Studio Visite : Zéro pression à Sousse en Tunisie avec Hamza Sellmy

L’artiste y a créé un monde parallèle qui représente notre société.

Crédit photo : Courtesy Hamza Sellmy

Pour ce nouveau Studio Visite, on vous emmène dans la petite ville portuaire de Sousse, à l’Est de la Tunisie. C’est là bas que l’artiste Hamza Sellmy a élu domicile, pris entre la mer qui l’inspire et qu’il ne pourrait pas quitter et une envie irrépressible de ne pas faire sourire les personnages qu’il peint. Lui pourtant qui a le smile facile sur chaque photo, plonge ses pinceaux dans une palette de mélancolie et de second degrés pour dénoncer notre société de consommation et la solitude toujours plus grandissante des êtres humains. Visite guidée ci-dessous et lait après second degrés conseillé.

ANCRÉ : Parle-nous de ton studio. Là où tu crées. Ça ressemble à quoi ?

Hamza Sellmy : Par où commencer ? Les lustres handmade de mon père, le lit en palette ou les canapés récupérés à quelques dinars lors d’une soirée ? Le studio est rempli de tableaux je dois l’avouer, j’aime dessiner sur des grandes toiles mais j’oublie qu’ils prennent beaucoup de place aussi ! Mon atelier de créativité est au dessus de la maison dans laquelle j’ai grandi, à Hay Riadh Sousse, c’est là où mes yeux sont inspirés. Ça fait plaisir de vivre seul mais ça rassure d’avoir la famille à côté aussi.

Tu es installé à Sousse en Tunisie. À quoi ressemble la ville ? Pourquoi as-tu choisi d’en faire ton lieu de création ?

C’est surtout pour le calme et le confort ! Il n’y a pas beaucoup de stress et de pression à Sousse, tu as le temps de bien réfléchir et de suivre le rythme, et surtout je suis près de la mer, c’est ce qui m’inspire le plus.

Comment décrirais-tu la scène artistique en Tunisie ? J’ai lu quelque part que tu disais qu’il était dur d’être reconnu comme artiste là-bas.

Je passe mes journées avec un des plus pures, Mejdi AKA Cosmic qui n’arrête pas de m’inspirer pour la vie et pour mes œuvres. Mais je ne suis pas tellement dans la scène artistique en Tunisie, je suis ami avec plusieurs artistes et je les respecte tous, mais j’ai du mal avec ce monde ici, je ne m’y retrouve pas, la télévision à plus ou moins rendu l’art comme banale et sans importance, ceux qui passent à la télé ont tendance à donner une mauvaise image des artistes.

J’ai aussi lu que ton surnom était Saow. Qu’est-ce que cela veut dire ?

(Rires). Saow c’est un ancien nickname, on me l’a attribué quand j’étais petit avec les amis, du coup je l’ai utilisé comme signature quand je me suis lancé dans le graffiti et le street art. J’ai malheureusement grandi avec l’idée que l’art de rue c’était pour les « clochards » qui n’ont pas d’avenir, donc je préférais cacher mon nom et garder le nickname.

Crédit photo : Courtesy Hamza Sellmy

Tu as donné un nom à ton style : le Doodle. C’est quoi le Doodle d’Hamza Sellmy ?

Ça c’était avant, le doodle me permettait de m’exprimer à travers plusieurs détails et avec des œuvres chargées, là ça devient de plus en plus épuré et simple, qui sait je me retrouverais peut-être dans un autre style complètement diffèrent. On n’arrêtera jamais d’expérimenter.

Tu introduis des personnages dans tes peintures. Qui sont-ils ? On les croirait sortis de tes rêves ou cauchemars.

J’ai créé un genre de monde parallèle qui représente notre société avec toutes les situations possibles qu’on peut vivre en Afrique du nord, quand on est seul, loin des autres. Tous ces moments évoquent de nombreuses émotions et sentiments qui diffèrent de chaque être humain. Mes œuvres ne parlent pas forcément juste de moi-même, mais de chaque personne qui nous entoure et je les dessine en tant que créature juste pour créer une certaine distanciation qui rassure d’un certain côté.

