Pourquoi la Une d’Aya Nakamura dans Vogue France a son importance

En 1966 Vogue Paris renvoyait sa rédactrice en chef pour avoir choisi de mettre une mannequin noire en couverture.

Crédit photo : Carlijn Jacobs / Vogue France

Vogue France a dévoilé son numéro de novembre avec en couverture Aya Nakamura tout en Balenciaga. Un esprit de renouveau souffle sur le magazine qui a laissé tombé son nom d’origine Vogue Paris, pour Vogue France, souhaitant représenter au mieux toutes les femmes de l’hexagone et non un élitisme parisien. Sur les réseaux sociaux, cette première Une sous les nouvelles « couleurs » disons le du magazine, a largement été saluée. Aya Nakamura est devenue la première artiste-française-noire à faire la Une du magazine qui était critiqué jusque là pour son manque d’inclusivité. Mais la nouvelle rédactrice en chef de Vogue France, Eugénie Trochu, veut faire le pari du chic accessible et dépoussiérer l’image d’un magazine qui semblait en marge d’une certaine réalité française.

1988 – Première femme noire en Une de Vogue Paris

« Je veux changer l’image de la femme française pour que tout le monde se reconnaisse. Aya Nakamura est une personnalité qui parle à tout le monde. Ici, on l’a métamorphosée : elle est chic tout en restant elle-même, une figure accessible qui incarne la femme française », explique Eugénie Trochu dans Les Echos. Pour trouver la première femme noire en couverture de Vogue Paris il faut remonter à 1988. C’est Naomi Campbell qui avait alors été choisie pour faire la Une du magazine. Selon la légende Yves Saint Laurent aurait même personnellement menacé de retirer ses publicités de Vogue Paris si le mensuel ne mettait pas la mannequin en couverture.

Naomi Campbell en 1988

Vingt-deux ans plus tôt, en 1966, le magazine avait remercié sa rédactrice en chef de l’époque Edmonde Charles Roux pour avoir proposé de mettre une mannequin noir en couverture. Une volonté qui intervenait quelques semaines seulement après l’apparition de la mannequin Donyale Luna en une du Vogue britannique, relate France Info Outre Mer. « Quand je suis allée chercher mon salaire chez le comptable […] il m’a tendu l’enveloppe en disant : « Je crains bien que ce ne soit la dernière ». Je n’avais pas eu conscience que cette image allait à ce point choquer, il n’y avait aucun désir de provocation de ma part » , expliquait Edmonde Charles Roux qui a dirigé le magazine de 1950 à 1966, au Monde en avril 2001.

Vogue Paris pas seul face aux critiques

Si cette première de Naomi Campbell à la fin des années 80 avait largement été remarquée, il faudra tout de même attendre 14 ans pour voir une seconde femme noire en Une de Vogue Paris. C’est le mannequin éthiopien Liya Kebede qui sera sollicité à deux reprises en 2002 et en 2010 par la rédaction française. En mai 2015, 5 ans plus tard, Rose Cordero, née en République Dominicaine, fera la une de Vogue Paris. Des apparitions qui re-soulèveront à chaque fois la question de l’invisibilité de la femme noire dans la mode.

À gauche Liya Kebede en mai 2015 – À droite Rose Cordero en une de Vogue Paris en mars 2010

La France n’est pas le seul pays à recevoir des critiques sur son manque d’inclusivité. L’édition pour ados Teen Vogue avait également reçu les foudres des internautes pour avoir choisi des mannequins de type caucasiens afin d’illustrer un dossier consacré aux coiffures sénégalaises en 2015. En 2013 pourtant, l’ancienne directrice d’une agence de mannequins et égérie des années 1970 Bethann Hardison adressait une lettre ouverte à l’industrie de la mode. « Dans les défilés, on ne voit qu’un type de beauté », écrivait-elle. « De mon point de vue, l’ensemble des minorités souffrent d’une sous-représentation. Dans la lettre ouverte que j’ai adressée aux différentes instances régissant les Semaines de la mode à New York, Londres, Milan et Paris, j’écris : « Ne vous cachez pas derrière les mannequins asiatiques ».

En 2021 on se félicite donc qu’Aya Nakamura ait été choisie pour son talent. On regrette aussi finalement que cela ait autant d’importance, parce que tant qu’on devra souligner l’apparition de femmes noires dans les magazines, c’est qu’elles n’y ont pas encore toute leur place.

Et puisqu’elle ne compte plus les premières, Aya Nakamura va devenir la première chanteuse française à s’associer avec la plateforme de jeux vidéos Fortnite.

3 novembre 2021

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