Rihanna, Big Superstar, Big Chop

La barbadienne rejoint Beyoncé au rang des célébrités qui s’engagent pour une meilleure acceptation de ses cheveux.

Rihanna s’affichait à la surprise générale avec les cheveux courts pour sa marque Fenty Hair
Crédit photo : Fenty Hair

Après avoir toutes deux lancé leur marques de hair care en 2024, Beyoncé et Rihanna ont fait la promotion de leurs produits en les testant sur leurs cheveux naturels. Sur les réseaux sociaux, les photos des superstars s’affichant avec leurs véritables tifs sont vites devenues virales. La première brisant enfin le mythe du « À quoi ressemblent les cheveux de Beyoncé ? «  , et la deuxième mettant en lumière les cheveux courts. Les annonces de lancement de Cécred et de Fenty Hair sont loin d’être anodines puisque les deux superstars sont les plus grands modèles de femmes noires à l’international. Pour beaucoup, elles jouent un rôle important sur la confiance en soi. D’ailleurs, 89% de nos abonnées Instagram estimaient important que Rihanna montre ses cheveux naturels d’après un de nos sondages.

Rihanna s’est affichée avec ses cheveux naturels lors du lancement officiel de sa marque Fenty Hair
Crédit photo : Fenty Hair

Que cela signifie-t-il à l’échelle de la société ? Y-a t-il un nouveau souffle de la représentation des cheveux crépus ? Après les mouvements nappy débutés dans les années 2000, ces deux nouvelles marques sur le marché des soins capillaires annoncent-elles la fin de la marginalisation du cheveu texturé ?

F**k le défrisage

Le cheveu lisse s’est imposé dans les médias comme type de cheveu dominant depuis des siècles. Il n’y a qu’à observer comme on lisse les cheveux des miss aux cheveux texturés dans les concours de beauté. Ou comment on célèbre désormais chaque afro portée fièrement lors de Miss France. Les femmes aux types de cheveux autres que lisses sont également de plus en plus nombreuses sur les couvertures de magazines féminins des médias traditionnels. Aya Nakamura s’affichait avec une perruque de type afro en Une de GQ.

La représentation du soi au naturel dans les médias étant un enjeu important de la confiance en soi, cela a pu amener des jeunes filles à se sentir différentes, et peut-être même à se dévaloriser. C’est pour cela que, quand les modèles de féminité noire à l’international se réapproprient la nature de leurs cheveux, cela ne passe pas inaperçu auprès des plus jeunes qui les observent. Léaa-Joyce et Bénaëlle, deux petites filles âgées de 10 et 11 ans, avouent que cela est important pour elles : «Oui, ça valorise nos cheveux. Et nous, ça nous inspire. Si tes stars font ça, forcément ça influence les autres à mettre en avant leurs cheveux aussi. Ça veut dire qu’on a des beaux cheveux, que ce ne sont pas forcément que les cheveux blonds ou lisses qui sont beaux. Ça montre qu’il y a plusieurs variétés de cheveux.»

Il est important pour les jeunes de voir les modèles de cheveux qui sortent de la féminité blanche et de médiatiser les cheveux bouclés, crépus, et surtout dans le cas de Rihanna, courts. Parce qu’on impose souvent aux cheveux texturés la longueur (on pense aux grosses afros, aux cheveux curly longs), et on dévalorise les cheveux plus courts.

Si des pratiques comme le lissage, le brushing ou pire encore le défrisage, ont été banalisées pour se conformer aux normes de beauté, cette nouvelle génération est bien décidée à briser ces rites de passage.

Cheveux courts assumés

Le big chop — l’acte de couper la partie de ses cheveux qui est abimée par les lissages et/ou défrisages pour assurer un retour au naturel — a aidé beaucoup de femmes à construire une nouvelle relation avec leurs cheveux. Il est aussi synonyme pour certaines, d’un passage radical aux cheveux courts. Aussi courts que ceux affichés par Rihanna.

