Le tournoi de street basketball reste un fort symbole en France, mais la formule a-t-elle atteint ses limites ?
Peu d’événements en France auront le mérite de célébrer une culture de la street et les communautés aussi fortement sur le papier et sur le court que le Quai 54. Seul tournoi de street basketball au monde, il est un modèle de réussite. Depuis ses débuts en 2002 le parcours aura été dantesque jusqu’à être auréolé d’un partenariat avec Jordan Brand. Un graal, un trophée qui participe à la labellisation de cet événement salué à l’international. Seulement voilà, au clap de fin de la dernière édition, organisée tout de même saluons le, avec une jauge limitée à cause des restrictions sanitaires, on se demande si la formule n’a pas atteint ses limites. Et le lieu d’exception choisi cette année, au pied de la Tour Eiffel, n’aura pas suffit à compenser un recette qui ne se renouvelle plus depuis quelques éditions. Ni l’arrivée des féminines pour la première fois de l’histoire du tournoi.
Toujours une belle vitrine mais…
Public de moins en moins participatif, mêmes blagues servies chaque année par les MC provoquant des malaises étouffés en tribunes par quelques rires après un « c’est à cause de vous le Covid » lancé au micro à un membre du public d’origine asiatique, ou après le « t’as un mec, tu cherches un mec ? » à une joueuse allemande au milieu du terrain, Martin Solveig feeling – force est de constater que l’engouement s’effrite autour du Quai 54 semblant pris aux pièges dans certains clichés qu’il ne choisit pas de dépasser mais plutôt de cultiver. Les nombreux « pull-up pull-up » harangués au DJ enjoint à arrêter ses platines toutes les 5 minutes auront gâché les performances sportives, dommage. Parce que c’est là toute la perpective d’évolution de ce tournoi, en plus du sens de la fête, cet événement à sa place pour devenir bien plus qu’une hype le temps d’un weekend. D’être un endroit où on y vient pour vivre le sport de rue comme un sport professionnel. Où on voudrait repartir au bout de la nuit avec le maillot de l’équipe gagnante sur le dos.
On ne peut écrire ce papier sans mentionner que l’équipe du Quai 54 a perdu un de ses proches quelques mois avant le tournoi, que le moral était entaché mais ce serait mentir sur le sentiment d’affaiblissement qui règne depuis quelques éditions déjà. Avec l’impression parfois d’écouter les blagues d’un film qui aurait mal vieilli. Si la sécurité a largement été renforcée depuis la version payante du Quai, on s’interroge aussi sur ces tribunes en plein cagnard, endormissant un public déjà peu enclin à s’enflammer sur les actions du match. Les brumisateurs extérieurs et les caquettes distribuées n’auront pas suffit. On s’interroge sur le line-up 100% masculin (Koba LaD, Gazo, SDM) alors que le tournoi avait fait la place cette année aux féminines. On se rappelle les effluves de sueur d’un Ateyaba (Joke à l’époque) scandant un « L’État français j’lui fais sa fête, nique sa grand-mère le 14 Juillet » devant l’Assemblée Nationale. De l’attente d’un passage de Michael Jordan lui même en 2015 quand en 2021 Mokobé laisse croire au public que Michael B. Jordan pourrait passer. Sans ne jamais venir.
Le quai est bling, le quai célèbre l’Afrique il l’a fait d’autant bien cette année en consacrant un spectacle de danse entièrement réalisé sur la musique d’un orchestre africain venu surprendre un tournoi aussi étouffant que l’air ambiant. « Le Quai 54 a toujours été bling bling parce qu’on est ‘street chic’ et pas ‘street ghetto’. Il y a des personnes bien habillées. C’est un évènement culturel. C’est notre Roland Garros. On peut briller et être authentique. Jay-Z, c’est un rappeur. Il est authentique dans son rap mais il brille beaucoup. Nous c’est pareil « , expliquait Hamadoun Sidibé à Yard en 2020. On voudrait que le Quai brille encore, quitte à ce qu’il drafte de nouveaux membres dans son équipe pouvant proposer des aces (et non nous demander de sortir nos téléphones pour snapper un couple de soixantenaires qui s’embrasse).
21 juillet 2021