Le patron breton Roland Beaumanoir s’est donné une mission : investir dans des marques de prêt-à-porter à l’agonie, à l’image de Naf Naf ou Jennyfer, et leur redonner un second souffle. Malgré SHEIN.

C’est un fait : le prêt-à-porter va mal. Entre redressements judiciaires et fermetures à gogo, les enseignes de notre adolescence disparaissent les unes après les autres, désertant les centres-villes et attristant les nostalgiques. Mais un homme, lui, refuse ce constat. Son nom ? Roland Beaumanoir, homme d’affaire de 76 ans à la tête du groupe éponyme. Cache-Cache ? C’est lui. Bonobo ? Lui encore. La Halle, Jennyfer, Morgan, Quiksilver ou, plus récemment, Naf Naf : il les veut toutes. Portrait du pire ennemi de SHEIN sur le territoire français.
Le roi du prêt-à-porter
Né en 1949 à Saint-Malo, en Bretagne, Roland Beaumanoir baigne dès son plus jeune âge dans le prêt-à-porter. Fils d’un propriétaire de magasin et détaillant de prêt-à-porter qui fondera plus tard l’enseigne Pantashop, le malouin rejoint l’affaire familiale après ses études de sciences économiques, à l’âge de 23 ans. En mai 1981, il ouvre, aux côtés de sa compagne Jocelyne Beaumanoir, son premier magasin, Vêtimod. Quatre ans plus tard, il monte un groupement d’achat pour indépendants au nom aujourd’hui bien connu : Cache-Cache, qui deviendra, en 1991, une franchise destinée à une clientèle féminine. Si en 1995, la société est au bord de la faillite, grâce aux soutiens de ses banquiers et fournisseurs, elle se relève et poursuit son projet de s’implanter dans des villes moyennes de provinces, là où la concurrence n’existe que très peu. Un succès, qui en annonce d’autres : rachat de Patrice Bréal en 2003, de Scottage en 2005, de Morgan en 2009, de La Halle en 2020, de Caroll en 2021, de Sarenza en 2022, et plus récemment de l’ensemble américain Boardriders (qui détient Quiksilver, Billabong ou Roxy), mais aussi de Jennyfer et de Naf Naf, que le groupe avait échoué à racheter en 2009.
Une conquête du prêt-à-porter français qui permet à Roland Beaumanoir de régner sur un empire de 2 700 points de vente dans plus de 40 pays, pour trois milliards d’euros de volume d’affaires (comprenant franchises multiples ou affiliations) en 2025 et un chiffre d’affaires de 2,3 milliards d’euros en 2023. Et de se positionner en sauveur de l’emploi français, puisque le groupe Beaumanoir se vante aujourd’hui d’avoir « sauvegardé 4 200 emplois ces dernières années », notamment en reprenant Caroll, la Halle et Sarenza, comme le précise un article du Parisien.
Un positionnement anti-SHEIN clair
Alors, face à l’arrivée physique du mastodonte chinois SHEIN au BHV, Roland Beaumanoir apparaît comme l’exception qui prouve que la désindustrialisation du prêt-à-porter français n’est pas une facilité. En irréductible gaulois (le côté breton joue peut-être), celui qui travaille toujours en famille, aux côtés de sa femme Jocelyne et de son fils Thomas, invite les politiques français à s’élever contre la plateforme, qui nuit au secteur et donc, à l’emploi. « Il faut accepter les concurrents mais à la condition qu’ils respectent les mêmes règles du jeu. Or, ce n’est pas le cas, s’insurge l’homme d’affaire dans un article du Télégramme, C’est aux politiques de régler les règles de concurrence. » Si cet ultra-libéral avoue ne pas être « un trumpiste convaincu », il reconnaît cependant que la radicalité de la taxation du président américain pourrait être une piste à suivre pour les dirigeants français : « Les ventes de SHEIN aux États-Unis ont chuté de plus de 50 %. Les Chinois ont donc reporté toute leur force de frappe marketing sur l’Europe et son marché le plus important, la France. Mais on ne réagit pas. »
3 décembre 2025