Restons barbares

Dans son livre « Rester barbare », la journaliste Louisa Yousfi offre une ode à l’émancipation, tout en se demandant comment les rappeurs sont devenus les porte-paroles des femmes issues de l’immigration.

Photo originale tirée de The FADER

On voudrait parler du livre de Louisa Yousfi avec des grands mots, autant que les siens. Mais ils nous manquent, parce que personne n’écrit pareil, parce que chacun à sa propre barbarie. Dans son essai « Rester barbare » publié aux éditions La Fabrique, la journaliste questionne le « rester soi-même ». Vous issus d’une double culture, vous nés ici mais dont vos parents sont parfois de là bas. Vous, peuple de l’escalier, qui chaque jour montez et redescendez dans vos méandres intérieurs, jonglant avec qui vous êtes, et ce qu’on attend que vous soyez – et si vous rentriez en résistance ? « Je sens que j’ai tellement de choses à dire qu’il vaut mieux que je ne sois pas trop cultivé. Il faut que je garde une espèce de barbarie. Il faut que je reste barbare. »  Cette phrase de l’écrivain algérien Kateb Yacine, est la mise en bouche du livre de Louisa Yousfi. Une formule qui l’a délivré comme elle le confie à France Culture.

Avec « Rester barbare », la journaliste invite à la résistance contre l’assimilation, embarquant dans son cheval de Troie, PNL ou encore Booba. Deux figures du rap français, qui assument d’être appelés des barbares. C’est d’ailleurs dans la barbarie qu’ils puisent leur force et leur génie. « On n’est pas comme eux, on n’est pas comme eux », écrivent les deux frères des Tarterêts dans leur titre « Plus Tony que Sosa ». Comme un cri de ralliement pour tous ces barbares qui ensauvagent, qui grand-remplacent, eux qui devraient quitter leur vie immorale pour pactiser avec l’assimilation. Quitte à s’étouffer, à s’oublier, à s’aligner comme des mauvais élèves qu’on camisolerait au nom de la bonne éducation.

« (…) j’ai le sentiment que ce sont les rappeurs qui ont parlé pour moi. Non pas de moi mais pour moi. Leur langue, ses outrances, son irrévérence à l’égard de la grammaire établie offrent à mon écriture d’intégrer le loisir de respirer un peu. Je ne suis plus toute seule avec mes musées, mes belles photos, mes jolis bibelots. Comment ces barbares peuvent-ils être nos porte-paroles, nous, femmes issues de l’immigration ? La réponse est encore dans la question. En restant barbares, ils parlent pour moi, pour nous. » , écrit Louisa Yousfi, offrant soudainement l’explication logique à pourquoi les femmes aiment (aussi) le rap. À pourquoi vous lancez Ninho dans vos écouteurs, même si vous trouvez que le rap est misogyne. Il l’est, mais vous êtes une barbare.

Rester barbare – Éditions La fabrique – 10€

10 mai 2022

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