Quelqu’un a-t-il déjà marabouté votre relation amoureuse ?

Un article inspiré par la récente histoire entre Didi Stone et le footballeur Randal Kolo Muani.

Illustration de Clémentine Bosch pour ANCRÉ

En septembre dernier, une rupture a secoué le monde du football. En couple avec le joueur du PSG Randal Kolo Muani depuis plus d’un an, la mannequin et influenceuse Didi Stone, fille de la légende congolaise Koffi Olomidé, a annoncé leur séparation sur les réseaux sociaux. En cause ? L’intervention dévastatrice d’une prophétesse. “Mon couple allait parfaitement bien jusqu’à ce qu’une soi-disant « prophétesse » et un pasteur viennent tout gâcher en racontant de fausses prophéties, à mon sujet et sur mes parents, à sa famille et à lui, raconte la jeune femme en story. « Je n’ai rien vu venir et c’est arrivé si soudainement. Je me suis retrouvée abandonnée sans aucune explication. Il n’y a rien de plus déstabilisant. J’étais très choquée, confuse et perdue car je n’ai même pas eu l’occasion d’en parler avec lui ou sa famille, alors que nous avions une très bonne relation. Ils m’ont tous soudainement tourné le dos après la prophétie”

Présents dans de nombreuses cultures, ces professionnels de la prédictions et des enchantements font et défont les relations amoureuses de ceux qui leur font confiance. Il n’y a qu’à lire les prospectus que l’on retrouve dans nos boîtes aux lettres ou sous nos essuis-glaces : “retour de l’être aimé”, assurance de “raviver la puissance sexuelle” ou de rendre n’importe qui “dépendant de vous”… Les promesses concernant la vie sentimentale sont nombreuses. Aussi nombreuses que ceux qui y ont succombé. Ce ne sont d’ailleurs pas les exemples célèbres qui manquent.

Outre Didi Stone, la star de télé-réalité Carla Moreau s’est ainsi tournée vers une voyante et sorcière pour effectuer des travaux sur son époux Kévin Guedj, quand le rappeur Youssef Akdim – alias Lartiste – a accusé la chanteuse Marwa Loud d’avoir fait appel à un marabout pour lui faire du mal après qu’il l’ait rejetée. Et oui : comme le souligne Youcef Sissaoui, président de l’Institut national des Arts divinatoires dans un entretien accordé au Nouvel Obs, “toute la population a recours à ces pratiques ! Banquiers, industriels, policiers, politiques… avec internet, l’occulte a explosé”. La preuve : après avoir posté une story sur notre compte Instagram vous demandant si vous aviez déjà été victimes de magie noire dans le cadre de vos relations amoureuses, vous êtes plusieurs à nous avoir écrit.

Le désir de savoir

Ines* est l’une d’entre elles. “Je suis allée voir une voyante il y a deux ans pour discuter avec elle d’une relation avec un garçon que je n’avais jamais vu, mais avec qui je parlais depuis deux mois. Elle m’a tout de suite refroidie en me disant que la relation ne fonctionnerait pas”. Elle assure que les prédictions de sa voyante ont impacté sa relation, “Par la suite, j’étais presque un peu froide avec ce garçon, me demandant si cela servait à quelque chose de continuer après avoir entendue ce qu’elle m’avait dit”. Malgré tout, la jeune femme arrive à oublier les dires de sa voyante et se plonge dans cette relation, sans se poser de question. “Tout va bien les jours d’après, jusqu’à ce que je sente qu’il n’était plus le même, alors que moi j’étais totalement in love. Deux semaines plus tard, je pars le voir à Barcelone pendant quatre jours, tout se passe très bien. Une semaine après, il m’annonce qu’il veut tout arrêter”. La voyante aurait-elle eu raison ? “J’ai mis plus d’un an à me remettre de cette relation en essayant de comprendre ce qui s’était passé. Je me suis demandé si le fait d’avoir été voir cette voyante ne m’avait pas porté l’œil”, admet Ines*.

Souvent considérées comme de vieilles superstitions racontées par nos grands-mères, les rites de maraboutage et les actes de sorcellerie continuent pourtant de faire des adeptes, même parmi les jeunes générations. Une enquête de l’Ifop a d’ailleurs révélé que 40% des moins de 35 ans croient en la sorcellerie contre 25% des plus de 35 ans. Mais pour quelle raison la jeunesse se tourne-t-elle vers les forces occultes dans un premier temps ? “J’ai besoin de savoir si ça vaut le coup que je m’investisse ou pas, avoue Marie*, qui fréquente régulièrement une voyante sur Paris, C’est vrai que je laisse beaucoup de place à la spiritualité dans mes relations amoureuses”. Serigne Lamine Bara Fall, marabout sénégalais, résume cette décision dans les pages de Confidences Magazines : “Certaines personnes vont chez les marabouts pour faire du mal à quelqu’un, tandis que d’autres le font pour du bien.” Marie* le précise, elle a “toujours cherché à avoir des réponses, jamais à réaliser des travaux sur qui que ce soit”

