On vous conseille d’écouter la britannique mais aussi (et surtout) de la regarder sur Youtube.
Elle est là depuis 2016, année de son premier single, avançant sur son petit bonhomme de chemin, empruntant les lignes sinusoïdales du RnB. Depuis Londres où elle est née en 1998, Joy Crookes sublime sa voix mais aussi son héritage. Celui d’un père né à Dublin et d’une mère, originaire du Bangladesh. Un mélange qu’elle donne à avoir avec poésie dans ses clips qui sont des photographies de voyage mélangées aux codes street et pop-culture. La vidéo de « Don’t Let Me Down » sortie en 2018 reprend une chorégraphie représentant une femme à 8 bras. Un clin d’oeil à la divinité hindoue Durga, considérée comme une mère protectrice. Un visuel qui cumule plus de 5 millions de vues sur Youtube et qui sonne comme le début de l’esthétique Joy Crookes.
Sari et roues arrières
Depuis, des jeunes femmes en sari tapent des roues arrières, se parent de gilets par balles. Autant de visages et faciès qui sont peu représentés d’habitude dans le paysage musical européen même international. Et c’est tout ce sous-continent indien (Inde, Bangladesh, Pakistan, Sri Lanka…) que Joy Crookes célèbre avec une poésie sans pareil. Celle d’une jeune femme ancrée dans un Londres de 2022 mais à la recherche de l’autre moitié de sa culture et qu’elle nous livre dans une musique sous forme de journal intime. « Tous les hommes de ma famille ont été tués devant mon arrière-grand-mère », explique Crookes au New York Times. Un traumatisme qui perdure et qu’elle apprend à mettre en musique pour sensibiliser son audience aux luttes sanglantes qui ont eu lieu lors de l’indépendance du Bangladesh (1971).
Chanter et mettre en scène sa culture semble comme une évidence pour Crookes.« C’est pour cela que nos familles se sont battues. Pour que nous soyons dans ces positions où nous pouvons parler et ne sommes pas pénalisés pour cela », explique t-elle au New York Time à l’occasion de la sortie de son premier album « Skin » en 2021. Dans le titre « 19th Floor », titré en hommage à l’appartement de sa grand-mère situé dans un immeuble de logements sociaux au sud de Londres, Crookes joue des claquettes dans des costumes traditionnels.
Féminisme et culture
Dans « Feet Don’t Fail Me Now », Joy Crookes s’enroule dans un sari blanc, le tout dans une ambiance quasi Bollywood. Un vêtement qui symbolise la paix et la connaissance, mais qui représente aussi « le chagrin à cause du manque de couleur », explique l’artiste sur son Instagram. Les saris blancs « sont traditionnellement portés par les veuves. J’ai expérimenté dans ma culture et dans ma famille que les femmes bangladaises sont souvent définies par les hommes/maris dans leur vie. J’ai décidé de porter le sari blanc et de faire une roue arrière devant un groupe d’hommes bangladais pour reprendre le pouvoir d’écrire mon propre récit. Dans cette scène, j’avais l’impression d’être à égalité avec les hommes de ma culture ».
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11 février 2022