Dubaï Bling sur Netflix, toujours plus de thunes, toujours plus de stéréotypes

Alors que la saison 3 du show dubaïote s’apprête à débarquer sur Netflix (le 8 janvier prochain), petit récap’ de ce que Dubaï Bling dit (ou non) de l’élite émiratie. 

Les millionnaires de « Dubaï Bling ». Crédit photo : Netflix

On connaissait “The Real Housewives” ou “Selling Sunset”. Jusqu’alors quasi-exclusivement américaine, la téléréalité consacrée au quotidien des ultra-riches a désormais ses versions arabes sur Netflix. Après « The Real Housewives of Dubaï », le petit nouveau, baptisée “Dubaï Bling”, reprend tous les ingrédients qui ont fait le succès des autres émissions du genre : une bande de beaux et belles-gosses plein aux as, des crêpages de chignons et des soirées plus fastueuses les unes que les autres. Le tout, saupoudré d’une pincée de culture orientale. Quoi que. 

“Arrivée à Dubaï avec 300$ en poche”

La promesse de ce docu-soap-opera ? Une immersion dans un “cercle de haut vol à Dubaï, où jets privés, fêtes somptueuses, lignes d’horizon époustouflantes et tenues étourdissantes sont monnaie courante”. Mettant en scène un cercle de 10 “amis” millionnaires influenceurs, entrepreneurs, DJ ou jet-setteurs issus de différentes régions du monde (du Liban à l’Inde en passant par l’Arabie-Saoudite), l’émission enchaîne les dramas autour de fêtes d’anniversaire sponsorisées, de dressing trop petits et de cadeaux postnatal en retard. Le show parfait à s’enfiler un dimanche sous la couette, qui tente, parfois, quelques percées plus profondes. On y entrevoit par exemple des conversations au sujet du recours à une mère porteuse, d’entamer une thérapie, de divorcer ou d’être mère célibataire, des sujets encore tabous dans le monde arabe

Quelques extraits seulement noyés dans un ego-trip à grande échelle qui contribue à dépeindre un Dubaï factice, où le rêve américain du “self-made man” semble avoir migré. Entre les déclarations déjà cultes de la Zeina Khoury, “Queen of Versace”, qui confie être “arrivée à Dubaï avec 300$ en poche” et l’étalage de lingots d’or de l’influenceuse Farhana Bodi pour être prise au sérieux dans le monde de la crypto et face à “toutes ces filles qui pense qu’elle a un faux lifestyle” (le tout devant un Fadie bien sexiste qui déclare en aparté être “surpris qu’elle ait un corps et un cerveau”), la légitimité d’un tel étalage s’opère par une drôle de méritocratie.

“Ce que je voudrais que les téléspectateurs retiennent de ma participation, c’est qu’ils sont maîtres de leur destin, avoue d’ailleurs Zeina dans un entretien pour L’Orient Le Jour, Ils n’ont pas à accepter la réalité dans laquelle ils sont nés. Le travail acharné vous fera gagner des places dans la vie, alors n’hésitez pas à prendre des risques calculés et à faire les efforts nécessaires, si d’autres peuvent le faire, pourquoi pas vous ?” Tous passent la moitié de leur temps à justifier leurs privilèges, et l’autre à les jeter à la figure de leurs pairs (Farhana a-t-elle loué son Birkin ???). Ainsi, quand les téléspectateurs ont découvert le projet de LJ Loujain Adada de devenir serveuse, cela a provoqué l’indignation sur les réseaux sociaux. À juste titre.

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La réalité derrière le bling

Car c’est bien le problème de cette télé-réalité, aussi divertissante soit-elle. L’étalage de fric permanent du show est perçu comme une mise en scène complètement déconnectée de la réalité de Dubaï de la part d’une large partie des téléspectateurs. Première émission du Moyen-Orient à se tailler une part d’audience internationale (et troisième la plus regardée sur Netflix en langue non-anglaise), Dubaï Bling est avant-tout un show controversé, qui, malgré un audimat phénoménal, s’est attiré les foudres d’un grand nombre de détracteurs qui dénoncent notamment l’invisibilisation des communautés opprimées de la cité émiratie.

Comme le souligne le journaliste Joseph Fahim dans un article du Middlee East Eye, “Ici, vous ne rencontrez jamais la classe défavorisée des Philippins et des Pakistanais, entre autres, qui tentent de subvenir aux besoins de leur famille restée au pays ; vous ne rencontrez jamais les expatriés malheureux étouffés par la grandeur creuse et l’artificialité de la ville ; vous ne rencontrez jamais l’Arabe homosexuel forcé de se cacher dans le placard… Vous ne rencontrez jamais quelqu’un qui ne pense pas que la vie dans l’Émirat est fantastique.”

Outre ce manque de réalisme (présent dans toutes les téléréalités du monde, soyons honnêtes), le critique dénonce aussi l’unique prisme de valorisation de la ville : la thune. “Dubaï Bling ne met pas en lumière les vertus de la ville : la scène artistique et littéraire florissante, l’absence de discrimination religieuse, l’éthique de travail honorable, souligne Joseph Fahim, Au contraire, il vend le rêve que n’importe quel voyou à demi-talentueux mais beau, avec des relations ou une fortune familiale peut réussir”

@dubaiblingtv

Ebraheem wants to buy Zeina’s company. #DubaiBling

♬ original sound – Dubai Bling

“I am the company habibi”, vraiment ?

Si l’une des protagonistes du show, Zeina Khoury, est devenue célèbre pour avoir déclaré ne pas avoir besoin d’être propriétaire de sa société immobilière (elle n’est “que” PDG) lors d’un clash historique avec Ebraheem Al Samadi, l’image de la girlboss est bien éraflée par l’émission. En effet, si la “Queen of Versace” se félicite dans L’Orient Le Jour de “parler et d’être ouverte sur les questions privées qui continuent d’être un tabou dans la région MENA”, Dubaï Bling dit autre chose de la condition féminine notamment à cause d’un traitement ultra-stéréotypé. “Je veux aussi que les spectateurs se souviennent de l’importance pour les femmes d’être financièrement indépendantes, car cela leur donne un pouvoir, une confiance et une liberté illimités, déclare Zeina. 

Safa Siddiqui, reine du style. Crédit photo : Netflix
Safa Siddiqui, reine du style. Crédit photo : Netflix

Pourtant, pour Joseph Fahim, Dubaï Bling dit bien d’autres choses : “Comme la plupart des émissions de télé-réalité, Dubai Bling réaffirme les stéréotypes féminins : la blonde idiote, la Saoudienne incroyablement riche, la chercheuse d’or, la femme au foyer arabe jalouse, la bavarde indienne. Toutes les femmes choisies pour l’émission sont obsédées par leur image, obsédées par leur richesse, obsédées par les ragots, obsédées par leur corps.” Il poursuit : “Ni les créateurs de la série ni les personnages ne prônent d’idéaux progressistes. La série suggère que Dubaï n’est pas une ville de liberté sans limites : c’est une ville idéale pour élever des familles dans un environnement sûr et confiné. Dubaï, en ce sens, est l’équivalent arabe de la banlieue américaine : un habitat étouffant régi par des principes conformistes dont aucun citoyen n’est autorisé à déroger.” Où même l’argent ne suffit pas à acheter la liberté ? Réponse (peut-être) le 8 janvier prochain, dans la saison 3.

5 janvier 2025

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