Victimes de sorcellerie 

En effet, tout le monde ne se rend pas chez un devin ou un guérisseur pour les mêmes raisons. Julie*, dont la relation a également été impactée par la magie noire, nous raconte : “Quand j’ai rencontré mon mari, j’ai été maraboutée pendant très longtemps. J’ai fait sa rencontre au Maroc à Essaouira, une ville où il y a énormément de magie noire, et quelqu’un en a fait sur moi”. Elle développe, “Ça se manifestait par des doutes, des choses qui rentraient dans ma tête, je me disais qu’on allait m’enlever ma fille,  je pétais complètement les plombs, se souvient-elle, Et puis il y a eu des symptômes physiques, notamment de la salive qui s’accumulait au bord de mes lèvres et les problèmes de vue, ce qui sont visiblement des symptômes d’envoûtement”. Des situations que connaît bien Serigne Lamine Bara Fall, qui résume, “Le fait de marabouter quelqu’un, c’est faire en sorte qu’il soit malade ou ne détienne plus un sou parce que quand on est marabouté, on est tout temps malade et on n’a plus d’argent”.

Là où il y a maladie, pour Julie*, il y a eu guérison. “J’ai dû subir ce qu’on appelle des désenvoûtements, un au Maroc et un second en France. Je suis toujours avec mon mari, mais c’est extrêmement compliqué. Il ne veut pas y croire…” Soupçonnant sa belle-mère d’avoir voulu lui faire du mal, la jeune femme nous apprend que “ce sont souvent les femmes qui sont qui se font accompagner. C’est une affaire de femme la magie noire”. Une affirmation corroborée par l’enquête de l’Ifop qui annonce que 31% de femme avoue avoir déjà consulté un spécialiste des parasciences (face à 20% d’hommes). Pourtant, si l’histoire occidentale a condamnée de nombreuses femmes dans l’histoire pour sorcellerie (avec un biais bien misogyne, comme le rappelle Mona Chollet dans son ouvrage « Sorcières »), ailleurs dans le monde, la magie, c’est surtout l’affaire de tout le monde.

Sensibilisée au vaudou par un ami béninois, Julie* poursuit, “Il me parlait toujours du vaudou, sa famille avait eu de gros soucis avec ça. Au début, j’étais un peu sceptique. Puis j’ai découvert les soirées gnawa où les gens rentrent en transe, et la magie noire, à Essaouira”. Convaincue d’avoir été ensorcelée par des proches de son époux, cette dernière craint aujourd’hui pour sa petite fille de 8 ans, et cherche à tout prix à la protéger du mauvais oeil : “Elle a sa petite main avec elle, je lui explique de ne pas trop parler, je lui fais écouter une sourate sur le mauvais œil…”, énumère-t-elle, précisant que de son côté, elle “évite de montrer des photos” de son enfant. Si elle pense être aujourd’hui désenvoutée, Julie* ne vit plus en paix. Une existence qu’Ines* refuse, elle qui a décidé que cette unique expérience avec les sciences occultes lui avait suffit : “Maintenant j’ai arrêté de demander l’avenir de mes relations amoureuses et je préfère vivre ce que j’ai à vivre sans le savoir au préalable”. 

La honte

Un bien sage conseil pour Youcef Sissaoui, dont le travail consiste surtout à défendre les victimes de sorciers mal intentionnés, qui profitent du désespoir amoureux de certains clients pour se faire de l’argent. Beaucoup d’argent. « 99 % de ces voyants africains ne sont pas des marabouts, mais des faiseurs d’argent. Leur créneau, c’est le retour d’affection. Les arnaques peuvent faire perdre à leurs clients des sommes colossales, pouvant atteindre, 10, 20, 50, et même 100 000 euros. » détaille le spécialiste, qui poursuit, « Les trois quarts des victimes qui nous contactent se sont ruinées avec les consultations. Elles ne déposent pas plainte, car elles ne veulent pas mettre leur famille au courant. »

Car du côté de ceux qui consultent, la crainte du jugement est belle et bien présente. Et si Marie* nous a mis dans la confidence, elle l’admet, son « entourage n’est pas vraiment au courant ». C’est d’ailleurs cette peur qui a poussée l’ancienne star de télé-réalité, Carla Moreau, à payer grassement un blogueur pour que ce dernier ne dévoile pas son secret (qui, entre le racket et les consultation chez la voyante, lui avait en tout coûté près de 2 millions d’euros). Une extorsion qui a pris fin l’année dernière, au terme d’un rendu de justice condamnant le youtubeur Nabilflix à payer 20 000 euros d’amende à la jeune femme. Et cheh.

*Les prénoms ont été changés

31 décembre 2024

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