Ça veut dire quoi avoir les cheveux hrach ?

Entre défrisages et acceptation de soi, sept jeunes femmes racontent leurs relations avec ce terme et ce que signifie avoir les cheveux texturés quand on est d’origine nord-africaine.

De gauche à droite : Lila, 22 ans, d’origine marocaine et Ines, 24 ans, d’origines marocaine et algérienne
Crédit photo : Sandra Dibansa/ANCRÉ

Pouvant être traduit par «rugueux», le mot arabe issu du darija «hrach» n’a pas bonne réputation. «Ça veut dire sec, il faut toucher pour savoir ce que sont les cheveux hrash. C’est comme de la paille.», nous annonce Lila, 22 ans, avec le sourire.

Désignant aussi bien des cheveux bouclés ou ondulés difficiles à coiffer que des cheveux davantage texturés – malgré sa connotation extrêmement péjorative – hrach est également l’un des rares termes faisant référence aux cheveux frisés et crépus des personnes nord-africaines. Ainsi, entre problématiques communes à celles des communautés noires et culture du cheveu lisse, difficile pour ces femmes de se sentir pleinement représentées. Surtout quand elles sont la plupart du temps exclues des prises de paroles sur les cheveux afro. Rencontre avec celles dont les chevelures ont trop souvent été définies par ce terme lourd de significations.

Un terme qui en cache pleins d’autres

Lila : « Avec l’âge et la maturité, je suis hyper contente d’avoir ces cheveux-là. »
Crédit photo : Sandra Dibansa/ANCRÉ

«Pour moi, mes cheveux sont hrash dans le sens où le mot hrash veut dire un aspect différent des autres, quelque chose d’assez sec qui a besoin de beaucoup de nutrition, beaucoup d’hydratation.», confie Ines, 24 ans, d’origine marocaine et algérienne. Pourtant, beaucoup de jeunes femmes se détachent de ce terme «utilisé de manière très péjorative au Maghreb», comme l’explique Amelle avant d’ajouter : «même le mot en lui-même je ne l’aime pas».  Une réflexion que porte également Nora qui ne définit plus ses cheveux comme hrash car «ça a une connotation bien trop négative et puis souvent ça s’accompagne de « tu devrais les lisser »».

«Je n’ai jamais vraiment su ce que ça voulait dire littéralement mais dans le contexte dans lequel je l’entendais je déduisais de sa signification. C’est souvent les tantes ou la famille éloignée qui nous disent de « coiffer » et « discipliner » nos cheveux. C’est une expression que je n’aime pas beaucoup.», confie Sofia, 21 ans, qui aujourd’hui arbore avec fierté ses cheveux au naturel.

En plus des pressions capillaires, être une femme d’origine maghrébine avec les cheveux texturés c’est aussi subir des clichés à de nombreuses échelles, «Une femme nord-africaine ou arabe avec des cheveux frisés ou crépus c’est inhabituel et challengeant pour certains. La différence éveille leurs désirs et nous réduit à un corps, pire encore : un objet.», explique ainsi Messaouda, 27 ans, originaire de Boussada en Algérie. Une constatation que partage Sarah en soulignant qu’«il y a une double fétichisation car on me perçoit comme une femme noire de par ma couleur de peau et ma texture de cheveux, mais dès que je dis que je suis d’origine marocaine, il y a tous les clichés autour de la beurette qui viennent s’ajouter. Je cumule une double, voire triple peine parce que je suis une femme.».

Des problématiques similaires à celles des personnes noires

Sarah, 28 ans, d’origine marocaine : « Je me sens concernée quand on parle de cheveux afro. »
Crédit photo : Sandra Dibansa/ANCRÉ

Outre cette fétichisation, de nombreux aspects font coïncider les difficultés que rencontrent les femmes nord-africaines à celles des femmes noires, «ça se rejoint les problématiques des cheveux d’Afrique noire et du Maghreb », acquiesce Lila. Si la jeune femme s’est défrisée les cheveux pour la première fois à 9 ans, c’est aussi vers le même âge que Nora y a songé : «Dès la primaire je suppliais qu’on me les défrise, ma mère m’a écouté une fois, on l’a fait en Algérie, je m’en souviens encore». Une expérience de vie partagée par Sarah : «Comme pas mal de femmes d’origine maghrébine, j’ai passé toute mon enfance et adolescence à me défriser les cheveux, à essayer de ressembler aux autres».

