Milla Jasmine accusée de faire de l’arab-fishing

L’influenceuse surfe-t-elle sur une ambiguïté ethnique ?

Dans « Complément d’enquête » dédié au business des influenceurs et diffusé ce dimanche sur France 2, un passage a particulièrement attiré l’attention des internautes. Dans une séquence on aperçoit Milla Jasmine, candidate de télé-réalité et influenceuse aux 3,2 millions de followers sur Instagram. Si elle est connue sous ce pseudonyme, mélange d’un prénom italien, et d’un second arabe, la voix de l’émission la présente par son vrai patronyme : Marie Germain. Beaucoup découvrent alors que Milla Jasmine n’est peut-être pas maghrébine comme son pseudonyme aurait pu le laisser penser. Avant ce reportage, plusieurs vidéos publiées sur Youtube faisaient déjà état du réel patronyme de la star des réseaux sociaux. Pour certains elle se prénommerait Marie-Charlotte. Sa soeur qui se fait appeler Safia, mais dont le vrai prénom est Gwendoline, rectifiera cette information lors d’un entretien, Charlotte n’est que le deuxième prénom de sa soeur.

« On est italiennes réunionnaises »

Alors pourquoi Marie et Gwendoline ont choisi de se présenter comme Milla Jasmine et Safia ? Réponse de la soeur ainée de la star de télé-réalité : « Johnny Halliday ne s’appelait pas Johnny Halliday. Il y a plein de personnalités qui prennent des pseudonymes que ce soit dans la télé, le milieu cinématographique, musicale… on se prend un pseudonyme pour protéger notre vie privée parce qu’on n’a pas forcément envie que les gens rentrent dans notre intimité. Le Safia je ne le sors pas d’hier, ça fait des années et des années qu’on m’appelle comme ça. C’est vrai que ça peut surprendre certaines personnes qui m’ont peut-être connu sous un autre prénom (…) », avance Safia en 2019. Avant d’assurer : « Et non on ne se prend pas pour des arabes, on est italiennes réunionnaises ». Son nouveau prénom, lui aurait été donné par un amie il y a plus de 15 ans parce qu’il signifie « la pureté », un adjectif qui lui correspond assure t-elle.

Sa soeur Milla Jasmine elle, en dira davantage sur leurs origines. Elle présente sa mère comme moitié italienne, moitié réunionnaise, tandis que son père serait pieds-noirs d’Algérie (vidéo publiée en 2016 ici). Autrement dit un rapatrié d’Algérie aux origines européennes. En 2013 pourtant, la star de réalité avançait pedigree totalement différent. Celle qui exerçait alors le métier de modèle photo, se décrivait ainsi sur sa biographie : “Je suis moitié chinoise, moitié libanaise et moitié noire”. Un peu plus tôt en 2008 elle se faisait appeler Farah sur Youtube comme on peut l’entendre sur sa chaine officielle où elle postait des covers musicales.

N'oubliez pas aussi que Marie Germain alias Milla Jasmine est allée jusqu'à se faire passer pour une chinoise libanaise et noire sur sa page de modèle sexy US en 2013 #ComplementDenquete pic.twitter.com/hoWtwzgX79

— 💥 𓃶 (@fuckinbadbeach) September 11, 2022

L’orientalisme une stratégie marketing des producteurs de télé-réalité ?

Mais pourquoi surfer sur une identité arabe quand on ne l’est pas, alors que le racisme est en augmentation en France ? Ayem, Nabilla, Zahia… voici trois exemples de réussite, toutes sortent d’une émission de télé-réalité. Leur point commun n’est pas celui d’être des femmes arabes, mais d’avoir été portraitisées comme des « beurettes ». Ce terme dont le sens a glissé dans les années 2000, revêt tout un imaginaire notamment lié au sexe. La beurette serait la version arabe de la Lolita, une fille sans cervelle, attirée par le sexe mais empêchée par les moeurs familiales. La parfaite recette du fantasme. Le totem pour faire vendre à la télévision, à tel point que la fétichisation de la « beurette » serait devenue depuis une véritable stratégie marketing pour les producteurs de télé-réalité. Orientalisme et petit écran : où comment perpétuer les clichés.

Mais voilà, quand une méditerranéenne se fait passer pour une arabe, il arrive des couacs. En pleine Présidentielles, alors que Nabilla appelle à voter Macron, Safia Alba, la soeur de Milla Jasmine, donne elle une autre directive. « Voter Marine Le Pen ne fait pas de nous des racistes. On veut éviter d’être dans la merde à nouveau pendant 5 ans. H24, vous vous plaignez : la retraite, l’essence, le vaccin. Vous voulez à nouveau voter pour cet homme ? Vous avez un grain dans la tête », explique-t-elle sur son compte Snapchat. À l’époque la journaliste de France Inter Sonia Devillers sera la seule à noter une certaine hypocrisie dans une chronique qu’elle dédie à ce sujet. « Facile, raillent les internautes, d’appeler à voter Rassemblement National quand on n’est pas dans la communauté conspuée par l’extrême-droite », lance la journaliste à la radio avant d’avoir rappelé que « Safia Alba et sa sœur, la célèbre Milla Jasmine des « Marseillais », jouent de leur peau mate et de leurs noms à consonances orientales, mais que ce sont des pseudos. En fait, elles se prénomment Gwendoline et Marie-Charlotte. Elles voulaient ajouter une pointe d’exotisme à leur identité pour percer dans la téléréalité« .

Convertie à la religion musulmane ?

Sur Snapchat ou Instagram, Milla Jasmine avait en avril dernier prévenu ses abonnés : elle entamait pour la première fois le jeûne du Ramadan. « Bonjour à tous, j’espère que vous allez bien. Aujourd’hui est le premier jour du mois sacré du ramadan. J’ai décidé de le faire et j’espère pouvoir le respecter. J’ai hésité à vous le dire par peur d’être jugée. Je le fais avant tout pour moi et je remercie mon mari de m’encourager à le faire aussi, lui qui est musulman. Je n’ai pas envie de vous le cacher, car je l’assume. En revanche, ce n’est pas parce que je fais le ramadan que je ne me mettrais plus jamais en maillot de ma vie ou que je vais devoir stopper mes partenariats avec certaines marques pendant ce mois. Je vous demande d’être indulgents car, au final, seul Dieu peut juger mes actes. Bon courage à ceux qui le font. Et ceux qui ne le font pas, mangez pour mois s’il vous plaît« .

Milla Jasmine s’est mariée en janvier dernier à un dénommé Lorenzo.

Cette capture de #ComplementDenquete démontre que plusieurs influenceurs cultivent une ambiguïté ethnique car ils savent que c'est extrêmement vendeur, le fétichisme ne cesse de croître à cause de ces énergumènes. pic.twitter.com/SQMrKmLuT9

— Tajmaât (@Tajmaat_Service) September 11, 2022

^{12 septembre 2022}