [elle en est] aujourd’hui« , Joy Allen Altimare a de plus grandes ambitions pour ceux que l’on a trop longtemps mis de côté, les femmes en tête file. « Le travail fourni par les femmes et les alliés masculins ces dernières décennies m’a permis d’être assise à ma place aujourd’hui. Mais ce que j’aimerai voir maintenant, c’est que la façon de penser des sociétés soit plus intentionnelle. Non seulement dans l’embauche des femmes, mais aussi dans leur intégration lorsqu’elles parviennent enfin à atteindre ces postes. Il ne suffit pas de dire “Regardez, nous embauchons plus de femmes”. Il faut prononcer leurs noms quand elles ne sont pas dans la pièce. Penser à leurs besoins qui peuvent être différents des hommes. Et les respecter, quelque soit leur position dans l’entreprise. En ce sens, je pense que Saucony fait un excellent travail ». Pour elle, le bon développement d’une société passe avant tout par ses équipes, qui doivent évoluer dans « un environnement accueillant, qui s’assure que tous les genres parlent de la même façon, à la même table ». Elle va même plus loin : « D’expérience, le business est meilleur lorsque vous avez un groupe diversifié de personnes qui travaillent, d’origines, de genres, d’orientations sexuelles différents ».
Alors pour encourager cela, notre interviewée du jour a la solution : « Je pense qu’il est essentiel, si vous êtes une femme, de vous rappeler qu’il y a toujours de la place pour nous toutes. Vous n’avez pas à être seule à la table. Ne soyons pas intimidée par une autre femme, n’ayez pas peur qu’elle soit plus intelligente ou plus forte. Collaborez, élevez-vous ensemble. On a trop eu tendance à s’opposer les unes aux autres, mais si j’en suis là aujourd’hui, c’est aussi parce que j’ai pu m’appuyer sur un groupe de femmes extraordinaires ». Alors quand on lui demande si elle a un dernier conseil à donner à de jeunes filles qui voudraient marcher dans ses pas, elle n’hésite pas une seconde : « Si vous voulez aller loin, vous pouvez soit y aller seule, soit y aller avec d’autres. Vous verrez : vous irez plus vite et vous vous amuserez vraiment plus ! »
10 juillet 2025