Le mouvement de la Arab Beauty est en marche

Abréviation d’“arab beauty”, le mouvement A-Beauty prend racine au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, encourageant tous les acteurs locaux de l’industrie des cosmétiques à s’emparer d’un secteur qui les a trop longtemps mis de côté.

Huda Kattan, la fondatrice de Huda Beauty. Crédit photo : Instagram @huda

La nouvelle est tombée ce mardi 3 juin : Huda Kattan, fondatrice americano-irakienne de la marque de cosmétique dubaïote Huda Beauty, reprend le plein contrôle de sa société. Fondée en 2013, l’entreprise appartenait en partie à TSG Consumer Partners, qui avait acquis une participation minoritaire de Huda Beauty en 2017. Aujourd’hui propriétaire unique de son empire estimé à près d’un milliard de dollars selon Forbes, Huda Kattan envoie un message fort à l’industrie : “Reprendre la pleine propriété de Huda Beauty est un moment très important pour moi. (…) À l’aube de ce nouveau chapitre, je m’engage plus que jamais à repousser les limites, à rester fidèle à nos racines et à défendre notre incroyable communauté à chaque étape du processus”. Citée comme la marque la plus populaire au monde dans le dernier Cosmetify Q1 2025 Beauty Index, Huda Beauty s’est imposée comme la grande sœur de toute une nouvelle génération de marques made in Moyen-Orient qui compte bien dominer le marché de la cosmétique tout entier. 

Honorer sa beauté

En août dernier, un rapport publié par Beautyworld en collaboration avec BeautyMatter l’affirmait : à la fin de l’année 2025, le marché de la beauté et des soins personnels au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) devrait atteindre 60 milliards de dollars. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, les notions de beauté de la région étaient calquées sur les standards européens. Et les marques, elles aussi, étaient occidentales. Une époque désormais révolue si l’on en croit le Dr Hussein Yassine, fondateur de la clinique Skin Expert à Beyrouth, habitué aux demandes d’injections de comblement dermique par ses patientes dans le but d’effacer leurs traits orientaux. “Nous assistons à une évolution vers l’authenticité, explique-t-il à Vogue Arabia, L’objectif n’est plus de ressembler à quelqu’un d’autre. Il s’agit de paraître sous son meilleur jour – et pour beaucoup, cela implique de préserver ses traits, et non de les effacer.” Boucles naturelles et sourcils épais sont mis en valeur par des eyeliners marqués et des lèvres charnues. “L’accent est mis sur l’obtention d’un teint parfait avec des produits pour le visage longue tenue, explique Sara Al Rashed, femme d’affaire derrière Asteri Beauty, Le blush est de plus en plus populaire, apportant un éclat vibrant et sain aux joues, répondant ainsi à la préférence des habitants de la région pour un look lumineux et soigné. Le maquillage des yeux reste une tendance forte, avec des eye-liners spectaculaires et des mascaras volumineux.” Loin de la “clean girl”, le mouvement A-beauty célèbre les beautés orientales. Et ce, grâce aux entrepreneuses orientales. 

Parmi elles,la fondatrice de la marque Moonglaze, Yara Alnamlah, invitée à s’exprimer lors du WWD Global Fashion & Beauty Summit 2025 à Riyad, qui l’affirme : “La beauté arabe est assurée, expressive, audacieuse – il s’agit d’assumer ses traits. Nous représentons la beauté arabe en permettant à chacun d’assumer et de valoriser son identité individuelle ; nous pensons que tout le monde ne devrait pas être pareil.” Également intervenante lors du sommet, Sara Al Rashed assume avoir pensé sa marque pour une clientèle orientale : “Je voulais créer une marque qui parle à la femme arabe moderne. En grandissant ici, nous n’avons jamais vu de marque conçue pour nous parler, adaptée à notre type de peau, à notre texture, ni même au climat local. C’est ce que je voulais créer : quelque chose qui parle à notre culture, tout en étant à la hauteur des standards internationaux”. Et c’est un succès : fondée en mai 2023, Asteri est aujourd’hui l’une des marques à croissance la plus rapide au Moyen-Orient. Dix boutiques en Arabie Saoudite, des points de vente au Bahreïn, au Koweït et au Qatar et une volonté d’expansion à l’internationale… Si Asteri Beauty prouve bien une chose, c’est qu’il y a une demande pour des marques pensées par et pour les femmes du monde arabe

