En s’associant avec Saks Fifth Avenue, Amazon propose désormais du Dolce & Gabanna et du Balmain entre deux chargeurs de téléphones. Et affirme, un peu plus, sa volonté de devenir une référence dans le luxe.
Longtemps, Amazon a été la version web d’un grand bazar de quartier, où le matériel électronique côtoyait des étalages de livres, des objets fonctionnels et des produits ménagers. Mais, en 2020, le géant du commerce en ligne créait Amazon Luxury, une section mobile dédiée à la vente haut de gamme, proposant des vêtements griffés et cosmétiques miracles. Posant, au passage, la première pierre vers un changement de statut.
Les nouveaux codes du luxe ?
Malheureusement pour elle, la plateforme peine à faire vivre ce nouveau concept, comptant sur Oscar de la Renta comme premier partenaire (auquel se sont ajoutées des marques comme Sergio Hudson, Rodarte et Altuzarra). En effet, malgré ses efforts, Amazon reste identifié comme un site consacré aux bonnes affaires, et les clients ne se bousculent pas pour faire vivre cette section, dont l’accès depuis la page d’accueil est – qui plus est -, difficile. Mais les choses pourraient bien changer. En décembre dernier, Amazon devient investisseur de Saks Global, la société mère de Saks Fifth Avenue alors que cette dernière cherche des financements pour racheter le groupe Neiman Marcus, finalement cédé pour 2,65 milliards de dollars (propriétaire de Bergdorf, entre autres).
Un win-win qui permet à Saks Global de s’agrandir, et à Amazon de peut-être, enfin, toucher la clientèle haut de gamme tant convoitée. Stella McCartney, Balmain, Dolce & Gabbana, Giambattista Valli et Rebecca Vallance… Tant de grands noms désormais vendus sur Amazon sur une page plus minimaliste, éditorialisée, mais qui respecte les codes du géant de la vente. Et oui, là où l’abonnement Prime permettait d’avoir les croquettes du chien livrés en 24h, les membres premium peuvent désormais acheter un cardigan Balmain à 1890 dollars aux US ou un sérum Irene Forte à 130 euros en France, en bénéficiant de la même livraison express et gratuite. Des codes inspirés de la grande distribution qui prennent également la forme de coupons de réduction (-10% en échange de l’inscription aux SMS ou e-mails de Luxury Stores) et logo Saks affiché en grand. Cependant, les avis clients ont disparu. “L’expérience du luxe ne correspond pas à ce qu’on attend,” résume Jessica Ramírez, cofondatrice du cabinet de conseil en vente au détail The Consumer Collective à Vogue Business.
En effet, Emily Essner, présidente et directrice commerciale de Saks Global, se réjouit de voir la frontière entre consommation de masse et monde du luxe s’effacer : “Nous sommes très enthousiastes à l’idée de pouvoir accéder à un client qui fait ses achats sur Amazon et qui est qualifié pour le luxe,” a-t-elle notamment déclaré dans un communiqué. Une frontière devenue encore plus poreuse en physique, puisque, pour toucher ses clients habitués au luxe, la boutique historique de Saks sur la Cinquième Avenue à New York consacrera une vitrine spéciale à ses articles disponibles à la vente sur Amazon.
Une opportunité pour les jeunes créateurs
Notons tout de même que cette association survient dans un contexte de dislocation des plateformes de e-commerce de luxe, encouragée par la fin du Covid. “On assiste à une naturelle accélération du magasin monomarque physique, tiré par le retour à la vie sociale et le tourisme, et à un déclin des canaux digitaux, qui se normalisent,” explique Federica Levato, partner de Bain & Company et co-auteure d’un rapport établi par Altagamma, une association qui regroupe les grands noms du luxe italien.
De quoi rendre l’opération plus complexe que prévu pour la société de Jeff Bezos. L’un des points de ce partenariat insiste notamment sur le fait que les designers eux-mêmes choisissent d’être vendus ou non sur la plateforme de e-commerce. On doute alors que certains grands noms de la mode (bénéficiant par ailleurs déjà d’une présence en ligne) décident d’associer leur image avec celle d’Amazon, notamment si leurs sites physiques fonctionnent mieux que leurs plateformes digitales. Par contre, cela pourrait représenter une vraie opportunité pour les jeunes créateurs. “Pour les marques indépendantes, il existe une opportunité de création d’espaces vierges grâce à des partenaires de vente non traditionnels,” souligne Jessica Ramírez. Un point sur lequel a souhaité appuyer Emily Essner qui se dit “ravie de collaborer avec un groupe incroyable de partenaires de marques avant-gardistes pour le lancement” et impatiente “d’élargir la sélection avec des marques supplémentaires au fur et à mesure que nous faisons évoluer l’expérience.” Si, en France, Amazon Luxury se fait plus discret, la section propose pour l’instant neuf marques à la vente, dont celle de vêtements d’été Vilebrequin ou de cosmétiques Royal Fern.
5 mai 2025