Longtemps jugés sales, ils sont devenus Instagrammables et sont une des répercussions du Black Lives Matter.
Longtemps jugés sales, les dreads font leur grand retour, poussés par la tendance du Black Live Matter qui a permis à toute la culture afro de rayonner. En plus de la mode dite textile, qui a largement participé à mettre en lumière les coutumes et savoir-faire africains, c’est aussi via le cheveux que l’Afrique transpire tout en continuant à construire un panorama d’inspirations éclectique. Alors qu’avant on plébiscitait la coupe dite afro, c’est désormais une autre coiffure qui s’est faite sa place, bien loin des préjugés qui l’ont jadis mise au placard. Le dread est bien vivant, et il a troqué son petit nom pour celui de locks. Finis les dreadlocks qu’on associait à (tort) à la Jamaïque, le joint mais aussi les punks à chien. Bien loin de ces paradigmes le locks est devenu tendance et s’affiche sur les têtes les plus en vue d’Hollywood. Sur Instagram le hashtag #dreadlocks cumule 4,8 millions de publications talonné par #locks à 1 million. Alors comment les Rastas sont devenus la coiffure la plus hype du moment ? Tentative de réponse avec Wetshi coiffeuse afro et Thomas, fondateur de Dreadluxe, salon de coiffure ouvert depuis 2013 à Paris.
ANCRÉ. : Les dreads ont longtemps été considérés comme une coupe de cheveux sales. Qu’est ce qui fait que les regards changent en ce moment ?
Thomas, fondateur de Dreadluxe : Je pense que les idées reçues sur l’aspect sale des dreadlocks se dissipent peu à peu. C’est à la fois lié à l’effet de mode mais aussi au fait que les gens s’informent de plus en plus et font appel à des professionnels qui leurs expliquent que ce n’est qu’un cheveu emmêlé qui reste propre à condition qu’on le lave régulièrement.
Wetshi, coiffeuse afro : Je pense que les regards changent car justement aujourd’hui les personnes ayant des dreads avec les réseaux sociaux montrent de plus en plus comment cela demande beaucoup d’entretiens, que faire des dreads ce n’est pas qu’on est fainéant au contraire c’est tout un processus de patience et d’amour pour son cheveux que l’on entreprend.
Ils ont aussi souvent été l’apanage des hommes, pourquoi les femmes se les approprient désormais ?
Thomas : C’est surtout l’aspect sauvage que cette coiffure renvoie qui repoussait sûrement certaines femmes ainsi que les idées reçues liées à l’hygiène.
Wetshi : La femme aiment énormément changer de tête et cette coiffure s’est révélée être une excellente alternative aux braids, nattes collés ect… Et il y a même énormément de versatilités dans les locks : longueurs , épaisseurs, textures, couleurs ! C’est un autre moyen d’être unique.
Que vous disent vos clientes lorsqu’elles viennent se faire des dreads ? Quelles sont leurs envies ?
Thomas : En général c’est une grosse étape dans leurs vie, elles y réfléchissent parfois plusieurs années avant de franchir le pas. C’est une manière de se réapproprier leur identité, d’arrêter avec des artifices et de s’accepter telles qu’elles sont.
Wetshi : La grande majorité c’est pour changer comme je disais au dessus des coiffures classiques. Il y a parfois des femmes qui veulent s’essayer au faux dreads avant de passer aux vraies. Certaines c’est pour prendre position : par exemple essayer de démocratiser cette coiffure au travail alors qu’elle peut être mal vu, prouver qu’on peut être professionnel même en portant des dreads.
Vous faites justement de “faux dreads” Wetshi, pouvez-vous nous expliquer cela.
Wetshi : Ce sont des dreads qui sont temporaires, que l’on garde généralement un mois pour ne pas avoir à passer par tout le processus de la création de vrais dreads.
Votre clientèle a-t-elle changé ces derniers mois, dernières années ?
Thomas : Non pas tellement dans l’ensemble notre fréquentation reste la même je dirais qu’elle s’est diversifiée. La clientèle s’est élargie. Les profils sont plus larges, la tranche d’âge aussi, la vision des parents s’est ouverte, ce qui amène plus de parents à venir avec leurs enfants. Les icônes du moment ont beaucoup participé à ça. Je pense au film « Black Panther », mais aussi la scène rap us/fr, le mouvement nappy.
Wetshi : C’est pareil pour moi. Mais c’est vrai que maintenant même les plus réfractaires, celles qui n’aiment que des coiffures très classiques essayent les faux dreads, il y a tellement de possibilités qu’il y en vraiment pour tous les goûts et ça c’est plutôt cool de faire changer les idées reçues.
Voyez-vous le dread comme une tendance actuelle éphémère ou va-t-il s’inscrire selon vous dans la durée auprès du plus grand nombre ?
Thomas : Le pic de ces derniers années est dû à la médiatisation de cette coiffure mais ça ne risque pas de s’éteindre rapidement (un peu comme le tatouage) c’est rentré dans les mœurs et les gens ne veulent plus correspondre aux standards donc il y en aura de plus en plus je pense !
Wetshi : Ça fait déjà un peu plus de 5 ans que c’est tendance et il y a toujours différents styles qui s’inventent et de plus en plus de personnes décident d’entrer dans la « journey » des vrais dreads car c’est une coiffure qui se prête vraiment aux cheveux texturés donc c’est sûr que ça va s’inscrire dans la durée. D’ailleurs il y a même des statues datant de plusieurs siècles avec des dreads, tout n’est qu’un éternel recommencement …
On utilise également davantage le terme locks, plutôt que dreads désormais. Pourquoi selon vous ?
Wetshi : Je vous avouerais que je ne me suis jamais penchée sur la question mais sûrement parce que le terme dreads renvoie à une image péjorative de la coiffure, on veut se détacher de cette image en changeant de terme.
Vous pouvez retrouver les créations de Wetshi ici, et de Dreadluxe ici.
12 avril 2021