Un marché florissant

“Nous ne sommes pas seulement une niche : nous sommes indispensables,” enchaîne Yara Alnamlah. D’après une étude du British Beauty Council, le Moyen-Orient enregistre les plus fortes dépenses mondiales en maquillage et soins de la peau. La croissance démographique et l’augmentation des revenus de cette zone fait d’elle l’une des plus puissantes en matière de pouvoir d’achat. Et le marché de la beauté ne fait pas exception. En effet, les femmes du Golfe dépenseraient en moyenne 63 dollars par mois en maquillage et 52 dollars en soins de la peau, tandis que les hommes y consacrent en moyenne 16 dollars par mois, d’après un article de Beauty Matter. Alors pourquoi ne pas le faire pour des marques prenant en compte les besoins et les envies des consommateurs de la région MENA

“Au Moyen-Orient, les consommateurs recherchent des marques qui valorisent et utilisent les ressources locales, préservent les traditions autochtones et soutiennent les économies locales, souligne Jane Henderson, présidente du département Beauté et Bien-être du groupe Mintel, 79 % des consommateurs saoudiens reconnaissent que le patrimoine est un élément important de leur identité.” Héritière d’une longue tradition du soin et du maquillage, la région revient à ses fondamentaux dans les produits qu’ils proposent, sans jamais négliger les avancées technologiques et scientifiques qui entourent le secteur. “De plus en plus de marques locales sont présentes sur le marché, et certaines connaissent une croissance très rapide, rappelle Ahmed Wagih, directeur général de la division Produits Grand Public de L’Oréal Moyen-Orient à Fast Compagny Middle East, Les parfums arabes, par exemple, dominent le marché de la parfumerie, proposant du oud et de l’ambre comme ingrédients locaux spécifiques. Les soins bio pour la peau et les cheveux connaissent également une croissance rapide, grâce au développement de marques locales propres et bio”. Après la K-beauty des Coréennes ou la J-Beauty des Japonaises, la A-Beauty s’inspire de son savoir-faire pour proposer des produits toujours plus innovants, participant largement au soft-power de la région. 

@crys4inc

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La création de nouveaux standards

Car si les femmes du Moyen-Orient veulent se maquiller à leur manière pour célébrer leur identité, elles contribuent à façonner de nouveaux standards de beauté. À une époque où l’inclusivité n’est plus une option pour les marques, les entreprises du Moyen-Orient s’imposent. Car ne pas penser sa marque de manière inclusive, c’est ignorer la multiplicité même des physiques de la région. “Les Arabes sont multiraciaux, rappelle Sara Al Rashed, Il y a beaucoup de personnes d’apparences différentes ici. Donc évidemment qu’Asteri est synonyme d’inclusion”. Et ça, sur le marché international, ça plaît. Dans le documentaire “The ‘Apartheid’ in the Beauty Industry” de la chaîne Sky News, Huda Kattan l’affirme : “L’industrie de la beauté continue de manquer à ses obligations envers les personnes de couleur”. Un manquement qu’elle-même, en tant que femme non blanche, n’a pas souhaité perpétuer. Et qui lui a permis, en proposant de nombreuses teintes de fond de teint, de s’assurer une place au sommet, devant Dior, Fenty Beauty, Rhode et Rare Beauty. Mais être inclusif, ce n’est pas uniquement penser à la couleur de peau, mais bien aux habitudes de vie, coutumes ou religions de la région. Comme le rappelle Huda Kattan, “beaucoup de musulmanes portent un niqab ou un hijab, ce qui met vraiment en valeur leurs yeux”. Elle poursuit : “Nous avons des traits prononcés et avons tendance à les mettre en valeur avec du maquillage des yeux. Les femmes du Moyen-Orient peuvent se permettre de porter des faux cils au quotidien, d’avoir un eye-liner prononcé ou d’oser se remplir les sourcils.”

 Pour les influenceuses Fyza et Sonia, qui se confient à Fashion Magazine, ces nouveaux modèles de beauté made in Dubaï et l’influence qu’ils ont eu sur les Kardashian-Jenner leur ont permis de s’accepter. “En grandissant, j’étais une fille arabe poilue dont personne ne voulait. Maintenant…” Originaires du Royaume-Uni, les créatrices de contenu ont bien vu l’impact qu’a eu le développement de marques comme Huda Beauty sur les standards occidentaux. “Avant, beaucoup d’Anglaises ne portaient jamais de maquillage couvrant. Elles le réservaient aux grandes occasions. Maintenant, elles portent du fond de teint Fenty et Huda et se lâchent. Elles portent même des faux cils, ce qui est beaucoup pour elles, alor que moi, c’est mon maquillage quotidien. Je pense que Huda a lancé la tendance du maquillage couvrant. C’est aussi une excellente voix pour le Moyen-Orient. Aujourd’hui, les marques proposent des produits d’inspiration arabe que les consommateurs peuvent acheter en toute confiance. Quand nous étions plus jeunes, on ne voyait jamais de parfum à l’oud [sur le marché grand public]. Maintenant, on en trouve partout.” Alors, le A d’A-Beauty serait-il celui d’Avenir ?

18 juin 2025

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