Libérez la perruque

Dans notre dernier éditorial, quatre jeunes femmes noires nous racontent pourquoi elles entretiennent un lien particulier avec les tiffs lisses.

Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

On assiste à la préparation d’un shooting photo et backstage un homme noir lance à la maquilleuse, noire elle aussi : “mais pourquoi tu ne portes pas tes cheveux naturels. Tu te rends compte que tu le fais surement pour ressembler aux blanches. Que c’est surement des années de colonisation qui t’ont eu“. Les mots ne sont peut-être plus exactement ceux-ci mais ils interloquent la maquilleuse qui porte ce jour-là une longue perruque châtain. Elle le renverra dans les cordes, arguant qu’il s’agit d’un choix et que lors de cette période sombre les femmes n’en avaient justement pas. Que son goût du cheveux ne s’arrête pas aux cheveux lisses, qu’elle les aime souples ou bouclés. Qu’importe la texture finalement, elle veut juste avoir la liberté de choisir. Voilà comment est né cet éditorial. En assistant à une conversation qui pourrait paraitre anonyme et anodine, mais qui reflète celles que l’on voit aussi pulluler sur Twitter lorsqu’un femme noire décide d’élire comme coiffure du jour, ce qu’on appelle plus communément une PP lisse.

Solène porte une robe Alter Designs, des boucles d’oreilles Meiloumi, bagues Krysten Pautremat, bijoux de tête Yilou
Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

Ces photos et les témoignages de Bessie, Berlange, Solène et Morgane, qui posent pour ANCRÉ, sont des réponses aux nombreux reproches adressés aux femmes africaines qui ont choisi d’opter pour des cheveux lisses à défaut de leurs cheveux naturels. Parce qu’on trouvait que là encore, chacun se permettait de donner son avis sur le corps des femmes, sans qu’il soit invité à le faire. 

“Moi j’ai confiance en mes cheveux naturels, ce n’est pas parce que je porte parfois des perruques que je ne les aime pas. C’est finalement les autres qui projettent sur toi cette idée que tu n’assumes pas ta texture de cheveux”.

Berlange
Berlange porte un top en dentelle Zofi, un ensemble Yilou, boucle d’oreille Kristen Pautremat
Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

Berlange : “Porter des perruques, comme la mode, c’est une façon d’exprimer mon identité. Beaucoup de femmes noires durant leur enfance, adolescence, ont été amenées à changer de coiffures : tresses, cheveux naturels… Donc opter pour la perruque c’est une façon d’exprimer qui je suis. Est-ce que je devrais porter ma texture naturelle de cheveux même en perruque ? Peut-être, mais pour faire plaisir à qui ? Pour les autres qui décideraient pour moi, certainement pas. On reproche toujours beaucoup de choses à la femme noire, ses formes, sa façon de danser, sa façon de se coiffer. Il est temps de la laisser libre de choisir ses propres canons de beauté sans la figer dans une image. D’autres femmes portent des perruques, les juives par exemple, les asiatiques mais aussi la femme blanche. Pour elles c’est un accessoire de beauté comme pour nous”.

Morgane porte un kimono Yoshi, une jupe Eenk, des gants Zofi, boucles d’oreilles et collier Sarah Bongiovanni
Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

Morgane : “Je change de perruques à chaque fois que je change de looks. Je tiens beaucoup d’importance à accorder mes perruques à ma tenue. Elles sont pour moi comme un bijou, ou même une paire de baskets, de lunettes. C’est aussi une forme de réappropriation de porter des perruques. Trop souvent en tant que femmes noires on nous a dit que nous n’avions pas le droit de pouvoir avoir les cheveux lisses, blonds, de n’importe quelles textures… On nous a imposé beaucoup de diktats dans la société. Pour moi c’est très important de pouvoir prouver, que peu importe ce que l’on porte, cheveux bouclés, lisses, ou crépus, on a simplement le droit de faire ce que l’on veut “.

Berlange porte un top en dentelle Zofi, un ensemble Yilou, boucle d’oreille Kristen Pautremat
Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

Berlange : “J’ai aussi décidé de porter des perruques parce que ça me fait gagner du temps. Le gens ne réalisent pas le temps que ça demande d’entretenir ses cheveux afro. Entre les soins, démêler les cheveux à la main ou avec un stylo, les repeigner, les hydrater, poser un masque, faire des coiffures protectrices… ça peut parfois prendre jusqu’à trois heures comme une journée complète jusqu’au coucher”.

Morgane porte un kimono Yoshi, une jupe Eenk, des gants Zofi, boucles d’oreilles et collier Sarah Bongiovanni
Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

“Porter la perruque par choix c’est une forme de réappropriation et de libération de notre parole en tant que femme noire. Nous à qui on a imposé beaucoup de diktats de beauté dans la société”.

Morgane
Bessie porte un top Paloma Casile, jupe vintage et collier Yilou
Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

Bessie : “Porter des perruques ça signifie pour moi avoir la liberté de mes choix. Je peux varier mes looks et coller à mes différentes personnalités. Elles me permettent d’être multiple en tant que femme. Je ne vois pas du tout de rapport politique aux cheveux lisses. Encore une fois les perruques sont justement représentatives d’un choix, un jour je peux porter une PP de type afro comme le lendemain choisir d’avoir les cheveux ultra longs et ondulés.”

Bessie porte une robe Yilou et un collier Sarah Bongiovanni
Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

Bessie : “Personne n’a osé venir me faire de réflexion en face quant à mon choix de porter des perruques. Les discours que je vois, les reproches adressés sont surtout sur les réseaux sociaux”.

Solène porte une robe Alter Designs, des boucles d’oreilles Meiloumi, bagues Krysten Pautremat, bijoux de tête Yilou
Crédit photo : Samuel Fabia/ANCRÉ

Solène : “Choisir ma perruque c’est un moyen d’avoir confiance en moi. J’ai l’impression qu’à chaque fois que je porte une nouvelle perruque j’incarne une nouvelle personne. Je sors de ma zone de confort. Je vois ce qui se passe sur les réseaux sociaux et les réflexions du type -“pourquoi tu ne portes pas tes cheveux crépus”- ne vont pas régler le problème des personnes qui n’ont peut être pas confiance en leur texture de cheveux. C’est la société autour d’elles qui a construit certains complexes. Donc les pointer directement du doigt ne sera en rien éducatif ou guérisseur. C’est contre productif, c’est ajouter de l’humiliation à l’humiliation ou de l’incompréhension”.

Crédit photo :
Production : ANCRÉ
DA : Estelle Saidani, Samuel Fabia, Hanadi Mostefa
Photographe : Samuel Fabia

Vidéaste : Ginane Chaaban
Styliste : Estelle Saidani
Perruques et hair : Meila Kilama (et perruques personnelles)
MUA : Alison Prilleux et Manon Duret Mabire
Chargée de production : Flora Dibotti
Modèles : Bessie, Solène, Berlange et Morgane

12 avril 2023

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