Sextape, délits et châtiments en ligne

Aya Nakamura est victime d’un chantage à la sextape après un cambriolage durant lequel des vidéos personnelles lui ont été dérobées.

Aya Nakamura est victime d’un chantage à la sextape depuis la vol de vidéos intimes à son domicile

En 1995, une vidéo de Pamela Anderson et de son mari de l’époque Tommy Lee en plein ébats sexuels circule. Volée par un employé de maison, cette cassette signe ce qu’on appellera plus tard le phénomène de la sextape. Toujours traumatisée par cet épisode plus de vingt ans après, Pamela Anderson en parle dans un récent documentaire sorti sur Netflix. Je n’avais pas l’impression d’obtenir beaucoup de respect”, affirme-t-elle dans la bande-annonce de “Pam, a Love Story”, expliquant avoir “dû se construire une carrière avec les morceaux qu’il restait”. Plus tard, en 2007, Kim Kardashian est victime d’un petit ami peu scrupuleux. Son compagnon Ray J. décide de diffuser une vidéo de leurs ébats intimes sur le net avec à la clé un gros deal avec une plateforme de contenus X. La star de télé-réalité n’arrivera pas à en stopper sa diffusion, lui valant toujours plus de quinze ans après d’être moquée ou réduite à une femme qui a réussi grâce à son “cul”. Juste avant elle en 2004, Paris Hilton était elle aussi victime d’un petit ami vengeur. Un épisode de sa vie qui provoquera un syndrome de stress post traumatique dont elle souffre encore aujourd’hui.

Le contrat imaginaire de la nude

Un traumatisme et une violation de son intimité qui marque toujours aujourd’hui Kim Kardashian. Dans un épisode de sa télé-réalité “The Kardashian” diffusé en 2022 sur Hulu, la femme d’affaires éclate en sanglots. Son fils est tombé sur une image extraite de cette vidéo et surgit alors la menace de la mise en ligne d’une seconde sextape. En 2014, plusieurs actrices dont Ariana Grande, Kate Upton et Jennifer Lawrence sont victimes de quatre hackers qui ont piraté leurs cloud. De nombreuses photos intimes des stars se retrouvent alors en accès libre sur le web. “N’importe qui peut aller regarder mon corps nu sans mon consentement, à n’importe quel moment de la journée”, expliquera en janvier 2022 Jennifer Lawrence dans les colonnes de Vanity Fair, toujours meurtrie par ce vol de photos. “Mon traumatisme existera pour toujours”, ajoute t-elle au moment où l’humoriste Jean-Marie Bigard décide de republier ces photos dans son magazine “Bigard Magazine” en juillet 2021. Il sera condamné à verser 20 000 euros à Lawrence.

Si en France il faudra attendre 2016 pour que la loi se durcisse sur le “revenge porn”, avec une peine encourue qui peut aller jusqu’à deux ans de prison et une amende de 60 000 euros, pour un(e) conjoint(e) vengeur qui diffuserait des contenus intimes sans le consentement de l’autre partie, la menace de la sextape est toujours très présente. Récemment c’est Aya Nakamura qui en faisait les frais. Cambriolée à son domicile fin 2022, un maître chanteur tente de lui soutirer 250 000 euros contre le retour de ses vidéos intimes volées lors de cette effraction. Le collectif Stop Fisha qui lutte contre le cyber-sexisme a apporté son soutien à la chanteuse. Il rappelle qu’une candidate de télé-réalité française, Sarah Fraisou avait été confrontée à une situation similaire et avait décidé de révéler elle-même les contenus pour mettre fin au chantage.

Si ces femmes témoignent aujourd’hui, ce n’est pas le cas de toutes. Comme Juliette qui s’est suicidée à l’âge de 16 ans en se jetant sous un train lancé à 90 km/h, entre Deauville et Lisieux en 2016 . Des photos d’elle dénudée, diffusées à son insu, circulaient de portable en portable dans son lycée. Dans une enquête menée par Slate en 2022, plusieurs victimes de revenge porn évoquent des pensées suicidaires, de l’anxiété, des phases de dépression.

Les femmes ne sont pas les seules cibles de la divulgation de contenus intimes. En 2020 Benjamin Griveaux alors en lice pour la Mairie de Paris, voit certaines de ses vidéos intimes diffusées sur le net par l’artiste russe Piotr Pavlenski et sa compagne, Alexandra de Taddeo. Il se retirera immédiatement de la course, disparaissant de la vie politique au même moment. Plus récemment encore c’est Gaël Perdriau, maire de Saint-Étienne, qui aurait fait chanter son ancien adjoint avec un enregistrement de lui en train de se faire masser par un homme. Preuve que la “pornodivulgation” n’est pas que l’apanage des femmes et du milieu du divertissement. Mais comme le notait le collectif Stop Fisha, les femmes sont les plus touchées : “Les hommes vont considérer qu’ils ont une domination sur ces personnes, et donc dans les rapports de genre, même en ligne, il y a une continuité du patriarcat.” En Géorgie, les sextapes d’élues féminines sont utilisées depuis 2019 pour décrédibiliser les femmes politiques. Une “tactique bien rodée datant de l’ère soviétique”, explique le média Radio Free Europe relayé par Courrier International, qui vise à décourager les femmes à s’engager en politique.

7 février 2023

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