Comment Glossier est passée de la marque préférée des influenceuses à l’une des plus décriée ?

Chronique d’une chute.

Campagne d’affichage en France lors du lancement de la marque dans l’hexagone en 2018
Crédit photo : Glossier

L’histoire pouvait faire rêver, la marque Glossier née à New York était passée d’un blog à une marque de cosmétique estimée à 1,8 billions de dollars en juillet dernier. Mais voilà, l’entreprise lancée par Emily Weiss en 2014 et qui prônait une image allant à l’encontre des standards à l’époque, misant sur le make-up naturel et minimaliste, vient de licencier un tiers de ses effectifs. Peut-être aviez-vous vu les affiches de la marque pulluler dans Paris ou sur le compte de nombreuses influenceuses française lors de son arrivée en France avec le slogan « Liberté, Égalité, Glossier ». Un marketing du less is more et basé sur l’inclusivité qui souffre aujourd’hui de mauvaises décisions prises par l’entreprise comme le reconnait sa fondatrice dans un mail envoyé à ses employés fin janvier. Des choix stratégiques mais aussi des problèmes en interne qui entrainent aujourd’hui le licenciement de 80 employés alors que l’entreprise a levé 80 millions de dollars en juillet dernier. Alors que se passe t-il à Glossier ?

Des conditions de travail décriées

Si la marque inondait il y a encore peu de temps les réseaux sociaux, recevant les louanges de nombreuses influenceuses beauté, un mouvement de contestation est venu naitre sur ces mêmes plateformes sociales. Dans plusieurs vidéos, elles sont nombreuses à pointer du doigt le peu de produits sortis par la marque ces derniers mois face à une concurrence accrue sur le marché de la beauté dite « minimaliste ». L’autre cause du désintéressement des consommatrices, une affaire remontant à 2020 et dans laquelle la marque Glossier avait été accusée d’entretenir une culture de travail toxique le tout saupoudré par des allégations de racisme. Des employés anonymes avaient même lancé une compte Instagram sous le nom de Outta The Gloss pour exprimer leurs griefs. « Plusieurs fois, moi et d’autres employés avons exprimé notre inquiétude face au racisme auquel nous étions confrontés et on nous a dit de » se sentir habilité à partir (…) Lorsque nous avons demandé ce que la direction ferait, nous n’avons reçu pratiquement rien. », témoigne une ancienne employée. En l’espace de quelques mois, le compte affiche près de 11 000 abonnés et remonte jusqu’aux oreilles de la PDG Emily Weiss. Plus alimenté à ce jour, il participait à relayer de nombreux témoignages d’employés.

Une image trop parfaite plus en accord avec les attentes des consommatrices beauté

« Porter le costume rose Glossier c’était comme porter le costume de Minnie à Disneyland », explique une employée qui raconte un envers du décor bien moins rose que la couleur de la marque. Multiplications des tâches pour le même salaire, peu de considération de la part des managers, la fatigue et l’exaspération ont gagné de nombreux employés. L’autre reproche adressé à Glossier, et cette fois de la part de ses consommatrices, le rêve inatteignable de la peau parfaite. Misant sur des produits très peu chargés et avec des publicités featurant des femmes à la peau ultra-lisse, Glossier s’adresse avant tout à un public dont la peau serait déjà quasi parfaite relèvent certaines acheteuses. Une erreur stratégique quand l’heure est à l’éducation dans le monde de la beauté avec de nombreuses influenceuses affichant désormais leurs acnés ou autres rougeurs. Surtout depuis la pandémie où les barrières sont tombées et où la population recherche davantage de transparence. L’honnêteté, c’est la stratégie adoptée par exemple par le groupe Deciem récemment racheté par Estée Lauder, qui avec son label The Ordinary mise sur des produits Skincare ressemblant davantage à des formules chimiques. Le tout avec des explications claires quant à l’application de ses produits directement inscrites sur le packaging. Un contenu aux vertus pédagogiques qui est aussi relayé sur Instagram et dont sont friandes les consommatrices. Sur TikTok les marques de skincare qui éduquent les consommateurs sont d’ailleurs les plus populaires.

L’autre talon d’Achille de Glossier, sa petite soeur Glossier Play lancée en 2019 et arrêtée en février 2020. En quelques mois elle sera décriée pour ses packagings allant à l’encontre des préoccupations environnementales de sa communauté. « C’était la marque de beauté dont personne – et surtout pas l’environnement – n’avait besoin », écrit le site spécialisé dans la beauté Refinery29. Et la distribution des produits Glossier seulement en magasins ou sur son site internet n’aura pas participé à élever la marque dans le coeur des Beauty lovers. Cette exclusivité aura rendu plus compliqué le shopping multimarques dont sont friandes les utilisatrices de produits de beauté qui préfèrent valider un panier en ligne bien garni.

La comète Glossier comme la qualifiait Le Monde en 2018 lors de son arrivée en France, n’a-t-elle fait que passer ? Les prochains mois chez Glossier seront cruciaux et ses actionnaires guetteront surement si la marque arrive à redresser la barre dans un marché en pleine expansion et qui voit chaque mois naitre de nouveaux labels.

2 février 2022

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