Ysaora Thibus, la fleurettiste à la pointe du style

Rencontre avec une athlète qui veut faire bouger les lignes. 

Crédit photo : Claire Rütz

À 29 ans, Ysaora Thibus, vice-championne du monde de fleuret (2018) semble n’avoir jamais été tant animée. Animée par l’échéance Olympique de Tokyo, sa troisième olympiade, mais surtout animée par une inétanchable soif d’être utile. À l’image d’autres athlètes, Ysaora a pris conscience que son statut de sportive professionnelle pouvait faire résonner un peu plus fort des sujets qui lui tiennent à cœur. Que ce soit dans le sport, en militant pour une plus grande visibilité des athlètes féminines, ou en élevant sa voix contre les violences policières en s’inscrivant dans le mouvement Black Lives Matter. Une femme engagée qui a compris le pouvoir des réseaux et s’en sert également pour partager son amour de toujours pour la mode. Un amour qui a su cristalliser tous ses combats. 

Championnes du monde : Ysaora, tu es une athlète de haut niveau, mais tu as toute une vie en dehors de l’escrime sur laquelle tu communiques beaucoup sur les réseaux (ton lifestyle, tes shooting mode, etc). Penses-tu qu’aujourd’hui pour exister en tant qu’athlète, il faut savoir communiquer également sur le « hors sport » ?

Ysaora Thibus : Chacun fait comme il veut, mais clairement aujourd’hui, surtout dans un sport comme le mien qui est peu connu et médiatisé, l’aspect visuel compte beaucoup. Les sponsors par exemple sont intéressés par l’image que tu véhicules et les gens vont directement checker ton Instagram, ton Twitter, c’est clair ! Il n’y a pas d’obligation, mais je pense qu’à l’heure actuelle c’est une vraie façon de communiquer. Et d’un autre côté c’est aussi très personnel parce que je suis attirée par la mode et c’est un sujet qui m’intéresse et dont j’aime parler.

Crédit photo : Gauche/Hélène Feuillebois – Droite/Race Imboden

Qu’est-ce que ça représente la mode pour toi ?

C’est un moyen d’expression et en même temps un moyen d’introspection. Ça me fait me poser la question de ce que j’ai envie de dégager, de ce que j’ai envie de partager, mais aussi une façon de me demander ce qui me fait me sentir bien. 

Si on devait définir ton style ?

Je pense que mon style est super éclectique, inspiré de tous les endroits où j’ai vécu (Paris, New-York, Los Angeles, la Guadeloupe, l’Italie). Après par exemple, dans ma pratique sportive j’aime être confort… mais stylée ! Et sincèrement jusqu’il y a encore peu de temps, ce n’était pas si facile à trouver. Les marques ont fait des gros progrès là-dessus.

Selon toi, est-ce qu’aujourd’hui la mode et le sport sont indissociables ?

Ça dépend les circonstances. Tu vois quand j’ai trois entrainements dans la journée, clairement je ne me sape pas. Dans le cadre sportif, j’ai accumulé des vêtements qui me font me sentir bien. Par exemple, j’ai mon uniforme : t-shirt blanc, jogging, sweat à capuche et un long manteau. Il n’y a rien d’extraordinaire là-dedans mais je me sens bien. Pareil pour l’entrainement j’ai mes basiques : brassière noire, legging noir. En fait le principal pour moi c’est de me sentir bien.

Est-ce que la façon dont tu t’habilles ce n’est pas aussi un moyen de marquer ta différence, de montrer ta personnalité par rapport à d’autres athlètes ?

Ce n’est pas pour me différencier mais c’est pour montrer tout simplement que j’aime ça, que c’est quelque chose qui me correspond. Tu vois, j’aime aussi me saper pour faire la vaisselle (rires) ! Après sur mes réseaux je suis assez réaliste. Quand je ne suis pas sapée comme je le voudrais, ça ne m’empêche pas de faire une story ou de poster quelque chose. L’idée ce n’est pas d’être « parfaite », mais après c’est clair que j’aime mettre en avant des vêtements quand je les trouve cool.

Crédit photo : Gauche/Race Imboden – Droite/Claire Rütz

Toi qui es une femme engagée, est-ce que tu penses que la façon dont tu t’habilles peut être un moyen de faire passer des messages ?

Oui, clairement. Dans le dernier défilé de Louis Vuitton par Virgil Abloh, un des sacs était fait avec un tissu de Madras ; c’est le tissu traditionnel de mon île, la Guadeloupe. Ça faisait longtemps que je me disais qu’on devrait être fier de notre patrimoine, de nos traditions, qu’on devrait plus les mettre en avant parce qu’un jour, de grosses marques allaient venir et se l’approprier. Tout ça pour dire que oui, définitivement, la mode fait passer des messages, ne serait-ce comme là, pour montrer la richesse des différentes cultures dans le monde. Après je pense que ce n’est pas que dans le luxe. C’est une façon de se rassembler, de se réunir autour d’un sujet « plus léger » et de se rendre compte que malgré nos différences on peut se retrouver autour d’un sujet comme la mode.

Si tu devais décrire ton outfit idéal ?

Je pense que je choisirais un maillot de bain. J’adore les maillots de bain ! J’ai grandi sur une île et le maillot de bain me fait me sentir tellement bien. Je pense même que j’ai une obsession, j’en ai 10.000 mais je ne les porte qu’une seule fois (rires). Après si je ne devais en choisir qu’un, ce serait un bikini et forcément coloré. J’adore la couleur !

Te considères-tu comme une femme « moderne » ?

Je me considère comme une femme moderne dans le sens où tous les choix que j’ai fait dans la vie, je les ai faits pour moi. J’ai été là où on ne m’attendait pas nécessairement et je n’ai pas eu peur de faire des choses, même quand on m’a dit non. Je pense qu’il est temps que chaque femme prenne conscience qu’elle peut faire ce qu’elle veut ! On le dit depuis des années, il y a eu beaucoup de progrès, mais j’ai l’impression qu’on a toujours un peu peur, qu’on n’ose pas, ou qu’on s’autocensure. C’est clair que c’est un combat de tous les jours d’avoir confiance en soi et il faut vraiment se battre pour obtenir la place qu’on mérite dans la société. Donc en ce sens et parce que je veux prendre ma place, je me considère comme une femme moderne.

Podcast exclusif d’Ysaora Thibus à retrouver très bientôt sur www.championnesdumonde.com

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