Décrédibilisée durant les JO, la boxeuse algérienne enchaîne désormais les couvertures prestigieuses. Opportunisme de la part des médias ou réelle mission de sauvetage ?
Le 15 novembre dernier, M, le magazine du Monde titrait : “La boxeuse Imane Khelif, naissance d’une égérie”. Cover-girl du jour, la boxeuse de 25 ans se tient fière dans un ensemble rouge Balenciaga, les mains dans les poches et le regard planté droit dans la caméra. Pourtant, ces derniers mois, on a essayé de la faire taire Imane, de la sortir du paysage, de la décrédibiliser, de l’ébranler par tous les moyens. Car même si elle a fait la fierté de tout un continent en devenant la première boxeuse africaine à décrocher un titre olympique, la championne algérienne a dû faire face à une vague de haine sans précédent suite à ses performances.
Elle arborerait le “sourire narquois d’un homme” pour J.K Rowling (auteure de la saga Harry Potter reconvertie en militante antitrans), et n’aurait rien à faire dans un “sport féminin” pour Donald Trump. Pourtant, alors que sa féminité a été remise en cause, elle incarne, pour Vogue Arabia dont elle a fait la couverture au début du mois, “une nouvelle ère de la beauté”. Où quand la mode fait son job. Celui d’aider à la réhabiliation de femmes insultées.
La quête d’un modèle populaire
Loana, Nabilla et Zahia chez Jean-Paul Gaultier, Yseult chez Balenciaga ou L’Oréal Paris, Aya au MET Gala et première cover-girl de Vogue France… Autrefois boudées, voire ridiculisées, elles ont toutes trouvé un second souffle grâce à la mode. Trop femme, pas la femme qu’il faut, pas assez femme : tout avait pourtant été mis en place pour les exclure de la sphère médiatique institutionnelle et encourager un lynchage organisé sur les réseaux sociaux. Mais alors, si tout le monde s’accorde à les détester, pourquoi la fashion-sphère aime-t-elle tant les outsiders ?
“En tant que femme musulmane et algérienne, Khelif représente une nouvelle génération qui défie les stéréotypes et brise les barrières. Elle est saluée pour la façon dont elle allie force et féminité, reflétant une nouvelle ère de beauté”, rappelle Vogue Arabia. Même son de cloche pour Lancôme, qui, en 2023, faisait d’Aya Nakamura son égérie mondiale, car elle “est un véritable modèle pour toute une génération”, selon Françoise Lehmann, présidente internationale de la marque. La quête d’un modèle générationnel serait-elle en train de guider les grands groupes ? Car si l’atypique a toujours séduit, au moins depuis Grace Jones et les années 1980, les discours autour de l’impact populaire d’une égérie semblent être relativement neufs et chaque marque tient à être la première à mettre la main sur l’égérie de demain. L’important ? Faire parler, bien sûr.
@dazed This is an Imane stan account! 🥊 #imanekhelif #bottegaveneta #tiktkfashion #mfw ♬ sonido original – SHIX_2by
Opportunisme ou réelle mission ?
En 2020, Calvin Klein connu pour ses campagnes sulfureuses aux corps longilignes et sculpturaux, opère un virage à 380 degrés et choisit Jari Jones comme égérie, une mannequin transgenre, noire et grande taille, en plein mouvement Black Lives Matter. “Je pense que le fait que je sois visible et mise sur une plateforme aussi grande, c’est une forme d’activisme« , détaille-t-elle dans une interview pour Yahoo. « C’est important parce que la mode et l’industrie médiatique dictent énormément la manière dont la société va fonctionner”. La mode serait-elle le nouveau porte-étendard de la diversité ? À en croire le manque de mannequins grandes tailles sur les podiums de la dernière Fashion Week de Paris et le manque de diversité ethnique en couverture des magazines, rien n’est moins sûr. Se prendre de fascination pour une personnalité en dehors des standards, est-ce seulement intéressant lorsque cette dernière est une célébrité ? Et surtout, est-ce suffisant pour ne pas poursuivre ses efforts une fois le shooting terminé ?
Pour Imane en tout cas, l’autre combat a été gagné, celui de se faire respectée en dehors du ring. Elle rend désormais les coups sur papier glacé. Tout aussi classe.
18 novembre 2024