Ce sont ces histoires communes qui font que Amelle, 24 ans, métissée marocaine, togolaise et béninoise, se sent incluse dans les discours d’acceptation portant sur les cheveux afro. «Je me dis purée mais on est toutes comme ça, on vit vraiment les mêmes choses. Ce sont des discours où je me suis tellement retrouvée surtout via la musique avec des artistes comme Solange Knowles». Du côté de Messaouda, ce sentiment d’appartenance relève plutôt du choix : «Je me sens incluse dans les discours portant autour des cheveux afro parce que j’ai décidé de le ressentir ainsi, c’est une question de définition, le jour où j’ai nommé mes cheveux avec le terme « afro » tout a changé, et pas que dans mon rapport à mes cheveux, mais aussi et surtout dans mon rapport à moi-même». Si la plupart se sentent concernées lorsque l’on parle de cheveux afro, Sofia nuance le propos, «on a fait un grand chemin sur l’inclusion de tous les type de cheveux, mais je ne me sens pas incluse à 100%».

Une invisibilisation des personnes nord-africaines aux cheveux texturés

Ines à propos de ses cheveux :  » C’est ce que je préfère le plus chez moi et c’est la chose dont je prends le plus soin. »
Crédit photo : Sandra Dibansa/ANCRÉ

La représentation médiatique des personnes maghrébines ayant les cheveux afro «est rare et récente, car les croyances populaires n’incluent pas l’existence de cheveux crépus et frisés chez des populations autre que les personnes noires.», affirme Sofia. Lila, elle, prend en exemple les lynchages répétés de Léna Situations lorsqu’elle porte ses cheveux au naturel, «même les rares personnalités publiques qui ont les cheveux hrash, qui ont les cheveux bouclés, elles abdiquent. Ce qui fait qu’il y a moins de visibilité sur cette texture de cheveux», nous confie t-elle. Toutefois, un manque de représentation ne signifie pas une invisibilisation complète pour autant. Nora remercie l’impact positif des réseaux sociaux, en prenant elle aussi l’exemple de Lena Situations qui a monté les marches de Cannes avec son afro il y a quelque temps. «Plus petite dans les dessins animé les seuls cheveux bouclés étaient « métisses » alors j’avais du mal à m’identifier», enchérit-elle, avant de remercier Léna Situations d’avoir fait ce choix de coiffure «pour les mini nous qui n’avaient aucune représentation».

Du côté des soins apportés aux cheveux, les influenceurs ont aussi leur rôle à jouer. Selon Ines, sur les réseaux sociaux «ce sont beaucoup plus les filles noires qui vont être représentées que les filles arabes. Les filles arabes vont plus être sur le lissage – ce qui est davantage culturel – que sur les boucles». D’où l’importance mais aussi le succès de jeunes femmes comme Kenza Bel kenadil aux 260 000 abonnées sur Instagram et qui déconstruit les clichés autour des cheveux arabes. «Elle a des origines maghrébines, c’est la seule fille sur les réseaux que je connais qui va t’expliquer tout ce dont tu as besoin pour tes cheveux», poursuit Inès qui reconnait que les marques ont enfin su proposer des produits capillaires qui correspondaient aussi à sa texture de cheveux. Un aspect positif que relève également Nora : «Je ne dirais jamais non à plus de représentation, maintenant pour ce qui est des besoins, Dieu merci il y a pas mal d’améliorations avec l’arrivée de nouvelles marques ces 10 dernières années».

Alors que les discours très tendance autour des cheveux afro se multiplient et que de nouvelles marques pour cheveux texturés ne cessent de naître, il y a encore des efforts à faire en terme de représentation. Parce que ne pas y inclure les femmes nord-africaines, c’est exclure une partie du continent dont le mot afro tient ses racines.

13 mai 2024

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