Tu dessines également des scènes de la vie quotidienne. Que dénonces-tu à travers elles ?

Je dénonce la peine que peut ressentir chaque humain, je dénonce une société de consommation excessive, les humains en ont assez de leur quotidien. Mes personnages ont tendance à avoir des expressions faciales neutres, on est submergé par nos sentiments que quand on est seul, face à nos actions quotidiennes.

Crédit photo : Courtesy Hamza Sellmy

On y voit de la mélancolie, pas mal de middle finger… Hamza Sellmy c’est un artiste qui est triste ?

Je suis extrêmement reconnaissant de ce qui m’entoure, je peux être heureux pour des raisons très banales des fois. Mais cela n’empêche en rien que j’ai une tristesse énorme face à ce qui se passe dans le monde, à toutes les peines que peuvent ressentir les gens, à tout ce que traverse les autres sans que personne ne le sache. Donc oui, je me met en colère, une soudaine dépression intense apparait, une douleur morale incontrôlable, et le seul remède ou apaisement c’est de mettre cette colère dans une toile, tu dessines ce que tu ressens sans filtre, il y en a surement qui vont s’y reconnaitre. Parce que c’est humain de ressentir ce genre d’émotion, personne n’est pure à 100%. Il n’y a pas que de la mélancolie et de la tristesse dans mes œuvres, j’avoue que j’ai du mal à exprimer mes sentiments en vrai, donc je n’ai trouvé que cette technique pour extérioriser.

Crédit photo : Courtesy Hamza Sellmy

« Would you like you if you met you ? (Est-ce que tu t’aimerais si tu te rencontrais?) ». C’est une question que tu poses dans une de tes dernières illustrations. Alors on a envie de te poser la question : est-ce que tu t’aimerais si tu te rencontrais ?

Je tombe amoureux direct (rires). Plus sérieusement, je vois en moi tous mes défauts, si j’étais mon ami je voudrais être la personne qu’on voit une fois par semaine, ça suffit ! Je reconnais que la question pousse chaque être à avoir une bonne réflexion sur soi-même, nos pensées n’arrêtent pas de changer, nos avis aussi, moi personnellement je ne fais rien comme les autres et cela peut changer d’ici 5 ans par exemple, vu que 5 ans avant je n’étais pas du tout la même personne qu’aujourd’hui. Mais pour conclure sur la question, je souhaiterais donner juste un conseil : aimez-vous avant d’aimer les autres, nous avons tendance à nous aimer à travers les autres, je ne dis pas que c’est faux mais c’est plus sain de s’aimer soi-même sans égoïsme et égo trip.

Parle-nous de ton laboratoire Banjer. On y voit une grosse obsession pour les chaussettes… mais aussi une belle ode à ta culture.

Banjer n’est pas juste un Lab ou un atelier, c’est une idée issue d’une harmonie entre ses membres. Dans mon travail personnel je partage mon idée avec moi-même. À Banjer on se partage des idées avec des artistes, on pourrait dire que c’est une collaboration entre plusieurs êtres créatifs, ce n’est pas mon idée à moi tout seul. Nous sommes plusieurs cerveaux, yeux, idées et mains, nous essayons de créer une marque basée sur l’art accessible à tous et qui prend forme dans des petits objets ou vêtements avec une identité tunisienne sans pour autant que ça soit de l’artisanat, tel que ‘Hlib el Ghoula’, notre bière, etc. Il n’y a pas que le Safseri, Dengri, Chechia, Barnous, qui représentent la Tunisie ou le nord Afrique, faisons entrer le streetwear dans l’artisanat et restons fidèle à notre culture.

Retrouvez le travail d’Hamza Sellmy ici et tous nos Studio Visite ici.

Crédit photo : Courtesy Hamza Sellmy
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