Pour Miu Miu, la réalisatrice française Alice Diop, célèbre la femme noire

Présenté en avant-première à la Mostra de Venise, le court-métrage “Fragments for Venus” d’Alice Diop vient compléter la série “Women’s Tales” de Miu Miu.

Crédit photo : Brigitte Lacombe / Miu Miu

Déjà Grand Prix du Jury en 2022 pour Saint Omer, Alice Diop fait son retour à la Mostra de Venise en signant le 30ème film de la série de films “Women’s Tales” de Miu Miu, initiée il y a déjà 15 ans. Primée pour ses documentaires consacrés aux communautés marginalisées de la banlieue parisienne, la cinéaste revient à ses premiers amours en permettant la mise en lumière de différentes femmes noires, grandes oubliées des corpus artistiques. 

Baptisé “Fragments for Venus”, le film suit deux protagonistes : l’une déambule dans les dédales du Musée d’Orsay à la recherche des femmes noires de l’Histoire de l’Art, l’autre s’émerveille devant celles qui l’entourent dans les rues de Brooklyn. Et toutes deux incarnent, dans l’œil de la réalisatrice, les nouvelles manifestations de Vénus, déesse de la beauté et de l’amour. Rejoignant les grands noms qui se sont prêté à l’exercice de Miu Miu, comme Lucrecia Martel, Agnès Varda et Alice Rohrwacher, Alice Diop puise son inspiration dans le poème “Voyage of the Sable Venus” de Coste Lewis, paru en 2015, qui, selon elle, “revisite et questionne la place accordée au corps des femmes noires dans l’histoire de l’art occidental,” comme elle le confie à WWD. “C’est un sujet qui a toujours été au cœur de mon travail et il me semblait particulièrement pertinent de pouvoir l’interroger dans ce film,” précise la cinéaste. 

Crédit photo : Brigitte Lacombe / Miu Miu

La réappropriation d’une histoire

“Nous, les Noirs, venons de cette histoire de la peinture où nous avons été marginalisés, objectifiés.” Un constat qui guide les 21 minutes du court-métrage, qui célèbre la reprise en main de cette histoire de la représentation par les nouvelles générations. “Artistes, écrivains, penseurs, nous sommes là aujourd’hui. Ce film témoigne de la manière dont nous sommes désormais prêts à nous exprimer.” Politique par essence, le nouveau travail d’Alice Diop s’inscrit dans la veine de ses précédents projets, et ne trahit jamais son point de vue, même dans le cadre d’une collaboration avec une marque de luxe comme Miu Miu. “C’est la première fois que j’accepte une collaboration de ce genre. Pour moi, une commande ne suffit pas à propulser un projet. J’ai besoin de quelque chose de plus intime, de plus viscéral. Mais il est difficile de refuser l’offre de rejoindre une équipe aussi prestigieuse car la plupart des cinéastes qui ont participé aux Women’s Tales sont parmi celles qui m’intéressent le plus et m’inspirent le plus, a-t-elle d’ailleurs confié, toujours à WWD, Je réalise des films depuis les marges, avec l’intention politique de filmer ces marges, car ce sont mes origines. C’est mon territoire, mon histoire.” 

Pour la réalisatrice, entre “Saint Omer” et “Fragments for Venus”, il n’y a pas de différence. D’ailleurs, elle va même jusqu’à décrire ce nouveau projet comme étant son “œuvre la plus simple et la plus radicale à ce jour”. Entre esthétique et prise de position, le cinéma d’Alice Diop soulève autant de questions qu’il y répond. Et ce, peu importe le format. “Pour moi, il n’y a pas de différence entre un film de trois heures ou de vingt minutes, entre une fiction et un documentaire,” affirme-t-elle.

Et si “Fragment of Venus” était finalement là où se situait l’âme d’Alice Dip ? “Il y a un tournage complètement documentaire, mais aussi un geste très politique et philosophique dans le choix de deux femmes, explique-t-elle, cette fois-ci à Vogue, J’ai grandi avec l’idée qu’il fallait se fondre dans la masse, presque disparaître, se conformer à des normes, cela a eu un impact profond sur moi. Mais le film est aussi né d’une idée plus générale, qui est posée dès le début : d’où venons-nous, en tant que femmes noires, dans l’histoire de l’art ? Comment cette histoire nous a-t-elle marginalisées, fétichisées ? Aujourd’hui, ces femmes sont vues par moi, une cinéaste, mais aussi par une sculptrice, une photographe, et tous ces artistes que l’on voit sur mon moodboard. Ces artistes contribuent à réparer des formes de représentation stigmatisantes. Il y a donc, oui, une part de vécu personnel dans ce film, mais on dépasse cela pour arriver à une lecture politique : voilà où nous en sommes aujourd’hui dans la représentation, en contraste avec ce que l’on voit dans la partie tournée au musée.” Bien au-delà du court métrage léché auquel on pourrait s’attendre de la part de Miu Miu, Alice Diop offre au monde un vrai geste cinématographique et répare, ne serait-ce qu’un peu, des siècles de marginalisation du corps noir féminin dans les corpus culturel. Chapeau l’artiste.

8 septembre 2025

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