«J’ai fait un big chop parce que j’avais l’impression que ça reflétait à quel point j’étais perdue dans mon identité et sur plein de points de ma vie. À l’époque ça m’avait fait un bien fou, ça faisait parti d’un processus d’émancipation quelque part, le symbole d’une « moi » qui se redécouvre et s’assume, ça fait énormément de bien. Et aujourd’hui j’ai envie d’en refaire à chaque mental break-down ! *Rires* Quelque part la phrase « Une femme qui coupe ses cheveux s’apprête à changer de vie » est très représentative de ce que j’ai vécu et je pense que ça sera le cas de plein d’autres filles.», nous confie Keylanne, qui a créé un blog consacré à son natural hair journey.

Nafy, elle, a eu un parcours compliqué avec ses cheveux : «J’ai les cheveux 4C et courts, soit vraiment ceux qui sont les moins aimés et représentés de la société. Chez moi, on a beaucoup d’apriori sur ces cheveux, on les compare à un buisson. Ça a été compliqué pour moi car ma mère avait des cheveux 3C/ 4A qui lui arrivaient au dos. On la complimentait toujours, et on la comparait à moi. C’est beaucoup grâce aux youtubeuses et à leurs cheveux types 4C que j’ai compris, que moi aussi, je pouvais aimer les miens. C’est pendant le confinement que j’ai finalement sauté le pas. J’ai attrapé les ciseaux et j’ai tout coupé. Il ne me restait que deux centimètres.», raconte-t-elle.

Si le geste peut-être symbolique, comme un nouveau départ, faire cheveux-ras apporte beaucoup pyschologiquement : «Ça m’a libéré du jugement des autres. Mais aussi, ça m’allégeait d’avoir les cheveux plus courts. Ça réduisait le temps de ma routine et je sentais l’air passer entre mes cheveux. Cela m’a permis d’accepter mes cheveux sous toutes leurs formes, qu’ils soient longs, courts, éclaircis ou non. Ma confiance en moi a augmenté et aujourd’hui, mes cheveux sont en bonne santé.», ajoute-t-elle.

Du salon de coiffure à la politique

La réappropriation de son cheveu naturel fait les choux gras de l’industrie de la beauté qui surfe sur ce mouvement pour proposer de nombreux concepts, du salon dédié aux cheveux bouclés ou crépus, en passant par le rachat par L’Oréal de la marque américaine Carol’s Daughter, pionnière du mouvement nappy. Olivier Serva, député de la circonscription de la Guadeloupe, a lui décidé de rendre cet élan plus politique. Le 27 mars dernier il proposait a l’Assemblée nationale, d’inscrire dans la loi, un texte contre les discrimination capillaires permettant ainsi de se défendre contre toutes attaques au travail basées sur «la coupe, la couleur, la longueur ou la texture» du cheveu. Une proposition de loi qui permet d’alerter chacun sur son droit à être soi-même dans le monde du travail.

Par ailleurs, ce n’est que depuis l’année dernière qu’un diplôme consacré aux cheveux texturés a été inauguré. Le CQP cheveux spécifique cheveux bouclés à crépus, est accessible aux diplomé.es d’un CAP ou d’un BP coiffure. Cette qualification, reconnue par l’État et la branche professionnelle, sonne comme une victoire.

«Le cheveu Afro a effectivement longtemps fait l’objet de représentations négatives, fruits d’une histoire coloniale et de legs de la période esclavagiste, jusqu’à constituer un véritable stigmate, pour ses porteurs et porteuses.», écrit Daphné Bédinadé, doctorante et auteure du texte de recherches « Cheveu Afro et « mouvement naturel » : le geste réapproprié ? ». Dans un contexte de montée de la xénophobie, les cheveux sont marqueurs d’une identité qui ne veut pas se cacher. D’une identité qui se revendique légitime.

Alors si Beyoncé et Rihanna arrivent bien après les débuts du mouvement nappy, les femmes ne les ayant pas attendues pour être fier.es de leurs cheveux et de leur texture, chaque nouvelle représentation de la variété des cheveux texturés reste une victoire.

26 juin 2024

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